Déplacment du Premier ministre en Charente
Question de :
M. Jérôme Lambert
Charente (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 8 mai 2019
DÉPLACEMENT DU PREMIER MINISTRE EN CHARENTE
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
M. Jérôme Lambert. Monsieur le Premier ministre, vous venez de passer deux jours en Charente pour vous rendre compte sur le terrain des résultats des politiques que vous conduisez. Pour vous interroger à ce propos je retiendrai deux temps d'échanges auxquels j'ai assisté.
Les producteurs laitiers et les éleveurs bovins vous ont indiqué leurs déceptions à propos des conséquences de la loi Agriculture et alimentation, adoptée en octobre dernier : pas d'augmentation significative du prix du lait, et même une baisse de 4 % des prix de la viande aux producteurs.
M. Fabien Di Filippo. On vous l'avait bien dit !
M. Jérôme Lambert. Devant votre étonnement les producteurs vous ont indiqué que tout cela était le résultat de votre loi. Monsieur le Premier ministre, vous avez eu là un compte rendu de terrain très clair !
Votre loi a cependant servi de prétexte à la grande distribution pour augmenter ses prix pour les consommateurs. Qui sont les grands gagnants de votre politique ?
Vous avez ensuite rencontré des salariés d'une manufacture, afin de faire le bilan des mesures prises en faveur du pouvoir d'achat. Que vous ont-ils dit ? Leur première expression, je l'ai relevée, a été de vous répondre tout simplement : zéro impact ! Pas de droit à la prime d'activité, même en étant rémunérés au SMIC, en raison des revenus même très modestes d'un conjoint – comme une pension d'invalidité, l'exemple vous a été donné ! Pas d'impact non plus de la défiscalisation car aucun salarié n'était soumis à l'impôt sur le revenu en étant payé au SMIC même après vingt ans d'ancienneté.
Par contre, ils vous ont tous dit que les charges de la vie courante augmentent, le carburant et l'énergie en particulier, et évoqué l'impossibilité de changer de véhicule pour venir travailler même avec la prime à cause du refus du banquier !
M. Pierre Cordier. À part ça le pouvoir d'achat augmente !
M. Jérôme Lambert. Vous avez entendu tout cela, monsieur le Premier ministre, et pourtant vous persistez à mettre en œuvre une politique d'austérité. Dix-sept milliards pour des dizaines de millions de travailleurs et retraités, quand 57 milliards de dividendes ont été distribués à quelques milliers d'actionnaires du CAC 40, pour ne parler que de ceux-là !
Monsieur le Premier ministre, les Français que vous avez rencontrés, agriculteurs et salariés, vous le disent : le compte n'y est pas ! En aviez-vous conscience avant de venir à la rencontre des Charentais, et quelles leçons en tirez-vous aujourd'hui ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Merci, monsieur le député, de m'offrir l'occasion de revenir sur le déplacement de 48 heures que j'ai eu l'occasion d'effectuer dans le magnifique département de la Charente, qui m'a permis de rencontrer en effet les parlementaires qui siègent sur les bancs de l'Assemblée nationale et du Sénat, quelle que soit leur famille politique, les présidents d'EPCI, les maires, et au-delà des élus des représentants des agriculteurs, des salariés de la manufacture qui produit les célèbres charentaises, des représentants du monde de la viticulture, bref les forces vives de la Charente, pour évoquer avec eux l'impact des décisions qui ont été annoncées par le Président de la République et mises en œuvre par le Gouvernement, votées par l'Assemblée nationale et le Sénat et qui ont donné lieu à la loi promulguée le 24 décembre dernier.
Vous étiez présent, monsieur le député, et je vous en remercie, certes pas à l'ensemble des rendez-vous que j'ai pu avoir mais je tenais à ce que mes rencontres avec les représentants des syndicats agricoles ou des salariés de cette manufacture aient lieu en présence des représentants de la Nation.
Je retire des échanges que j'ai pu avoir à ces deux occasions des enseignements légèrement différents de ceux que vous évoquez. J'ai entendu cet exploitant laitier me dire des choses un peu différentes de ce que vous avez dit. Il m'a dit effectivement que les prix des productions laitières ont trop légèrement augmenté, mais que les négociations s'étaient déroulées dans un contexte bien différent de celles qui avaient eu lieu dans les années précédentes parce que la discussion avait été engagée. Je vous connais suffisamment, monsieur le député, pour savoir que vous aurez l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que ces propos ont été tenus au cours de la réunion à laquelle nous assistions vous et moi. Il a été dit que la tonalité des négociations avait changé, que nous allions dans le bon sens et qu'il fallait aller plus loin.
M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation s'est engagé à continuer à faire pression pour que les négociations aboutissent à la fixation d'un prix qui permette aux producteurs de vivre décemment.
Je retiens que les producteurs et les représentants des organisations agricoles qui étaient présents ont indiqué que tout n'était pas fait mais que nous allions dans le bon sens. Je crois que nous pouvons faire état de cette conclusion.
S'agissant des mesures destinées à augmenter le pouvoir d'achat des actifs, je retiens une chose que vous avez oublié de mentionner – car c'est évidemment un oubli : l'impact du versement des primes exceptionnelles. Il a été salué par les ouvrières et les ouvriers qui étaient présents à notre réunion. Vous ne l'avez pas mentionné mais c'est un fait.
M. Pierre Cordier. C'est l'argent des entreprises !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je retiens un deuxième argument. Les salariés nous ont demandé pourquoi nous avions décidé de passer par une prime d'activité plutôt que par une augmentation des salaires.
M. Sébastien Jumel. Ils ont raison !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est une bonne question et nous y avons répondu en disant que nous avions fait le choix assumé de ne pas faire supporter directement par les entreprises l'augmentation du pouvoir d'achat parce que cela nuirait à leur compétitivité alors qu'elles sont en concurrence.
Ce que je retiens de cet entretien et qui ne m'a pas surpris, monsieur le député, c'est que ce discours, qui est un discours de vérité, est parfaitement compris par ceux qui sont concernés par ces mesures. Je retiens de même que si les heures supplémentaires n'ont pas bénéficié à ces ouvrières et à ces ouvriers, comme vous l'avez dit, c'est pour une raison simple : dans cette entreprise c'est l'annualisation du temps de travail qui prévaut. Quand il y a une annualisation du temps de travail, lorsque la production est cyclique, la question des heures supplémentaires ne se pose pas de la même façon. Mais vous avez forcément entendu ce que j'ai indiqué par la suite : au seul premier trimestre de l'année 2019, cette mesure sur les heures supplémentaires a permis de redistribuer 670 millions d'euros de pouvoir d'achat à 6,8 millions de Français : c'est considérable !
Cela ne concerne pas que les salariés du privé mais aussi 1,5 million d'agents publics. Cela veut dire que ces mesures de pouvoir d'achat – prime d'activité, heures supplémentaires, prime exceptionnelle, remboursement pour ceux qui bénéficient de l'annulation de la CSG – ont permis la redistribution d'un montant considérable de pouvoir d'achat. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le préciser.(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Jérôme Lambert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 mai 2019