Question au Gouvernement n° 1645 :
violences antisémites

15e Législature

Question de : Mme Amélie de Montchalin
Essonne (6e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 13 février 2019


VIOLENCES ANTISÉMITES

M. le président. La parole est à Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Monsieur le Premier ministre, nous avons tous ici une immense responsabilité : celle de dire, haut et fort, que notre République est blessée en son cœur et dans sa chair, blessée après trop d'actes antisémites, trop d'actes de violence et de haine, trop d'actes de profanation de synagogues, d'églises et de mosquées, trop d'attaques contre ceux qui ont une croyance, une identité, une différence que certains voudraient nier à tout prix.

Chaque jour, nous découvrons avec stupeur, indignation, dégoût et, admettons-le, une immense lassitude, ces tags et mots obscènes sur les vitrines, sur les quais des métros, sur les ponts des autoroutes, ainsi que sur les réseaux sociaux, sans oublier ces croix gammées sur les boîtes aux lettres, ces statues arrachées dans les églises, ces mosquées défigurées. (Applaudissements sur tous les bancs.)

L'an dernier, 541 actes ont été commis contre des juifs parce qu'ils étaient juifs, un chiffre en hausse de 74 % sur un an. L'antisémitisme est la première cause d'actes racistes dans notre pays : 541 fois, c'est la République qui a été attaquée, non par des terroristes venus d'ailleurs, mais par ce poison ignoble de la bêtise et de l'ignorance antisémites qui ressurgit dans notre pays. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Hier, à Paris, c'est en jaune sur une vitrine qu’était écrit « Juden ». Hier, à Sainte-Geneviève-des-Bois, ce sont les arbres du mémorial d'Ilan Halimi qui ont été sciés. Hier, à Paris, c'est le portrait de Simone Veil qui a été vandalisé. Notre République est attaquée. Or comment la défendons-nous au-delà de nos discours ? Vous remettrez ce soir un prix à des lycéens. Toutefois, pour 100 collèges et lycées mobilisés, combien d'autres où la laïcité reste méconnue et l'antisémitisme tabou ? Pourquoi est-il si long de condamner les sites internet et les profils ouvertement antisémites ?

Monsieur le Premier ministre, ce combat est celui de la République. Avec quels moyens le menons-nous dans nos écoles, nos commissariats, nos rues et, tout simplement, dans la vie quotidienne de tous les Français ? (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, le ton de votre question est empreint à la fois d'une réelle hauteur de vue et d'une grande colère. Je partage cette colère qui, je crois, est également très largement partagée au sein du peuple français, face à des actes de plus en plus nombreux, qui visent les personnes ou les lieux : des actes antisémites contre la mémoire d'Ilan Halimi, des actes antisémites contre la mémoire de Simone Veil, ou encore des inscriptions sur des enseignes directement inspirées de l'idéologie, de la phraséologie et de la symbolique qui ont prévalu dans les années trente et quarante. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Ces actes sont répugnants, madame la députée. Ils ne sont pas les seuls. Car, à ces actes antisémites qui se multiplient - vous avez évoqué les chiffres donnés par le ministre de l'intérieur et j'ai moi-même eu l'occasion dès l'année dernière, de signaler l'augmentation des actes antisémites -, s'ajoute une remise en cause de lieux qui, dans notre République, sont des lieux sacrés. Je dis le mot à dessein, non pas pour me faire le défenseur de tel ou tel culte, de telle ou de telle religion, mais parce que, mesdames et messieurs les députés, dans notre pays, les cimetières sont respectés, les églises sont respectées, les synagogues sont respectées, les mosquées doivent être respectées. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Or j'observe jour après jour des dégradations, des inscriptions scandaleuses.

M. Jean-Michel Jacques. Sur l'Arc de triomphe.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'observe jour après jour des remises en cause de symboles et de lieux auxquels notre pays est attaché.

Vous m'interrogez sur ce qu'il convient de faire face à l'explosion des actes antisémites et racistes. Nous devons d'abord et toujours exprimer et partager notre refus absolu de ces actes. Cela ne suffit pas, bien entendu. Toutefois, le jour où nous ne le ferons plus, le jour où la lassitude l'aura emporté, alors tout sera perdu. Nous devons donc dire que ces actes sont inacceptables. Nous avons le besoin d'exprimer une norme en proclamant que cela n'est pas acceptable, que cela n'est jamais innocent, que cela n'est jamais gratuit ! Nous devons le dire. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Nous devons également faire le seul pari que nous puissions faire, qui est ancien et difficile à relever : le pari de l'intelligence et de l'éducation. Nous devons faire en sorte que les préjugés, les ignorances et les rejets a priori soient combattus partout, en premier lieu, évidemment, à l'école, qui joue un rôle central. Toutefois, ne tombons pas dans l'erreur, trop souvent commise, de considérer que seule l'école aurait cette tâche. Elle incombe également aux clubs de sport, aux familles et à chacun. Nous devons éduquer en rappelant notre histoire et l'horreur qui se cache derrière ces actes imbéciles ou criminels.

Nous devons également sanctionner, madame la députée, nous le savons tous.

M. Claude Goasguen. Nous ne le faisons pas.

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Notre main ne doit pas trembler en la matière. Sanctionner, c'est regarder en face ceux qui mettent en cause ce que nous sommes, notre pays, notre démocratie, notre République. C'est condamner y compris les actes qui semblent isolés ou insignifiants, parce que ces actes dessinent une carte qui est abominable.

Nous devons donc les combattre. C'est la raison pour laquelle nous travaillons à la formation de l'ensemble des agents publics, policiers, gendarmes et magistrats, qui concourent à la réponse pénale. Nous voulons qu'ils soient parfaitement formés pour que rien ne soit ignoré de ce qui se cache derrière ces actes qui, parfois, pourraient sembler accessoires, et qui ne le sont jamais.

Nous devons également prendre en considération les nouvelles façons d'exprimer ce qui n'est jamais une opinion mais constitue toujours un délit. Madame la députée Avia a travaillé, avec d'autres, à un rapport qui nous ouvre des possibilités en matière de réseaux sociaux : nous ne devons jamais être arrêtés par leur prétendu anonymat. Ceux qui les gèrent doivent être appelés à prendre plus de responsabilités : s'ils ne le font pas, alors, ce sera à la loi de les mettre face à leurs responsabilités.

Nous avons la possibilité d'inscrire ces moyens dans notre dispositif juridique. Ils ne sont pas liberticides. Nous ne voulons pas réprimer la liberté d'opinion, nous ne voulons pas réprimer la liberté d'aller et venir ou la liberté de croire ou de ne pas croire. Nous voulons dire aux Français que, dans notre démocratie et dans notre République, ces actes sont inacceptables.

Tel est le sens de l'action du Gouvernement et je me réjouis, madame la députée, de pouvoir compter sur le soutien très large des parlementaires. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Données clés

Auteur : Mme Amélie de Montchalin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2019

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