Question au Gouvernement n° 1870 :
protection de l'enfance contre l'inceste

15e Législature

Question de : Mme Maud Petit
Val-de-Marne (4e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 10 avril 2019


PROTECTION DE L'ENFANCE CONTRE L'INCESTE

M. le président. La parole est à Mme Maud Petit.

Mme Maud Petit. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, plus spécialement chargé des sujets relatifs à la protection de l'enfance.

Incestus, disait-on en latin : l'inceste, l'impur, le souillé, si tabou qu'il laisse planer le doute et qu'il faut tendre l'oreille, souvent, pour le deviner. L'inceste, cette relation sexuelle, physique, voire mentale, entre personnes dont le degré de parenté interdit le mariage !

Retirée il y a deux siècles du code pénal, la notion d'inceste y est réintroduite en 2016. Toutefois, le législateur ne crée pas un crime spécifique, mais une simple circonstance aggravante du viol et de l'agression sexuelle. La victime, même mineure, doit donc toujours prouver son absence de consentement.

L'inceste, ce tabou dont personne n'ose parler mais que l'on découvre au fil de faits divers sordides !

M. Christian Hutin. Très juste !

Mme Maud Petit. Pourtant, en France – le saviez-vous ? –, 4 millions de personnes se déclarent touchées. En 2016, 6 000 enfants ayant subi des violences sexuelles dans leur cercle familial ont porté plainte.

Mais combien d'autres ne parlent pas ? Combien d'enfants n'ont personne pour les entendre et les croire, quand l'adulte censé les protéger les abuse sexuellement ? 90 % des victimes ne porteraient pas plainte !

Mal indicible, aux conséquences dramatiques ! Combien de vies brisées ? Combien de dépendances ? Combien de dépressions et de suicides ? Aujourd'hui, maintenant, les violences sexuelles intrafamiliales doivent être prises en compte, à la hauteur du drame qui se joue.

Monsieur le secrétaire d'État, c'est sordide, n'est-ce pas ? C'est tabou. C'est surtout anormal, et nous le dénonçons. Il est des secrets qui ne doivent jamais être gardés pour soi.

L'idée d'un plan spécifique pour l'inceste peut-elle être entendue ? Que peut-on faire pour que cette anormalité soit combattue ?

Monsieur le secrétaire d'État, agissons et affirmons ensemble, d'une seule et même voix, que la honte doit changer de camp, car l'enfance est sacrée ! (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame Petit, je vous remercie, non d'un remerciement de politesse ou de circonstance, mais d'un remerciement sincère, et un peu solennel, d'avoir évoqué la question de l'inceste et fait en sorte qu'elle résonne dans cet hémicycle.

L'inceste est un tabou. C'est le tabou absolu, sans doute parce qu'il ressortit à ce que la nature humaine a de plus abject, et parce qu'il sape l'un des fondements de notre société, la famille. Le cocon familial, ce lieu protecteur dédié à l'apprentissage et à l'épanouissement, se transforme, pour certains enfants, en un lieu de brutalité et d'exil.

La situation est dramatique. En 2015, dans notre pays, 4 millions de personnes déclaraient avoir été touchées par l'inceste. Ce chiffre est conforme à l'étude la plus complète à ce sujet, réalisée aux États-Unis en 2012, et au constat dressé par l'Organisation mondiale de la santé.

L'inceste a ceci de terrible qu'il est un crime sans cadavre. On peut en revenir, si l'on parle, si l'on est entendu et écouté.

Madame Petit, vous connaissez l'étymologie du mot enfant : infans, celui qui ne parle pas et, trop souvent, par voie de conséquence, que l'on n'écoute pas. Tel est bien le premier enjeu auquel nous sommes confrontés : libérer la parole des victimes et de ceux qui les entourent, et en assurer un meilleur recueil.

M. Christian Hutin. Et pénaliser !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . C'est ce à quoi Mme la garde des sceaux et moi-même travaillons, notamment par le biais du renforcement des unités médico-judiciaires.

Nous devons aussi mieux former les professionnels qui sont en contact avec nos enfants, afin de mieux repérer les symptômes, qu'il s'agisse des professeurs de l'éducation nationale, des ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – ou des médecins.

M. Christian Hutin. Et mieux pénaliser !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Pour autant, faut-il élaborer un plan spécifique de lutte contre l'inceste ? Je ne le pense pas. Le retard de notre pays est tel, s'agissant de tous les types de violences, que nous devons définir une stratégie globale de lutte contre les violences physiques, psychiques et sexuelles, dans le cadre intrafamilial comme à l'école, dans les institutions comme dans le numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

Données clés

Auteur : Mme Maud Petit

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)

Ministère répondant : Solidarités et santé (M. le secrétaire d'État auprès de la ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 avril 2019

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