Question au Gouvernement n° 1760 :
liste noire des paradis fiscaux

15e Législature

Question de : Mme Émilie Cariou
Meuse (2e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 14 mars 2019


LISTE NOIRE EUROPÉENNE DES PARADIS FISCAUX

M. le président. La parole est à Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, ma question porte sur la lutte contre l'optimisation fiscale agressive, à la suite du Conseil de l'Union européenne du 12 mars. Le constat des pratiques dommageables imputables à certains États – les paradis fiscaux –, ne fait plus débat ; une prise de conscience s'est opérée depuis plusieurs années dans notre pays et au sein de la communauté internationale. Les Français cernent désormais bien mieux l'effet dévastateur des pratiques d'optimisation fiscale agressive, passant par ces États permissifs, pour le financement de nos solidarités.

C'est contre ces pratiques qu'en décembre 2017, tous les États de l'Union se sont entendus pour ériger une double liste d'États, l'une noire, l'autre grise. Il s'agissait de mettre à l'index certains pays, et de placer sous surveillance les pays qui ne répondaient pas à notre niveau d'exigence en termes de transparence, d'équité fiscale et de respect des engagements de l'OCDE. Depuis hier, Aruba, la Barbade, le Belize, les Bermudes, la Dominique, les Émirats arabes unis, les Fidji, les îles Marshall, Oman et le Vanuatu ont fait leur apparition sur la liste noire.

M. Fabien Roussel. Et l'Irlande ?

Mme Émilie Cariou. Cette avancée importante fait taire ceux qui doutaient de la volonté des institutions communautaires (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM) et on peut saluer la persévérance dont a fait preuve le commissaire français Pierre Moscovici sur les sujets liés à l'optimisation fiscale. En effet, en cinq ans, l'Union européenne a plus fait – grâce à l'adoption de nombreuses directives – qu'au cours des vingt années précédentes. Néanmoins, beaucoup d'efforts restent à entreprendre sur l'entraide judiciaire ; on pourrait envisager l'adoption d'une convention multilatérale d'entraide judiciaire portant spécifiquement sur la fraude fiscale.

Monsieur le ministre, quel bilan peut-on tirer, depuis décembre 2017, de ces listes noire et grise ? Quelle suite rapide peut-on donner à la classification de nouveaux pays sur la liste noire ? Nos outils juridiques nous permettent de nous adapter, notamment grâce à l'article 31 de la loi relative à la lutte contre la fraude, que nous avons adoptée en octobre 2018. Enfin, monsieur le ministre, quelle impulsion collective comptez-vous donner, avec vos collègues du Gouvernement, au cours des prochains mois, pour que notre politique européenne redonne plus de réalité à la justice et à l'équité fiscale, en France et en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Madame la députée, l'Union européenne a effectivement adopté hier une liste noire de quinze pays abritant des paradis fiscaux, qui seront désormais contrôlés et sanctionnés.

M. Fabien Roussel. Sans la Suisse et sans le Luxembourg !

Mme Frédérique Meunier. Ni le Panama !

M. Bruno Le Maire, ministre. C'est la preuve que, lorsque l'Europe veut, elle peut. Ce serait bien qu'elle veuille davantage pour pouvoir davantage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Je connais votre engagement, vous qui avez été rapporteure du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, dans le combat contre les paradis fiscaux, l'optimisation fiscale, les détournements fiscaux, le blanchiment. Nous retranscrirons les dispositions européennes existantes en droit national pour pouvoir les contrôler et les appliquer.

Le combat ne s'arrête pas là. Au-delà de la lutte contre les paradis fiscaux, il faut également se battre pour l'équité fiscale. Nous vous présenterons le projet de loi sur la taxation des géants du numérique, que soutiennent désormais vingt-trois États européens sur vingt-sept. J'ai entendu les critiques et les menaces de l'administration américaine concernant ce projet, mais je veux dire à nos amis américains que la France est un État libre et souverain, et qu'elle prend librement et souverainement ses décisions de taxation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Frédérique Meunier applaudit également.)

M. David Habib. Ils tremblent !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de la taxation du digital, nous devons aussi appliquer une imposition minimale sur les bénéfices des sociétés. Nous ne pouvons pas accepter que des multinationales rapatrient leurs bénéfices dans des paradis fiscaux ou dans des lieux où la fiscalité est plus faible pour ne pas avoir à payer en France ou en Europe leur juste part d'impôt. Nous allons inventer l'imposition du XXIe siècle ; elle sera juste, efficace, et la France aura pris toute sa part dans sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Émilie Cariou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mars 2019

partager