Question au Gouvernement n° 1787 :
réforme des retraites

15e Législature

Question de : Mme Corinne Vignon
Haute-Garonne (3e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 21 mars 2019


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à Mme Corinne Vignon.

Mme Corinne Vignon. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement – plus particulièrement le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye – a engagé depuis des mois la discussion avec les partenaires sociaux à propos de la future réforme des retraites.

La promesse présidentielle est claire : remplacer les 42 régimes existant par un système universel où un euro cotisé donne les mêmes droits.

Les partenaires sociaux ont unanimement salué la méthode de concertation qui doit permettre d'élaborer un modèle plus lisible et plus équitable, un véritable projet de société, très attendu par nos concitoyens, que nous élaborons ensemble.

Nous le savons tous, l'espérance de vie augmente et le défi du vieillissement est encore devant nous. En tant qu'ambassadrice des retraites, j'ai effectué un tour d'Occitanie, sur les marchés de ma région, huit étapes pendant lesquelles je suis allée à la rencontre des citoyens et, bien souvent, des seniors, qui fréquentent ces lieux de vie.

Vous le savez, la grande préoccupation, la priorité des personnes du troisième âge est de connaître leur avenir. La proportion des personnes âgées de plus de 75 ans passe, en deux générations, de 6 % à 15 % de la population, ce qui pose la question de la prise en charge du troisième âge, donc de la perte d'autonomie, et du double défi auquel le Gouvernement doit faire face : un défi quantitatif – il s'agit d'affronter la réalité démographique et l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes – et un défi qualitatif – il s'agit de faire évoluer le modèle actuel pour améliorer la prise en charge. Dès aujourd'hui, nous devons répondre au risque social de la perte d'autonomie.

Pouvez-vous nous éclairer sur les implications de ces deux chantiers préparés en parallèle par le Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les régimes de retraite par répartition, notamment, illustrent la nature de notre contrat social. Ils constituent l'un des éléments fondamentaux du pacte social que nous avons conclu et qui fait vivre notre pays. Les Français y sont légitimement attachés, vous y êtes attachée, je le suis également et je suis certain que c'est le cas de l'ensemble des parlementaires.

Pendant la campagne électorale, le Président de la République s'est engagé à étudier les voies et moyens d'une transformation de notre système de retraite de façon à maintenir notre système par répartition et à favoriser une forme d'unification de l'ensemble des régimes. Vous le savez, nous en comptons aujourd'hui 42. Les droits de nos concitoyens, lorsqu'ils passent d'un régime à l'autre, sont bien souvent un peu modifiés et leur conjugaison tout le long de la vie est un peu amoindrie.

Notre objectif, celui du Président de la République, le mandat qui a été donné au haut-commissaire sous la responsabilité de Mme la ministre des solidarités et de la santé, est de penser un nouveau système fondé sur la répartition, unifié, permettant une plus grande mobilité professionnelle – ce qui correspond d'ailleurs à la réalité de la vie économique actuelle – et dans lequel un euro cotisé, quelles que soient les situations, donne le même droit à pension. Bref, il s'agit d'une grande transformation.

Nous avons pris et nous prenons le temps d'une telle transformation. C'est pourquoi, dès le début de 2018, le haut-commissaire a été chargé d'une très grande mission de concertation, de discussion avec les organisations syndicales et patronales, avec l'ensemble des corps constitués qui sont intéressés par cette réforme.

Vous avez eu raison de dire que cette discussion, solide,…

M. Éric Ciotti. Que fait-on, à la fin ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …sérieuse, menée par le haut-commissaire avec l'ensemble des forces syndicales, avec l'ensemble des parties prenantes…

M. Christian Jacob. Et concrètement ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …a été saluée pour sa qualité, son sérieux et sa profondeur.

Comme le haut-commissaire l'a dit, il n'est pas question, dans le cadre de cette réforme, de modifier l'âge de départ à la retraite…

M. Éric Straumann. Votre ministre de la santé n'est pas d'accord !

M. Thibault Bazin. Donc, les pensions baisseront !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …puisque telle était la première partie de votre question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mais vous avez posé une deuxième question : celle de la prise en charge du vieillissement de notre population.

Vous avez raison : la population française vieillit, et vite. C'est probablement la plus profonde transformation démographique qu'ait connue notre pays.

Vous avez cité les chiffres : aujourd'hui, 1,5 million de Français ont plus de 85 ans ; dans trente ans, en 2050, ils seront plus de 5 millions. Qu'est-ce que cela signifie ? Que notre système social, et pas seulement celui de retraite, notre société tout entière doit s'adapter à un défi absolument considérable. Vous le savez, car c'est déjà vrai : nous vivons dans une société où ceux qui partent à la retraite doivent parfois prendre en charge les soins liés à la dépendance de leurs parents. Jamais cela ne fut le cas, jamais ! Traditionnellement, les actifs prenaient en charge les soins ou les demandes de leurs parents retraités mais, aujourd'hui, ce sont des retraités qui, parfois, doivent prendre à leur charge les soins liés à leurs propres parents qui sont parfois en situation de dépendance.

Nous devons totalement réorganiser, réadapter notre société à ce fait nouveau. À cette fin…

M. Éric Straumann. Il faut augmenter le nombre de places au Conseil constitutionnel !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …nous aurons besoin d'une capacité de financement considérable pour investir dans des EHPAD, pour revaloriser les métiers qui sont au cœur de la prise en charge de la dépendance, pour faire en sorte que le reste à charge que les familles doivent assumer puisse diminuer – il est en effet élevé.

M. Fabien Di Filippo. Avec quel argent ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est là une priorité, l'une des angoisses les plus fondamentales que nos concitoyens expriment, y compris dans le cadre du Grand débat. Nous devrons donc organiser la transformation de notre société pour qu'elle prenne à sa charge ce fait nouveau.

Ce que je dis, en revanche, n'est pas nouveau. Cela fait très longtemps que l'on en parle. On a parlé d'un cinquième risque, on a parlé de différentes modalités de prise en charge… Malheureusement, en dépit des efforts consentis, parfois par les collectivités territoriales, souvent, par l'État, nous n'y sommes pas encore.

Dans ce contexte de vieillissement et d'un besoin considérable de financement, il est parfaitement fondé de se poser la question de savoir s'il faut travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail finance ces besoins considérables d'investissement et de prise en charge de la diminution du reste à charge. Ce qui m'inquiéterait serait que l'on ne se la pose pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Elle a d'ailleurs été explicitement posée par le Président de la République dans le cadre du Grand débat. C'est une vraie belle question politique. Eh bien, je vous propose que nous y répondions, que nous y travaillions (Exclamations sur les bancs du groupe LR) et que nous puissions trouver les voies et moyens de garantir notre système de retraite tout en finançant durablement, sérieusement, au-delà des mots et des incantations, les besoins considérables de transformation de notre société afin de faire face au vieillissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : Mme Corinne Vignon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mars 2019

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