démocratie participative
Question de :
M. Bertrand Pancher
Meuse (1re circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 31 janvier 2019
DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, la grande crise que nous connaissons actuellement, révélée par le mouvement des gilets jaunes, est aussi et surtout la résultante d'une véritable défiance démocratique.
Vous avez fait le choix d'engager un grand débat national. Nous avons soutenu cette initiative que j'avais d'ailleurs appelée de mes vœux. Cet exercice attendu par nos concitoyens se traduit pour le moment par beaucoup de participation, une vaste remontée d'attentes et de revendications. Il suscite beaucoup d'espoirs.
Ce débat qui n'est pour le moment qu'une grande consultation va-t-il aboutir à un exercice de démocratie participative ? En d'autres termes, va-t-il permettre d'identifier les points de consensus et de dissensus entre tous, et de les transformer en propositions, après de véritables débats et confrontations ? Bref, permettra-t-il de créer de l'intelligence collective ? C'est essentiel, mais personne pour le moment ne le sait vraiment.
Ces propositions, quand elles seront établies, si elles le sont, vont-elles être travaillées par les parlementaires que nous sommes avec les représentants des corps intermédiaires dont nous avons tant besoin pour trouver des équilibres ? La démocratie participative va-t-elle renforcer la démocratie représentative ? C'est indispensable.
Vous devez, monsieur le Premier ministre, préparer ardemment l'après-consultation pour aboutir à ce double renforcement, faute de quoi les Français vont une nouvelle fois se réveiller avec la gueule de bois. Le Parlement et les corps intermédiaires seraient encore davantage fragilisés. Nous n'en avons pas besoin.
Vous devez aussi, monsieur le président de l'Assemblée nationale, nous mobiliser, car nous autres, représentants du peuple, porteurs de l'intérêt général, devons nous préparer à ce grand rendez-vous. Nous vous avons d'ailleurs, au titre du groupe Libertés et territoires, transmis des propositions, pour le moment restées sans réponse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous éclairer, mais aussi éclairer les Français ? Nous n'avons vraiment pas le droit de nous tromper. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Pancher, je vous réponds à la fois en votre qualité de coprésident du groupe LT et de spécialiste reconnu des exercices de débat public. La question de la participation de nos concitoyens, de l'organisation des débats, de la construction d'alternatives, puis de la décision publique vous passionne depuis longtemps, je le sais, et je vous remercie de m'offrir l'occasion de dire un mot devant cette assemblée de la place qu'elle doit occuper dans ce grand débat.
Depuis que celui-ci est lancé, nous avons constaté une très grande appétence de nos concitoyens à y participer : plus de 450 000 contributions – je le dis de mémoire – ont été adressées à la plateforme créée pour l'occasion et plus de 2 125 réunions sont inscrites sur le site, ce qui permet à nos concitoyens de venir y participer. Certaines réunions ont été filmées et retransmises en direct.
J'ai moi-même participé vendredi soir à une de ces réunions à Sartrouville.
M. Fabien Di Filippo. C'était plutôt un monologue !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'était un vendredi soir, de vingt heures à vingt-trois heures trente : plus de 250 personnes sont venues échanger,…
M. Fabien Di Filippo. Spontanément !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …s'entendre, s'écouter et formuler des propositions ! Elles étaient parfois véhémentes, parfois contradictoires, parfois très critiques vis-à-vis de telle ou telle institution. Elles étaient parfois aussi incroyablement élogieuses sur ce qu'est notre démocratie et sur ce qu'est notre pays, et il faut évidemment l'entendre. (Mme Amélie de Montchalin applaudit.)
Ce débat est né. Il est passionnant. Et nous voyons bien que partout en France, ainsi que parmi les Français de l'étranger, il suscite de l'intérêt. Tant mieux !
Pour qu'il puisse vivre, nous l'avons placé d'abord sous l'autorité, l'observation, la garantie de cinq personnes qui – vous l'avez constaté, car je sais que vous y êtes particulièrement attentif – formulent des recommandations que nous allons strictement observer, afin que le débat soit organisé dans les meilleures conditions.
J'ai créé un comité de suivi dans lequel l'ensemble des formations politiques représentées à l'Assemblée nationale et au Sénat ont pu désigner un représentant. Il se réunira pour la première fois cet après-midi. Ainsi, les parlementaires, quels que soient leurs choix et leur appartenance politique, seront en mesure de poser des questions à ceux qui organisent le grand débat, d'obtenir des réponses et de formuler des recommandations. Bref, loin d'être à l'extérieur de ce grand débat, les parlementaires sauront exactement comment se passent ses différentes étapes. Je serai enchanté de rencontrer les représentants de ce comité cet après-midi.
Puis se posera la question de la sortie. À ce stade, je ne peux pas dire grand-chose sur l'organisation de réunions citoyennes avec certains de nos concitoyens qui, dans chaque région, seront tirés au sort pour pouvoir s'exprimer. Non pas d'ailleurs que je prétende que le tirage au sort serait en quelque manière supérieur à d'autres légitimités. Mais un des objectifs, nous l'avons tous ressenti, est de faire en sorte que ne participent pas au débat public seulement ceux qui ont déjà l'habitude de le faire, qui ont déjà une voix dans ce débat public, qui savent l'utiliser pour se faire entendre,…
M. Sébastien Jumel. Vous pensez au Président de la République ?
M. Jean-Paul Lecoq. Au Premier ministre ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …mais que tous nos concitoyens puissent dire ce qu'ils veulent ou ne veulent pas. C'est la raison pour laquelle, dans chaque région, à la fin du débat, nous procéderons à un tirage au sort, afin que, sur la base de ce qui aura été dit, échangé, formulé pendant le grand débat, des Français, nos concitoyens, puissent aussi s'exprimer.
Il y aura aussi la sortie du grand débat. C'est la question que vous posez.
Je précise tout d'abord, monsieur le président, qu'il ne m'appartient pas à moi seul de dire comment s'effectuera cette sortie, ni d'en choisir la méthode. C'est un exercice sur lequel je veux entendre le comité de suivi et sur lequel les garants doivent s'exprimer pour que nous soyons certains que nous sommes bien dans les clous de ce qui est acceptable dans un débat de ce type. Et sur le fond, il ne m'appartient pas davantage de tirer les conclusions d'un débat qui commence seulement. Chacun a bien à l'esprit que, compte tenu de la période, des circonstances, de l'espoir qui est né et de la participation imposante qui se dessine dans ce grand débat, il nous faudra tirer, comme l'a dit le Président de la République, des conséquences profondes de ce qui sera exprimé.
À l'évidence, le Parlement sera associé à ces échanges.
M. Michel Herbillon. Merci ! Vous êtes trop bon !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. À l'évidence, monsieur le président. Quand on prend au sérieux la démocratie représentative, ce qui est votre cas, le mien et celui de tout le monde dans cet hémicycle, on sait qu'il y aurait quelque chose d'anormal, d'absurde et peut-être même, disons-le, de franchement scandaleux à ce que le seul endroit où l'on ne débatte pas soit cette assemblée ou le Sénat.
Donc, évidemment, il y aura un débat.
M. Sébastien Jumel. Enfin !
M. Éric Straumann. Sur la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur les routes nationales ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il ne m'appartient pas de dire comment il sera organisé, mais j'ai cru comprendre qu'hier, le président de l'Assemblée nationale a indiqué, depuis le perchoir, que la Conférence des présidents s'était saisie d'un certain nombre de propositions pour que le débat puisse prospérer, y compris dans cette assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Il vous appartiendra, mesdames et messieurs les députés, de dire comment vous souhaitez vous y associer. Une fois qu'il sera terminé, il faudra aussi que nous puissions discuter des décisions de nature législative qui devront être prises pour appliquer ce qui aura été indiqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. le président. Monsieur Pancher, pour la troisième fois, puisque j'ai déjà répondu hier à M. Philippe Vigier et, hier encore, à M. Boris Vallaud, j'indique, mais je ne le répéterai plus, que, conformément à ce qui a été décidé en Conférence des présidents, lorsque les conclusions du grand débat auront été entérinées et que les principaux sujets auront été mis au jour, notre assemblée se saisira ici même de ces enjeux et que chaque groupe pourra s'exprimer sur l'ensemble des thèmes. Que tout le monde en prenne note et prépare son travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Bertrand Pancher
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2019