Question au Gouvernement n° 1724 :
taxation des géants du numérique

15e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 7 mars 2019


TAXATION DES GÉANTS DU NUMÉRIQUE

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, une fois n'est pas coutume, la France est à la proue de l'ouvrage européen concernant la régulation. Durant le précédent quinquennat, la France était parvenue à imposer la norme du reporting bancaire, après avoir voté cette mesure en droit interne, tout comme elle œuvre à la mise en place d'une taxe européenne sur les transactions financières, en ayant renforcé sa taxe interne qui connaît aujourd'hui un rendement satisfaisant.

Je souhaite saluer votre engagement européen sur le dossier de la taxation des géants du numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Elle répond aux exigences légitimes de justice fiscale exprimées par les Français.

M. Stéphane Peu. C'est une taxe pipeau !

M. Joël Giraud. Vous avez présenté, ce matin, en conseil des ministres, un projet de loi créant une taxe sur les services numériques. Les multinationales supportent un taux moyen d'imposition des bénéfices beaucoup plus faible que les entreprises traditionnelles. Ce taux peut même être négatif, à moins 2,3 % par exemple. Il est de moins 1 % en moyenne pour Amazon, qui a pourtant fait 10 milliards de dollars de bénéfices en 2018. C'est donc peu dire qu'il est urgent d'agir.

La taxe française s'inspire d'une proposition de directive qui s'inscrit dans un cadre balisé que j'ai pu aborder lors de la dernière conférence interparlementaire à Bruxelles. Elle concernera les services dans lesquels la participation des utilisateurs est essentielle à la création de valeur : le fameux travail gratuit.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que cette taxe ne manquera pas sa cible, et qu'elle frappera bien les entreprises à forte empreinte numérique plutôt que nos start-up et « licornes », afin de ne pas pénaliser un secteur stratégique en plein essor ? Que répondez-vous aux critiques et aux menaces d'éventuelles mesures de rétorsion envers des groupes français ?

Au-delà des inévitables ajustements techniques – il y aura des débats en commission et en séance sur les seuils d'assujettissement ou sur les modalités de définition de l'assiette –, quelle serait votre position sur la mise en place d'un barème progressif, à l'image de celui de l'impôt sur le revenu ? Enfin, pouvez-vous fournir à la représentation nationale, des précisions sur l'état des discussions européennes, en particulier s'agissant de l'établissement stable virtuel, et sur les négociations à l'OCDE, notamment sur votre proposition d'un niveau minimum d'imposition que soutiendraient les États-Unis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, quatorze points séparent aujourd'hui, en Europe, le taux d'imposition des géants du numérique et celui des PME françaises et européennes. Ces dernières subissent donc quatorze points de plus d'imposition que les géants du numérique : c'est inacceptable et c'est injuste ! C'est cette injustice que nous corrigeons en taxant les géants du numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Cette taxation sera simple. Elle ne portera que sur les plus grandes entreprises, celles qui font 750 millions d'euros de chiffre d'affaires numérique dans le monde, et 25 millions de chiffre d'affaires en France. Nous avons choisi un taux unique de 3 %, par souci de simplicité – un taux progressif aurait posé d'importantes difficultés juridiques.

M. Sébastien Jumel. Ce n'est pas beaucoup !

M. Éric Straumann. Ça rapporterait combien ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette taxation rapportera 400 millions d'euros la première année, et jusqu'à 650 millions à partir de 2022. La croissance des chiffres d'affaires des géants du numérique nous garantit des recettes croissantes.

M. Sébastien Jumel. Mais faibles !

M. Éric Straumann. Cela représente 5 % des recettes de la taxe d'habitation !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette taxation des géants du numérique est une question de justice, mais aussi une question d'efficacité fiscale, car je ne vois pas comment nous pourrons, demain, financer nos crèches, nos hôpitaux, nos collèges, nos lycées et nos services publics (exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), si nous continuons à taxer systématiquement les entreprises qui font le moins de profits et que nous laissons de côté celles qui en font le plus.

Au niveau européen, aujourd'hui, vingt-trois États membres sur vingt-sept défendent cette taxation du numérique. Six États ont décidé d'aller de l'avant, et nous souhaitons désormais mener le combat au niveau de l'OCDE pour que, d'ici à la fin de l'année 2019, avec le soutien des États-Unis, qui viennent de se prononcer favorablement, nous ayons mis en place une taxation internationale des géants du numérique.

Parce qu'au XXIe siècle, la valeur provient des données, il est temps de les taxer, et de faire que les plus grandes entreprises du numérique participent au financement du bien public. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mars 2019

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