Décentralisation
Question de :
M. Philippe Vigier
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 1er mai 2019
DÉCENTRALISATION
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, lors de la conférence de presse qu'il a donnée à l'issue du grand débat, le Président de la République a semblé vouloir rompre avec la politique faite à Paris, depuis Paris et pour Paris, qui a souvent marqué la première partie du quinquennat. Il a ainsi évoqué la déconcentration, une nouvelle vague de décentralisation et un intérêt pour une différenciation territoriale.
Le groupe Libertés et territoires ne peut que saluer cette volonté, mais ne se contentera pas de ces annonces : nous attendons des actes forts, inédits pour nos territoires.
Il est vital de recréer de la confiance sur le terrain et de garantir aux Français proximité et efficacité dans l'action, en supprimant les doublons, en donnant de vraies compétences à ces territoires et des moyens aux élus locaux.
Pour cela, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à ce que les collectivités disposent d'une part d'impôt dynamique, sans augmenter la fiscalité, et d'une vraie autonomie financière ?
Êtes-vous prêt à de vrais transferts de compétences, en confiant par exemple la formation professionnelle et le développement économique aux régions, ou la politique du logement et du handicap aux départements, tout en les déchargeant de celle des mineurs non accompagnés ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, non, non !
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, il faut également plus de différenciation dans notre République, pour tenir compte des spécificités de chaque territoire, car la Corse n'est pas l'Alsace ou la Bretagne.
M. Éric Straumann. Il faut rendre l'Alsace à l'Alsace !
M. Philippe Vigier. Alors que des possibilités de différenciation existent déjà mais que l'État fait la sourde oreille aux demandes des territoires, laisserez-vous enfin aux élus locaux la possibilité d'adapter les lois nationales aux spécificités locales, et dans quels domaines ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Certainement pas !
M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, ne décevez pas les territoires : vous en avez besoin pour redresser la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Lors de la conférence de presse qu'il a tenue jeudi dernier, le Président de la République a en effet évoqué à de nombreuses reprises l'organisation qu'il souhaitait et la direction qu'il assignait au Gouvernement et à tous ceux qui veulent contribuer à cette tâche en matière de décentralisation et de déconcentration.
Il a évoqué plusieurs ensembles, sur lesquels je souhaiterais revenir. Le premier ensemble est celui qui consiste à corriger certains mécanismes qui, aujourd'hui, ne fonctionnent pas comme ils le devraient.
M. Éric Straumann. Il fallait les balancer !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. L'amélioration du statut des maires, notamment, a souvent été évoquée durant le grand débat, à chaque fois que ces derniers pouvaient s'exprimer. Il s'agit de corriger ce que les maires appellent souvent les « irritants de la loi NOTRe » – une loi qui n'a pas été adoptée sous cette majorité, vous le savez, monsieur le député.
M. David Habib. On peut le dire !
M. Laurent Furst. Parlez-en à M. Dussopt, il en était le rapporteur !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Son application révèle un certain nombre de problèmes que les maires, dans leur ensemble, désignent et qu'il nous appartiendra de corriger, de façon à rendre plus simple l'exercice des compétences des maires, des présidents d'intercommunalité et de l'ensemble des élus locaux.
C'est la fin des doublons, qui a été évoquée par le Président de la République.
M. Frédéric Reiss. Elle est nécessaire !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Ces doublons existent. Reconnaissez avec moi, monsieur le président, que s'ils existent, c'est à raison de décisions de décentralisation qui ont été prises il y a fort longtemps et d'absence de transformations de la machine de l'État, qui, elle aussi, date d'il y a fort longtemps.
Néanmoins, ces doublons existent. Il faut les supprimer.
M. Jean-Luc Warsmann. Par exemple ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Tous ces sujets feront l'objet d'annonces et de concertations. Il reviendra au ministre chargé des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, d'instruire ce dossier et de proposer des solutions pour régler ce premier bloc de questions évoqué par le Président de la République.
Deuxième bloc de questions évoqué par le Président de la République : les transferts de compétences. La décentralisation s'est souvent faite dans notre pays – c'était bien naturel – par transfert de compétences.
M. Frédéric Reiss. Donc de charges !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Tous fonctionnent-ils bien ? Faut-il en rajouter ? Faut-il, comme vous l'avez évoqué, transférer la compétence de la formation professionnelle, du logement, des infrastructures de transport, de l'État vers les collectivités territoriales ? Certaines compétences exercées au niveau local devraient-elles, à l'inverse, remonter au niveau de l'État ?
Je ne le sais pas, mais la question est posée. Après tout, puisque nous voulons entrer dans un nouvel acte de la décentralisation, et donner à celle-ci un nouvel élan, il est assez légitime de se poser la question.
M. Laurent Furst. Il y a trois mois, il fallait la stabilité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Ce deuxième bloc de questions sera évoqué avec les élus locaux à partir de début juin.
Troisième axe de transformation : cette différenciation que vous appelez de vos vœux. Elle figurait dans le projet de révision constitutionnelle qui a été soumis à l'Assemblée nationale au mois de juillet dernier. Elle reste un objectif que nous nous fixons. Elle est attendue, car elle permettra en effet aux territoires de s'organiser en fonction de considérations historiques et géographiques, dans le respect de la loi, en prenant en compte toutes les spécificités qui sont les leurs et qu'ils veulent choisir pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.
Cette différenciation est donc un élément puissant de réorganisation et d'action publique territoriales. Nous y sommes entièrement favorables.
Le Président de la République s'était engagé sur cette différenciation pendant la campagne. Nous l'avons fait figurer dans la révision constitutionnelle de juillet. Je peux vous garantir, monsieur le président, que nous y restons très attachés et qu'elle figurera dans le texte de révision constitutionnelle qui, je l'ai indiqué hier, sera soumis le moment venu à la représentation nationale pour examen.
Nous voulons nous inspirer de certains préalables ou précédents que nous avons créés dans les territoires. Dans la Creuse, dans les Pays de la Loire, en Bretagne, dans les Ardennes, dans le bassin minier, nous avons essayé d'accompagner les élus locaux lorsqu'ils formulent des projets. S'ils s'entendent sur ces projets, nous faisons en sorte que l'État puisse les accompagner dans leur réalisation.
Partout où j'ai signé ces contrats, j'ai rencontré des élus locaux issus de familles politiques incroyablement différentes, aux avis incroyablement différents sur la politique nationale que mène le Gouvernement.
Mais partout où j'ai signé ces contrats, j'ai observé un très bon niveau d'entente entre les présidents des exécutifs. Cela a été le cas dans la Creuse, en Bretagne, dans les Pays de la Loire – vous le savez, monsieur le président, car je n'ignore pas que vous suivez ces questions avec attention.
Cela veut donc dire que nous pouvons faire confiance aux territoires, en étant très fermes sur ce que l'État souhaite, et très ambitieux sur la déconcentration qui doit accompagner cette décentralisation. Il faut faire en sorte que davantage de fonctionnaires d'État travaillent sur le terrain, qu'ils soient plus près des citoyens et que l'accès aux services publics soit amélioré. Il faut aussi déconcentrer un nombre considérable de décisions qui n'ont pas à être prises à Paris, mais qui peuvent l'être localement.
M. Éric Straumann. Les 80 kilomètres heure, par exemple !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . J'aurai l'occasion de présenter…
M. Philippe Vigier. Maintenant !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …au mois de juin (Exclamations sur les bancs des groupes LT et LR) – n'allez pas trop vite, monsieur le président Vigier ! – l'ambition portée par ce Gouvernement et cette majorité en matière de déconcentration et de décentralisation.
M. Fabien Di Filippo. Elle ne pourra pas être pire que l'actuelle !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Et je crois, monsieur le président, que vous serez au rendez-vous de cette ambition. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Philippe Vigier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mai 2019