droits de manifester
Question de :
M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 30 janvier 2019
DROIT DE MANIFESTER
M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
M. Laurent Furst. Les malheureux de la France !
M. Jean-Félix Acquaviva. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le groupe Libertés et territoires s'insurge contre toutes les violences qui se sont produites lors de manifestations récentes, celles bien sûr qui ont atteint les commerces, les voitures, tous les biens et les symboles publics, mais aussi toutes les personnes dans leur chair. Ces actes doivent être évidemment punis avec fermeté, c'est essentiel ! Qu'ils soient l'œuvre de casseurs organisés, nuisant à l'opinion que la population a des manifestants ou bien de policiers ayant fait preuve d'abus caractérisés, les enquêtes doivent le déterminer.
Cependant, le respect de l'ordre public ne peut pas et ne doit pas se faire au détriment de la préservation de nos libertés publiques,…
M. Bertrand Pancher. Très bien !
M. Jean-Félix Acquaviva. …pierre angulaire de l'État de droit. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Or, monsieur le ministre, en inscrivant à l'ordre du jour de l'Assemblée la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, vous et votre gouvernement fragilisez la démocratie en faisant entrer des mesures d'exception dans notre droit commun. Vous prétendez que ce texte cible les casseurs, mais il va en fait cibler tous nos concitoyens en portant atteinte à leur liberté d'aller et venir, et à leur liberté de manifester.
M. Bertrand Pancher. Il a raison !
M. Ugo Bernalicis. C'est vrai !
M. Jean-Félix Acquaviva. Ce texte, très contextuel, n'a pas lieu d'être. Cette proposition de loi est inutile et dangereuse. Le droit existant permet déjà de prévenir les violences dans les manifestations et d'en sanctionner les auteurs. Pourquoi alors vouloir ajouter à la législation une loi mal ficelée qui va privilégier l'arbitraire en donnant plus de pouvoirs aux préfets, loin de tout contrôle juridictionnel ? Monsieur le ministre, pourquoi défendre un texte que votre majorité dénonçait il y a peu au Sénat, à l'automne dernier, comme une atteinte aux libertés fondamentales ? Cessons donc de piétiner les prérogatives du Parlement, allons au bout du débat, ne jouons pas aux apprentis sorciers car cela risquerait de déchaîner des événements dont on ne serait même pas capables d'arrêter le cours. Cette proposition de loi ne contribuera nullement à l'apaisement : elle va accentuer les clivages et les fractures au sein de la société.
Monsieur le ministre, comment entendez-vous garantir l'exercice des libertés publiques loin de tout arbitraire ? Comment comptez-vous éviter les dérives policières, lesquelles découlent notamment d'une absence de moyens humains et financiers, et d'un manque de formation ? L'ordre public doit être relégitimé. La défiance envers l'État que vous renforcez avec cette proposition de loi ne peut perdurer. Donnez-nous dès lors les garanties d'une politique tournée vers l'apaisement et vers une société réconciliée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT et sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je travaille avec le secrétaire d'État Laurent Nunez aux côtés des forces de l'ordre pour faire face au déferlement de haine que nous constatons depuis de longues semaines. Ce phénomène n'est pas nouveau : on l'a vu le 1er mai de l'année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Et chacun se souvient ici du 1er mai il y a deux ans, quand des Black blocs ont tenté d'immoler un CRS. Voilà la réalité de la violence qui, petit à petit, a semé le mal au sein des manifestations. Voilà la réalité d'une violence qui menace profondément la liberté fondamentale qu'est celle de manifester.
Le Gouvernement veut simplifier le dispositif déclaratif des manifestations, mais aussi que ce droit fondamental soit garanti. Or aujourd'hui, une toute petite minorité prend en otages ceux qui manifestent, prend en otages les commerçants, prend en otages les villes, Paris bien sûr mais aussi de très nombreuses autres villes partout en France (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM), prend en otage le droit fondamental de manifester.
Cette loi ne sera pas une loi de circonstance. Elle a été proposée et débattue au Sénat avant les manifestations des gilets jaunes. Et je vous le dis : cette loi ne sera en aucun cas une loi contre les gilets jaunes. Elle visera au contraire à préserver la liberté de manifester. Cette loi ne sera pas une loi de circonstance, mais de bon sens : il s'agit de donner les moyens aux autorités administratives, sous contrôle systématique de la justice, de permettre aux Français de manifester quand ils le souhaitent sans pour autant subir l'action des brutes. Je parle bien de brutes, monsieur le député, non pas de casseurs, mais de brutes qui considèrent que l'objectif, samedi après samedi, est de briser des vies et de menacer des policiers. Nous devons donc nous donner les moyens ensemble de garantir les libertés fondamentales, en particulier celle de manifester. C'est tout le sens de cette loi et nous allons avoir l'occasion d'en débattre vous et moi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 janvier 2019