Prévention des suicides parmi les forces de l'ordre
Question de :
Mme Graziella Melchior
Finistère (5e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 1er mai 2019
PRÉVENTION DES SUICIDES PARMI LES FORCES DE L'ORDRE
M. le président. La parole est à Mme Graziella Melchior.
Mme Graziella Melchior. Monsieur le ministre de l'intérieur, il y a quelques jours, les murs de la gendarmerie de Landivisiau, dans le Finistère, étaient souillés de tags incitant les gendarmes à se suicider. Je tiens ici à renouveler tout mon soutien à la brigade. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Ces inscriptions n'étaient que la reprise écrite de ce qu'avaient chanté à tue-tête certains manifestants haineux, place de la République, à Paris. « Suicidez-vous ! », « Flic suicidé, à moitié pardonné ». Ces mots sont durs, ils sont intolérables. Ils visent les forces de l'ordre mais atteignent aussi leurs familles, et c'est inacceptable.
Ces faits d'une gravité extrême surviennent alors même que les forces de l'ordre connaissent une vague de suicides sans précédent : vingt-huit policiers ont mis fin à leurs jours depuis le début de l'année, soit, en seulement quatre mois, presque autant qu'en 2018.
Les problèmes familiaux n'expliquent pas tout. Les tensions que connaît actuellement notre société y sont pour beaucoup. Quand les manifestants s'opposaient au Président de la République, cela faisait l'affaire de certains. Quand ils s'attaquèrent à un piéton parisien, parce que philosophe et juif, nous nous sommes émus. Quand d'autres brûlèrent la maison du président de l'Assemblée nationale, nous nous sommes tous mobilisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT.)
M. Thierry Benoit. Bravo !
Mme Graziella Melchior. Des magasins et des permanences furent aussi saccagés. Désormais, ce sont les gardiens de la paix que l'on assigne à n'être que des forces de l'ordre et que l'on incite à se suicider. Sur les réseaux sociaux et sur les murs, la haine et les insultes fusent. À la fraternité initiale des ronds-points s'est substituée la bêtise pour certains, la violence des mots voire des actes pour d'autres.
Il ne suffira pas d'affirmer notre solidarité évidente avec les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie. Bien sûr, ils sont les gardiens de notre paix, de notre paix publique. Nos forces de l'ordre ont besoin de tout notre soutien mais aussi d'un accompagnement spécifique. Si, en première ligne, ils résistent avec sang-froid aux menaces et aux injures, il faut qu'ils trouvent auprès de leur hiérarchie l'écoute et l'appui nécessaires à leur équilibre professionnel et personnel.
Je compte sur vous, monsieur le ministre : que mettre en place pour lutter contre ce fléau ? (Les députés des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs députés du groupe LR applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Madame Melchior, l'exemplarité doit être au cœur de l'engagement de nos forces de sécurité intérieure. (Rires sur les bancs du groupe FI.)
M. Patrick Hetzel. C'est un expert qui parle !
M. Christophe Castaner, ministre . Mais le respect est aussi une exigence. C'est cette notion qu'au nom, j'en suis sûr, de l'ensemble des parlementaires, vous voulez mettre en avant. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Ne pensez-vous pas, mesdames et messieurs les députés, que ce sujet mériterait aussi que vous me respectiez en m'écoutant ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Claude Goasguen. Oh, ça va !
M. Christophe Castaner, ministre . Ce matin, un gendarme a mis fin à ses jours ; ce matin, un pompier a mis fin à ces jours. Vous avez évoqué ces vingt-huit policiers, femmes et hommes, qui, depuis le début de l'année, ont mis fin à leurs jours.
Chacun ici connaît la souffrance que provoque le suicide d'un proche, d'un membre de sa famille. Chacun sait aussi la souffrance de celles et ceux avec laquelle la personne suicidée travaillait. Ils culpabilisent, se demandent s'ils n'ont pas loupé quelque chose, s'ils auraient dû agir autrement.
Chacun sait encore que les employeurs ont trop souvent le réflexe de considérer qu'il existe à ces suicides des raisons qui ne sont pas liées au travail – et, dans la police nationale, nous n'y échappons pas. C'est vrai, d'ailleurs, car le suicide a toujours des causes multifactorielles. Mais une chose est sûre, et je l'ai dit très clairement à l'ensemble des responsables du ministère : je ne veux plus entendre dire qu'un suicide n'avait rien à voir avec le travail, comme si l'on pouvait ne pas se préoccuper de ce fléau.
La police, la gendarmerie, les pompiers sont confrontés à des violences quotidiennes, qui peuvent alimenter le risque suicidaire. C'est la raison pour laquelle, dès ma première rencontre avec les représentants des gendarmes, au mois de novembre, j'ai affirmé que la prévention du suicide devait constituer une priorité. Et il en va de même pour la police.
Il y a trois semaines, j'ai donc lancé un plan, composé de vingt-sept fiches action qui permettront qu'un policier ou un gendarme puisse systématiquement, à n'importe quel moment de la journée, trouver appui, secours, assistance.
M. Patrick Hetzel. Des fiches ? Nous sommes sauvés !
M. Christophe Castaner, ministre. Mais cela ne suffit pas, et nous devons aller bien plus loin. C'est la responsabilité qui m'incombe et que j'ai confiée à tous les cadres du ministère, en centrale comme en territoriale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Jean-Michel Fauvergue. Bravo !
Auteur : Mme Graziella Melchior
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mai 2019