utilisation des réseaux sociaux pour lutter contre la fraude fiscale
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 15 novembre 2018
UTILISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE FISCALE
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour le groupe La France insoumise.
M. Loïc Prud'homme. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'action et des comptes publics, ministre des comptes Facebook, des comptes Twitter, des comptes Instagram et des comptes Snapchat.
Monsieur le ministre, vous érigez le selfie en arme de traque fiscale massive. Si vous n'étiez pas le boute-en-train que nous connaissons tous, nous aurions pu prendre cette proposition au sérieux ! Mais elle ne l'est évidemment pas. Elle n'est pas sérieuse, d'abord, du point de vue du respect de la vie privée, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, nous a déjà alertés sur cette dérive. Elle n'est pas sérieuse, ensuite, en termes de moyens. (Mme Mathilde Panot applaudit.) Depuis 2008, la Direction des finances publiques a subi 2 000 suppressions de postes par an ; le nombre de contrôles fiscaux baisse depuis trois ans et vous supprimez encore 2 313 postes, rien qu'en 2019, dans votre ministère et chez ses opérateurs. Comment analyser plus de données avec moins d'agents du fisc ?
Le Gouvernement essaie de se donner bonne conscience pour masquer l'essence même – pardonnez-moi ce jeu de mots – de sa politique fiscale : continuer le « deux poids, deux mesures ». Traquer les Français sur les réseaux sociaux et à la pompe, et en même temps fermer les yeux quand les plus puissants affichent ouvertement leurs privilèges : Impôt de solidarité sur la fortune à 5 milliards d'euros, flat tax, exit tax et optimisation à 55 milliards d'euros avec les CumExFiles. Pour rappel, la fraude fiscale, ce ne sont pas moins de 80 milliards d'euros, qui sont escamotés, volés à l'État chaque année, et pas par des gueux qui fument et qui roulent au diesel, mais par des gens en costard et souliers vernis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Par ailleurs, une grande partie de l'évasion fiscale est aujourd'hui considérée comme légale. J'ai d'ailleurs débusqué moi-même un de ces fraudeurs légaux sur les réseaux sociaux. J'ai d'abord cru qu'il se cachait derrière un pseudonyme composé de deux prénoms, Bernard et Arnault. Il poste des photos de son yacht Symphony sur Facebook, en toute impunité, même s'il n'a pas payé d'impôts dessus. Le navire, estimé à 130 millions d'euros, est détenu par une société maltaise et navigue sous pavillon des îles Caïmans. Je crois d'ailleurs que j'ai imprimé, par inadvertance, ma question sur le profil Facebook de ce marin d'eaux troubles. Monsieur le ministre, souhaitez-vous bénéficier de ce dossier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le député, nous partageons l'une de vos préoccupations : la fraude fiscale est un coup de canif dans le contrat social, dans le contrat républicain. C'est un coup de canif dans l'ensemble de l'engagement citoyen. Et, pour répondre précisément à votre question, c'est parce que nous voulons lutter contre la fraude fiscale que l'administration fiscale a pris la décision, avec le soutien de Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, et de moi-même, d'investir 20 millions d'euros dans une technique de data mining. Nous voulons effectivement exploiter les données publiques – et j'insiste sur le caractère public des données.
L'administration fiscale en exploite déjà beaucoup. Certaines sont publiées volontairement par les internautes sur un certain nombre de réseaux sociaux, et ce sont ces données dont nous allons expérimenter l'analyse.
Mme Mathilde Panot. Ce n'est pas comme cela qu'il faut faire !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . Nous allons le faire dans le cadre de la législation en vigueur et sous le contrôle de la CNIL, auprès de laquelle nous allons bientôt déposer un dossier. Nous allons expérimenter cette méthode pour lutter contre la fraude.
Mme Mathilde Panot. Il faut mettre des moyens humains !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . Il va de soi qu'aucune des informations utilisées ne se suffira à elle-même, mais qu'elle sera considérée comme un indice pour constituer un dossier. Il reviendra ensuite à l'administration d'établir la fraude, comme c'est le cas aujourd'hui.
Cette technique de data mining et d'exploitation de données publiques vient s'ajouter à des mesures que le Parlement a adoptées il y a quelques semaines.
Mme Danièle Obono. Mais non !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . Je songe à la création d'une police fiscale, au renforcement des sanctions contre les fraudeurs, à la publication du nom des personnes morales qui sont convaincues de fraude fiscale, parce que nous considérons qu'après avoir voté une loi pour un État de confiance et une administration de conseil, nous devons être encore plus impitoyables avec celles et ceux qui fraudent, et c'est ce que nous faisons.
Mme Mathilde Panot. Et à Bernard Arnault, vous lui faites quoi ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . La seule chose que je note, monsieur le député, c'est que vous et votre groupe, vous êtes les seuls à ne pas avoir voté ces nouvelles mesures contre la fraude fiscale. (Exclamations sur les bancs du groupe FI. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2018