politique du Gouvernement
Question de :
M. Olivier Faure
Seine-et-Marne (11e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 12 décembre 2018
POLITIQUE DU GOUVERNEMENT
M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier Faure. Monsieur le Premier ministre, il y avait un autre choix : celui de la justice fiscale, avec un plan à 25 milliards d'euros pour le pouvoir d'achat des Français. Ces 25 milliards étaient mobilisables immédiatement : 5 milliards en rétablissant l'impôt sur la fortune et en abrogeant la flat tax, et 20 milliards en renonçant au doublement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE.
Vous annonciez une rupture avec les politiques conduites depuis des décennies : elle était là, la réponse ! Votre promesse était celle d'un nouveau monde. Depuis hier soir, nous savons ce qu'il en est : c'est le retour vers le futur.
M. Éric Straumann. Retour à Hollande !
M. Olivier Faure. Vous allez, il est vrai, y gagner quelques soutiens à droite. Comment Les Républicains pourraient-ils ne pas saluer des mesures qui sont, en réalité, made in Nicolas Sarkozy ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe LR.) Un bouclier fiscal pour les plus riches, la défiscalisation des heures supplémentaires et un débat salarial évité : il fallait que tout change pour que rien ne change.
M. Patrick Hetzel. On préfère l'original à la copie !
M. Olivier Faure. Le CAC 40 peut dormir tranquille : les Français se paieront eux-mêmes leurs augmentations de pouvoir d'achat. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Oubliés, les fonctionnaires. Abusés, les retraités qui ne verront pas leurs pensions réindexées. Négligés, les temps partiels qui n'ont pas le droit à la prime d'activité. Sortie des radars, la transition énergétique. Méprisés, les lycéens.
M. Éric Straumann. Et vous, vous avez méprisé les Alsaciens !
M. Olivier Faure. Oubliée, l'exigence démocratique portée par les « gilets jaunes ». (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Monsieur le Premier ministre, vous aviez avec cette réponse à la crise une occasion inespérée de réconcilier les Français, de récréer de l'unité et de fédérer autour d'un projet revisité. Vous avez fait le choix d'en revenir aux recettes éculées.
Mme Émilie Bonnivard. C'est vrai que c'était vachement bien sous Hollande !
M. Olivier Faure. C'est cette politique que, jeudi, nous allons censurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, je comprends que votre question est une forme d'avant-goût du discours que vous ne manquerez pas de prononcer lors du débat relatif à la motion de censure que vous avez l'intention de déposer.
Vous avez évoqué la possibilité qu'auraient eue le Gouvernement et le Président de la République de rompre avec les politiques antérieures. De fait, si nous étions revenus sur le CICE, nous serions revenus sur les politiques antérieures, car je ne crois pas que le CICE ait été inventé par le Président de la République ni par cette majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM),…
M. Pierre Dharréville. En êtes-vous si sûr ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …mais il a été mis en place dans les années qui précédaient l'avènement de celle-ci.
M. Stéphane Peu. Vous êtes sûr qu'Emmanuel Macron n'y est pour rien ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je me permets d'observer, monsieur le député - et vous le savez du reste parfaitement, à moins que cela ne vous ait échappé -, que le précédent président de la République pensait qu'un jour, le CICE pourrait être transformé et que son fonctionnement actuel serait remplacé par un abaissement de charges. Vous le savez parfaitement, mais peut-être l'avez-vous oublié. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Notre objectif n'est pas de nous affranchir des considérations liées à la compétitivité de l'économie française. La nécessité de prendre en compte le coût du travail et de faire en sorte que le coût du travail et les dispositifs fiscaux permettent aux entreprises françaises d'être compétitives ne nous a pas échappé. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Certains peuvent le regretter et imaginer que, dans un monde parfait, cette compétition entre les systèmes fiscaux n'existerait pas – je ne dis pas que c'est ce que vous souhaitez, mais je sais que c'est ce que certains espèrent. (Mêmes mouvements.)
Nous partons de la réalité, qui est que nous devons préserver un cadre fiscal compétitif pour les entreprises, afin qu'elles soient compétitives et que notre territoire national soit attractif.
Quant aux mesures annoncées par le Président de la République, elles visent à rémunérer le travail.
M. Olivier Faure. Et l'ISF ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je vous réponds, monsieur le député, et j'essaie de le faire avec autant de calme que de passion.
Les mesures annoncées par le Président de la République visent à mieux rémunérer le travail et à faire en sorte que cette meilleure rémunération soit concentrée chez travailleurs qui sont les plus modestes, parce qu'ils sont rémunérés au SMIC, et qui bénéficient, pour beaucoup d'entre eux, de la prime d'activité.
Si vous avez écouté ma première réponse – mais je suis heureux de pouvoir le redire –, vous avez entendu que notre objectif n'est pas de nous en tenir à ceux qui bénéficient aujourd'hui la prime d'activité, mais d'essayer de faire en sorte que, par une meilleure organisation des choses et une meilleure mobilisation de l'argent public, l'ensemble de ceux qui sont rémunérés au SMIC puissent bénéficier de cette augmentation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Il s'agit donc d'aller plus loin que le dispositif qui existe aujourd'hui. C'est un effort plus net, car nous voulons que l'ensemble de ceux qui sont rémunérés au SMIC bénéficient d'une augmentation substantielle de 100 euros, comme l'a dit le Président de la République.
M. Fabien Di Filippo. Et les autres ?
M. Christian Jacob. Il n'y arrive plus ! Il est out !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Voilà notre objectif et nous allons essayer, sans revenir sur la compétitivité des entreprises, sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir…
M. Sébastien Jumel. Touche pas au grisbi !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …de faire en sorte que les salariés rémunérés au niveau du SMIC bénéficient de la rémunération de leur travail. Voilà l'objectif.
M. Éric Straumann. C'est flou !
M. Patrick Hetzel. C'est qu'il y a un loup !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Cet objectif, monsieur le député, ne va peut-être pas assez loin pour vous et vous pensez peut-être qu'on aurait pu faire tellement plus, mais quand a-t-on augmenté le SMIC de 100 euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) En avez-vous un exemple récent à évoquer ? Cela n'a jamais été fait, vous le voyez bien.
M. Sébastien Jumel. Qui va payer ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Nous irons beaucoup plus loin, parce que nous voulons aller beaucoup plus fort et beaucoup plus vite,…
M. Thibault Bazin. À 80 kilomètres à l'heure ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …et je m'en réjouis.
Je sais, monsieur le député, que nous aurons l'occasion d'évoquer ces questions à l'occasion du débat auquel donnera lieu la motion de censure et j'aurais plaisir, croyez-moi, à expliquer dans le détail l'ensemble de ces mesures et les conditions de leur financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
Auteur : M. Olivier Faure
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2018