mouvement des "Gilets Jaunes"
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 21 novembre 2018
MOUVEMENT DES « GILETS JAUNES »
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour le groupe La France insoumise.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, en France, dans notre pays passionné d’égalité et de fraternité, il n’y a pas d’ordre public possible, ni même souhaitable, sans justice sociale et c’est ainsi qu’il faut comprendre la puissance et l’étendue du mouvement des « gilets jaunes » que nous voyons se déployer dans tout notre pays, que ce soit dans l’Hexagone, dans les DOM-TOM comme, à cette heure même, à la Réunion. C’est donc la justice sociale qu’il faut rétablir si l’on veut que revienne l’ordre et que cessent les violences que provoquent ceux qui s’opposent à ce mouvement.
Il n’est pas juste, monsieur le Premier ministre, de prendre 4 milliards à des gens qui n’ont pas d’alternative aux déplacements en voiture par une surtaxe sur les carburants au moment même où vous donnez exactement la même somme, en supprimant l’impôt sur la fortune, à des familles de riches qui n’en ont pas besoin et qui ne vous l'ont jamais demandé. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Si vous voulez régler la crise actuelle, partez de l’idée que la situation est tellement exceptionnelle qu’elle justifie, puisque le débat budgétaire est encore en cours, le rétablissement immédiat de l’impôt de solidarité sur la fortune et la suppression de la taxe sur les carburants. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Il n’est pas juste d’arguer de la transition économique lorsque vous disposez de 40 milliards au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, que vous allez faire passer dans le droit commun, alors que vous pourriez affecter ce montant au budget de l’écologie, où il remplirait immédiatement les carnets de commandes dans tout le pays et donnerait de l’emploi et du mieux-vivre pour tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Vous avez, paraît-il, l’intention d’interdire la manifestation appelée par les gilets jaunes pour samedi. Je suis donc obligé de vous dire que, si beaucoup d’entre nous participeront à la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles, les insoumis iront aussi dans cette manifestation.
Un député du groupe LaREM . C'est de la récupération politique !
M. Jean-Luc Mélenchon. Aussi, monsieur le Premier ministre, permettez que la démocratie sociale et la démocratie parlementaire se retrouvent. Permettez la manifestation. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Mélenchon, avant de répondre à la question que vous posez, et dont je comprends que qu’elle porte, pour l’essentiel, sur la manifestation qui pourrait avoir lieu samedi, je relève que vous avez commencé en mentionnant la passion française, bien réelle, pour l’égalité et la fraternité. Permettez-moi de vous dire que j’ai toujours interprété la devise républicaine comme ayant trois termes : la liberté, qui est aussi une passion française, l’égalité et la fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) N’en voir que deux, c’est avoir une lecture incomplète de la promesse républicaine. Je tenais à vous le dire, car je suis certain que, sur ce sujet, nous ne serons, au fond, jamais véritablement d’accord. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe FI.)
M. Alexis Corbière. C’est vous qui interdisez la manifestation !
M. le président. Monsieur Corbière, laissez M. le Premier ministre répondre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Un mot à propos de la liberté. Vous nous demandez de ne pas interdire une manifestation. Permettez-moi de rappeler, car c’est utile, l’état du droit : en France, pour manifester, il faut déclarer un projet de manifestation. Ce n’est pas du tout accessoire et c’est même important, car cela permet notamment de sécuriser la manifestation. Je constate que certains de nos concitoyens se sont affranchis de cette règle en disant qu’au fond, elle n’apportait rien. Or, elle permet de faire que les manifestations se passent bien. Nous n’avons aucune intention de réprimer ou de diminuer en quoi que ce soit la liberté d’expression et la liberté de manifestation (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM), mais nous voulons qu’elles s’expriment dans le cadre de la loi et dans le respect de l’ordre public.
Puisque vous avez parsemé votre question de « il n’est pas juste », nous renvoyant à une figure stylistique que nous avons bien connue lors du quinquennat précédent, je tiens à dire qu’il n’est pas juste non plus d’interdire aux Français de se déplacer quand ils souhaitent le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Il n’est pas juste non plus d’imposer à des gens qui veulent franchir un rond-point de porter un gilet jaune. Il n’est pas juste non plus de bloquer des zones commerciales ou des centres-villes. (Mêmes mouvements.)
Pour ce qui est de la politique générale du Gouvernement… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.) Monsieur le président Mélenchon, j’essaie de vous parler directement, car vous m’écoutez avec attention, mais ce n’est malheureusement pas le cas de ceux qui vous entourent.
M. le président. C'est vrai.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Un mot donc pour dire que nous nous sommes engagés – le Président de la République au moment de l’élection présidentielle, puis la majorité et chacun des parlementaires qui la composent lors des élections législatives – sur un projet, sur un programme. Nous respectons le programme qui a été proposé aux Français. Vous qui êtes un amoureux de la République – c’est ce que vous dites, et je le crois bien volontiers –, vous qui êtes respectueux de la démocratie – je le souhaite vraiment –, vous pouvez considérer avec moi que le fait de tenir sans zigzaguer une promesse, un engagement faits aux Français est tout à fait sain pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 novembre 2018