lutte contre le terrorisme
Question de :
M. Éric Diard
Bouches-du-Rhône (12e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 13 décembre 2018
LUTTE CONTRE LE TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Éric Diard.
M. Éric Diard. Monsieur le ministre de l'intérieur, hier soir, Strasbourg a été frappée par un attentat sur un site hautement symbolique. J'ai bien évidemment, moi aussi, une pensée pour les victimes et leurs familles. Je tiens à rendre un hommage appuyé aux forces de l'ordre, aux secours et aux militaires de la force Sentinelle, particulièrement mobilisés ces derniers temps pour assurer la sécurité des Français. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Ce terrible drame met une nouvelle fois en lumière la menace que représente la barbarie islamiste, et notre difficulté à suivre efficacement les individus radicalisés.
M. Meyer Habib. Et voilà !
M. Éric Diard. Le meurtrier, connu des services de police comme délinquant de droit commun, s'est radicalisé en prison, est fiché S depuis 2016 et est inscrit au fichier FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. Son frère, actuellement en garde à vue, est également fiché S.
Vous le savez, je suis rapporteur, avec Éric Poulliat, d'une mission d'information sur les services publics face à la radicalisation ; sans préjuger de ses conclusions, je peux vous dire, monsieur le ministre, que la situation de la radicalisation dans les prisons est plus qu'édifiante.
M. Pierre Cordier. Très bien !
M. Meyer Habib. Absolument !
M. Éric Diard. Le 12 mai dernier, Khamzat Asimov, fiché S en 2016 et entendu en 2017 pour ses relations avec des djihadistes, est pourtant passé à l'acte par une attaque au couteau dans le quartier de l'Opéra, à Paris.
On constate ainsi des failles dans le système, malgré le nouveau dispositif instauré par le Président de la République et la coordination nationale du renseignement, qui a été restructurée. En dépit de l'adoption du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – SILT –, en dépit de tous les attentats qui ont frappé notre pays, il y a encore, de toute évidence, un problème dans le suivi et l'appréhension des individus radicalisés.
Hier, à 6 heures du matin, les forces de l'ordre se sont présentées au domicile du tueur pour l'appréhender en tant que délinquant de droit commun. Il n'y était pas. Monsieur le ministre, dans cette affaire, pourquoi a-t-on choisi une approche de droit commun s'agissant d'un individu pourtant connu comme islamiste radicalisé ? Y a-t-il eu une évaluation par la cellule locale de renseignement et, surtout, une coordination entre l'autorité judiciaire et les services de la préfecture ? Ne faut-il pas privilégier la prise en considération de la dangerosité religieuse radicale plutôt qu'une simple approche classique de droit commun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
M. Meyer Habib. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Comme l'a rappelé Christophe Castaner à l'instant, et comme vous l'avez également souligné, monsieur le député, la menace terroriste est essentiellement endogène : elle provient d'individus présents sur notre territoire, qui répondent à la propagande de Daech. L'enjeu, vous l'avez souligné, est d'assurer à leur endroit le suivi le plus fin possible.
C'est ce que nous faisons par le biais du fichier des personnes radicalisées, alimenté par différentes détections provenant de la plateforme de signalement, de signalements en gendarmerie, dans les commissariats, de l'initiative des services de renseignement et de la détection en milieu carcéral – j'y reviendrai.
M. Ludovic Pajot. Ce n'est pas suffisant !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . J'en viens aux moyens affectés à ce suivi. Les moyens humains ont été renforcés : vous avez cité la coordination, l'échange entre les services ; permettez-moi d'insister, en outre, sur le renfort d'effectifs dont ont bénéficié les services de renseignement pour suivre les personnes inscrites au FSPRT. Le ministre l'a rappelé tout à l'heure : sur la durée du quinquennat, cela représente 1 900 personnes, qui viendront principalement étoffer la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI. Il en va de même des moyens budgétaires affectés à l'amélioration des techniques de renseignement et du suivi des individus – ceux de la DGSI augmentent de 20 millions d'euros en 2019 – ainsi que des moyens juridiques : nous avons procédé à plus de soixante-dix visites domiciliaires depuis l'adoption de la loi SILT qui les a rendues possibles. Bref, les moyens sont là.
Quant au cas que vous citez, monsieur le député, il a en effet été détecté en détention,...
M. Pierre Cordier. Quand ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. ...où l'individu se livrait au prosélytisme. Dès sa sortie de détention, il a été suivi par la DGSI. De nombreuses techniques de renseignement ont été mises à contribution le concernant. Malheureusement, l'on n'a jamais détecté de radicalisation, moins encore de velléité de passage à l'acte. Je suis désolé de vous le dire, malgré l'engagement des fonctionnaires des services, il n'a pas été possible de détecter ce risque.
Néanmoins, parce que c'est notre travail, le cas a bien été évoqué en groupe d'évaluation départemental ; il a bien été décidé d'entraver l'action de cette personne, et si c'est la voie du droit commun qui a été choisie, c'est parce que c'était la seule permise par les textes.
M. Pierre Cordier et M. Fabien Di Filippo . Alors il faut changer les textes !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Je le répète, je suis désolé de vous le dire : les fonctionnaires des services de renseignement ont fait ce qu'ils ont pu, mais nous ne sommes pas parvenus à détecter une velléité de passage à l'acte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Éric Diard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Ministère répondant : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 décembre 2018