Propos du minitre de l'intérieur sur les ONG
Question de :
M. Joël Aviragnet
Haute-Garonne (8e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 11 avril 2019
PROPOS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR LES ONG
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur qui a dit : « En Méditerranée, les ONG ont pu se faire complices des passeurs. » Avec ces mots lourds de sens, monsieur le ministre, vous avez couvert de honte notre pays ainsi que toutes les femmes et les hommes qui s'engagent au quotidien pour sauver la vie des réfugiés dans la Méditerranée.
Les ONG telles que SOS Méditerranée, la Cimade, Médecins sans frontières, et j'en passe, sont l'honneur de l'Europe. Elles sauvent l'humanité qui est en chacun de nous. Faut-il rappeler qu'un tiers des sauvetages en mer est l'œuvre des ONG ? Alors que vous avez fermé les portes du port de Marseille à l'Aquarius et à ses dizaines de réfugiés, la décence aurait dû vous condamner au silence.
Les mots me manquent pour vous dire combien vos propos sont inadmissibles, pour dire combien, par votre déclaration, vous déshonorez la France et ceux qui croient en l'humain, en la dignité des personnes qui risquent leur vie pour un monde meilleur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
Je viens d'une terre où les réfugiés espagnols sont arrivés par milliers dans les années 1940, où les réfugiés italiens ont migré pour fuir la misère au XIXe siècle. Actuellement, ce sont les Syriens qui frappent aux portes de l'Europe, et croyez bien que l'histoire nous jugera sur nos actes.
L'une de mes plus grandes fiertés, lorsque j'étais maire d'Encausse-les-Thermes, fut d'accueillir des familles de réfugiés. Suis-je, moi aussi, complice des passeurs ? (Mêmes mouvements.) Est-ce que la région Occitanie qui subventionne les ONG d'aide aux réfugiés et souhaite ouvrir le port de Sète à SOS Méditerranée est elle aussi complice ? Non, monsieur le ministre, les ONG ne sont complices d'aucun mal, d'aucune forfaiture. En revanche, votre discours est une injure à nos valeurs républicaines.
En prenant pour cible les ONG, vous vous rendez complice des groupuscules fascistes et de l'extrême droite, de Salvini, d'Orban et de Le Pen. Voilà la désertion morale qui est la vôtre !
Monsieur le ministre, allez-vous réhabiliter les ONG que vous avez offensées ? Allez-vous entendre le cri de ceux qui se noient en Méditerranée, comme l'a fait l'Espagne de Pedro Sanchez ? Allez-vous, enfin, respecter le principe de fraternité de notre devise nationale ? (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, beaucoup a été dit : des propos inacceptables, des contrevérités et des mensonges comme ceux que je viens d'entendre. Alors permettez-moi de rappeler quelques faits.
D'abord, suite à une question précise d'un journaliste, lors du sommet des ministres de l'intérieur du G7, j'ai dit, pardonnez-moi de me citer : « Les ONG jouent un rôle essentiel pour apporter une aide aux migrants, cela ne fait aucun doute. » Vous aurez beau chercher, monsieur le député, vous ne décèlerez aucune ambiguïté dans cette phrase. J'ai toujours reconnu la sécurité des ONG. C'est le fond de ma pensée.
Ensuite, il est documenté qu'il y a pu y avoir, dans certains cas, des interactions entre des passeurs et certaines ONG. J'ai précisé qu'il ne s'agissait pas de soutenir les propos de M. Salvini. À l'été 2017, à un moment où le ministre de l'intérieur italien était un social-démocrate, comme vous et comme moi, ces faits ont été établis par deux rapports bimensuels de Frontex, datés du 25 novembre et du 9 décembre 2016. Ils se fondent sur des observations factuelles et ils ont conduit à l'adoption d'un code de bonne conduite pour les ONG, endossé par l'Union européenne à l'été 2017.
Voilà, monsieur le député, ce que j'ai évoqué. Surtout, j'ai ajouté quelque chose que vous auriez pu reprendre dans votre question mais c'est sans doute moins vendeur en période électorale (Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) J'ai précisé que nos seuls ennemis sont les passeurs et personne d'autre.
Vous savez, monsieur le député, mon combat contre l'extrême-droite est clair et il a toujours été constant, y compris en 2015 quand il a fallu que je retire ma liste aux élections régionales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Sur ce sujet, je n'ai pas beaucoup de leçons à recevoir de ceux qui, lors des élections présidentielles de 2017, n'ont pas su où était l'adversaire. (Les députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent vivement. – Protestations sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme Laurence Dumont. C'est honteux !
Auteur : M. Joël Aviragnet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Immigration
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 avril 2019