violences à l'encontre de représentants de la Nation
Question de :
Mme Jacqueline Dubois
Dordogne (4e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 12 décembre 2018
VIOLENCES À L'ENCONTRE DE REPRÉSENTANTS DE LA NATION
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Dubois. (Les députés des groupes LaREM, MODEM, SOC, UDI-Agir, FI, GDR et LT se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs députés du groupe LaREM crient « Debout ! » et huent les députés du groupe LR)
Mme Jacqueline Dubois. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. J'y associe ceux de mes collègues qui ont fait l'objet de menaces et d'intimidations.
Vers vingt-trois heures, dans la nuit de samedi à dimanche, en Dordogne, j'ai découvert avec stupéfaction que ma voiture et celle de mon mari étaient en feu. Cet incendie était volontaire. Je tiens à remercier les pompiers et les forces de sécurité pour leur intervention rapide ainsi que tous ceux qui m'ont témoigné leur soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC, UDI-Agir, FI, GDR et LT.) Ces actes criminels, aussi inadmissibles soient-ils, ne doivent pas nous faire céder à la peur, à la surenchère ou à la confusion. En tout cas, je n'y céderai pas !
Le matin même, à ma permanence de Sarlat, j'avais reçu des membres des Gilets jaunes venus m'exposer leurs demandes et nous avions dialogué dans un climat apaisé et constructif. Je ne ferai pas d'amalgame. Bien des revendications sont respectables et légitimes mais pas les violences que nous avons vues une nouvelle fois à Bordeaux, à Toulouse, à Paris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT et sur plusieurs bancs des groupes LR et SOC.)
Nos forces de sécurité, pleinement mobilisées, ont maintenu ou rétabli l'ordre. Il convient de les saluer à la hauteur de leur engagement.
Qui peut croire que les attaques contre les forces de sécurité, contre les élus de la République, contre les institutions et contre les commerces feront naître un avenir meilleur ? (Mêmes mouvements.)
Hier soir, le Président de la République a condamné ces violences avec la plus grande fermeté. Il a présenté des mesures sociales significatives et a appelé à débattre dans les territoires. Comment comprendre l'attitude de certains leaders politiques qui continuent à verser de l'huile sur le feu ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir. – Plusieurs députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.)
Un député du groupe LaREM . Mélenchon !
Mme Jacqueline Dubois. Il est temps que ceux qui aiment la France, la République et la démocratie se lèvent, s'unissent, au-delà de leurs différences, pour constituer un rempart républicain. J'en appelle à la responsabilité de chacun.
M. Bruno Millienne. Répondez monsieur Mélenchon !
Mme Jacqueline Dubois. C'est par le dialogue que nous construirons collectivement des solutions.
Pourtant, monsieur le ministre, certaines personnes semblent refuser la main tendue par Emmanuel Macron. Que comptez-vous faire alors pour que l'activité commerciale reprenne dans nos villes, pour que les Français puissent enfin circuler librement, en sécurité, et préparer sereinement les fêtes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. le président. Soyez sûre, chère collègue, de la solidarité de tous les membres de l'Assemblée nationale face à ces violences. (Mêmes mouvements. – Plusieurs députés des groupes SOC, FI et GDR applaudissent également.)
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la député, au risque de vous surprendre, je dirai que vous n'êtes pas la première à subir les menaces ou la violence dans le cadre du débat public. Depuis de nombreuses années, celui-ci est caractérisé par une très grande facilité à recourir à l'insulte, souvent anonyme mais pas toujours, une très grande facilité à la menace lorsque le désaccord veut s'exprimer, une très grande facilité au rapport de forces, une très grande facilité à l'intimidation physique. Elle s'est manifestée, dans les semaines qui viennent de s'écouler, essentiellement contre des parlementaires de la majorité, mais elle s'était exprimée dans des conditions comparables contre des parlementaires ou des élus locaux des majorités précédentes, voire de l'opposition même la plus résolue, nous le savons.
Je ne voudrais pas, madame la députée, que nous nous y habituions car en vérité c'est notre capacité à débattre de façon démocratique et à assumer nos désaccords qui souffre manifestement des excès et de la volonté de certains de transférer sur le terrain de la violence physique le nécessaire débats d'idées. C'est une dérive inquiétante, aussi inquiétante que le déchaînement de violence auquel nous avons assisté dans les semaines qui viennent de s'écouler.
Vous avez été directement affectée par cette violence, madame la députée, qui n'a heureusement frappé que des biens matériels en l'occurrence mais je sais que d'autres parlementaires ont été l'objet de menaces, contre leur personne, contre leur famille, contre leurs enfants. Je sais que des parlementaires sont menacés en raison de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils disent dans le cadre du débat public.
On peut toujours, dans le feu de l'action, faire comme si ça n'était pas grave : la vérité, c'est que c'est gravissime. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
Les forces de l'ordre assurent la protection d'un certain nombre de parlementaires qui sont directement menacés mais nous ne pouvons pas nous résigner à une démocratie sous protection. Nous ne pouvons pas accepter que des parlementaires soient menacés pour ce qu'ils pensent et ce qu'ils disent. Bien sûr on peut être en désaccord ; bien sûr ces désaccords doivent pouvoir s'exprimer directement ; bien sûr nous ne vivons pas dans un monde d'idées et nous savons que les contestations prennent parfois la forme d'affrontements physiques : nous l'avons toujours constaté dans notre histoire, ne soyons pas naïfs mais si au moins entre nous, madame la députée, entre citoyens, dans cette assemblée et bien au-delà, qui souhaitent préserver la démocratie comme notre bien le plus précieux ; si au moins nous pouvions, à chaque fois que nous nous exprimons, avoir l'idée que ce qui se joue, ce n'est pas simplement notre liberté d'expression ou la critique que nous formulons mais la défense d'un bien commun, alors peut-être que les violences et les menaces auxquelles vous avez été exposée seraient un peu moins fréquentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Auteur : Mme Jacqueline Dubois
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2018