démocratie et terrorisme
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 13 décembre 2018
DÉMOCRATIE ET TERRORISME
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe de la France insoumise exprime sa compassion sidérée aux familles des victimes du misérable assassin qui a frappé hier à Strasbourg, et sa compassion la plus complète aux victimes qui luttent contre la mort. Si les motivations de l'assassin ne sont pas connues à cette heure, je tiens à le rappeler, il n'empêche que le mode opératoire est bien celui du terrorisme. (« Islamiste ! », sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Dans ces circonstances, pour la patrie, le pire serait que ses responsables se divisent. C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, je tiens à vous dire la totale solidarité des insoumis dans la traque que vous avez entreprise pour capturer l'assassin et vous dire, très franchement, que nous sommes certains que vous avez fait et que vous faites pour le mieux dans le contexte que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR, SOC, LaREM, MODEM,UDI-Agir, LT et sur de nombreux bancs du groupe LR.)
Cette circonstance nous fait devoir à tous et il ne faut pas qu'il y ait de récupération politicienne de ce moment. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.) C'est pourquoi je crois utile de préciser que ni les gilets jaunes ni la jeunesse mobilisée n'ayant aucune responsabilité dans cette situation, ils n'ont donc aucune raison de remiser leurs revendications.
Vous le savez, le principal, pour que nous ne nous divisions pas et pour que l'assassin n'ait pas le dernier mot, c'est que la vie continue et la vie démocratique d'abord. Une motion de censure a été déposée. Toutefois, monsieur le Premier ministre, ce matin, nous avons saisi le président de l'Assemblée pour lui expliquer que si, pour des raisons opérationnelles qui lui appartiendraient, ou bien si, à votre demande, il en demandait le report, nous n'en ferions pas un drame. Nous croyons néanmoins utile que cette motion de censure puisse être défendue de manière que l'assassin et les assassins d'une manière générale sachent qu'ils n'ont aucune prise sur la vie démocratique.
M. Régis Juanico. Alors, monsieur le président ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Puisque vous avez rappelé, monsieur le ministre de l'intérieur, qu'il fallait à tout prix que le marché de Noël ait lieu, j'ajouterai qu'il faut que la République, ses passions, ses mobilisations perdurent : elles ne sont pas à la merci d'un assassin. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – MM. Brahim Hammouche et Alain Tourret applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Mélenchon, je profite de votre question pour affirmer, comme vous l'avez fait, ainsi que tous les orateurs qui vous ont précédé, combien l'émotion, la colère aussi, la détermination de l'ensemble du peuple français sont grandes face à cette attaque terroriste. Toutes les attaques terroristes touchent toute la France.
Comment ne pas observer que chacune de ces attaques vient frapper un symbole ? À Nice : un 14 juillet ; la liberté de la presse avec Charlie Hebdo ; notre façon de vivre, notre sens de la fête, au Bataclan ; et, hier, un marché de Noël, à Strasbourg, c'est-à-dire, là encore, à l'occasion d'une fête que, croyants ou non, nous aimons car elle est une fête familiale, fraternelle, qui dit beaucoup de choses sur l'espoir, sur ce qui nous unit. C'est cette fête qui a été frappée, hier, par un acte terroriste.
Je vous remercie, monsieur le président Mélenchon, pour les mots que vous avez eus, je remercie l'ensemble des orateurs pour leurs mots à l'endroit des forces de l'ordre, sans oublier, parce que, parfois, on les cite moins, les forces de secours…
Mme Caroline Fiat. Tout à fait.
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …qui se sont démenées dans tous les hôpitaux pour faire en sorte que les blessés puissent être sauvés, que ceux qui les accompagnaient puissent être accueillis dans des conditions toujours difficiles. Merci, donc, pour ces mots ; et merci pour ce qu'ils ont fait. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, FI, GDR et SOC.)
Vous avez évoqué, monsieur le président Mélenchon, la vigueur du débat démocratique alors même que la menace terroriste est réelle, ce qui nous a été rappelé de façon tragique hier soir. Et je suis d'accord avec vous : la meilleure façon, même si ce n'est pas la seule – la détermination des forces de l'ordre, des services de sécurité, du Gouvernement, bien entendu, est totale pour traquer, trouver et punir cet individu –, l'une des meilleures façons, disais-je, de lutter collectivement contre le terrorisme, consiste à continuer de pratiquer ce en quoi nous croyons : la démocratie, le débat et, d'une certaine façon, la fraternité.
Nous allons donc continuer, vous et moi, à débattre au sein de cet hémicycle, à résolument ne pas être d'accord car si ce n'est la meilleure, ni la seule, c'est en tout cas une bonne façon de lutter. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.) Vous avez évoqué la motion de censure déposée contre le Gouvernement et qui devait être examinée demain à seize heures trente, puisque la Constitution prévoit qu'elle doit l'être quarante-huit heures après avoir été déposée.
M. André Chassaigne. Trois jours !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il se trouve que c'est l'Assemblée qui est maîtresse du calendrier. Le Premier ministre et le Gouvernement sont à la disposition de l'Assemblée. Aussi ce débat se tiendra-t-il quand l'Assemblée le souhaitera. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC, FI et GDR.)
Mme Sylvie Tolmont. Le Président Ferrand vous entend-il ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Il aura lieu et nous pourrons exprimer nos désaccords – et nous pourrons exprimer nos désaccords parce que, fondamentalement, monsieur le président Mélenchon, nous sommes d'accord pour défendre la République et pour défendre la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM , MODEM, FI, SOC et GDR. – Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, MODEM et FI se lèvent pour applaudir.)
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Terrorisme
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 décembre 2018