Question au Gouvernement n° 1915 :
Manifestation du 1er mai

15e Législature

Question de : M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 8 mai 2019


MANIFESTATIONS DU 1ER MAI

M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Monsieur le Premier ministre, le 1er mai dernier, la France a découvert qu'au ministère de l'intérieur se cachait un menteur. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Rémy Rebeyrotte. Et à Arcueil ?

M. Éric Coquerel. M. Castaner a menti au sujet de la Pitié-Salpêtrière. Dans un tweet de 21 heures 04, il dit en effet qu'un hôpital a été attaqué : c'est faux. Que le personnel a été agressé : c'est encore faux. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.)

Qu'un policier a été blessé en arrêtant les assaillants : c'est toujours aussi faux.

C'était cinq heures après ces événements. Ce n'est donc pas une réaction à chaud. Quelle est la compétence d'un premier flic de France qui n'arrive pas, en cinq heures, à recouper des informations disponibles sur les réseaux sociaux ?

M. Pierre Cordier. Il est le mieux informé de France !

M. Éric Coquerel. Christophe Castaner a, en vérité, tenté une grossière opération de manipulation de l'opinion pour, une fois encore, discréditer le mouvement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. Rémy Rebeyrotte. Et Arcueil !

M. Éric Coquerel. Sans le courage du personnel de l'hôpital, qui a dit la vérité, trente-deux innocents, alors en garde à vue, auraient pu être condamnés à de la prison. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Il y a un an, le 1er mai 2018 se déclenchait une affaire d'État, avec Alexandre Benalla. Cette année, c'est un mensonge d'État ! (Approbation sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Mentir n'est pas une anecdote au ministère de l'intérieur : c'est une habitude – on disait ainsi de Geneviève Leguay qu'elle était tombée toute seule.

M. Éric Straumann. Arrêtez de charger la police !

M. Éric Coquerel. Il y a les paroles du ministre, proches de la guerre civile, mais il y a aussi les ordres, car les responsables sont d'abord les politiques qui donnent les ordres.

La Ve République sera à jamais entachée de son terrible bilan : un mort, plus de 2 200 blessés, 28 mutilés à vie et 8 700 gardes à vue, ainsi que de nombreux policiers blessés lors du mouvement des gilets jaunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Ce bilan n'est pas celui d'une démocratie. C'est celui d'un régime autoritaire qui, le 1er mai, charge, nasse et noie sous les gaz des cortèges syndicaux et pacifiques. (Approbation sur les bancs du groupe FI. – Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Rémy Rebeyrotte. Et Arcueil ? La honte de la République !

M. Éric Coquerel. Vous récidivez en parlant d'intrusion violente ! Pour des manifestants pacifiques, savez-vous ce qu'est la peur d'être poursuivis par des policiers jusqu'au sein d'un hôpital où ils cherchent refuge ? (Mêmes mouvements.) Pour Christophe Castaner, tout est permis pour maintenir l'ordre social – comme lancer un pavé sur les manifestants, les gifler ou frapper un étudiant de la résidence universitaire de l'hôpital. (Mêmes mouvements.)

M. Castaner est devenu un obstacle à la paix publique. Monsieur le Premier ministre, je vous le demande solennellement : mettez fin à ses fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations et exclamations sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Plusieurs députés du groupe LaREM . Honteux !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, j'entends la polémique que vous voulez organiser, vos remarques et le procès d'intention qui m'est fait à propos d'une volonté lexicale. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Je tiens à votre disposition toute une série de déclarations des uns et des autres, par exemple ce tweet parodique de L'Express que vous avez relayé et selon lequel il serait demandé aux automobilistes de rouler dans le sens du vent : comme vous le voyez, nous pourrions tous deux polémiquer. (Mêmes mouvements.)

La réalité, je m'en suis expliqué, et j'ai du reste exprimé mes regrets pour un mot mal choisi. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.)

M. Éric Straumann. Vous êtes ministre !

M. Christophe Castaner, ministre . Vous avez la volonté de faire oublier des comportements inexplicables. C'est bien la preuve que ce mot était mal choisi, puisqu'il vous a laissé l'opportunité de lancer une vile polémique. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)

La réalité, c'est le souvenir que j'ai du 1er mai 2017, avec ce policier immolé, le souvenir que nous avons tous aussi du 1er mai 2018, où tout un quartier a été visé, le souvenir des violences qui ont eu lieu depuis décembre et que vous voulez oublier. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) La réalité, ce sont ces violences contre lesquelles nos policiers et nos gendarmes se sont systématiquement dressés. (Mêmes mouvements.) La réalité, ce sont aussi 240 enquêtes confiées à l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale.

Il n'y a pas une part de vérité, celle qui nous intéresse, mais la vérité, tout simplement, dont il n'appartient ni à vous ni à moi de décider, mais à la justice. (Mêmes mouvements.)

Quant à la parole politique, j'entends bien votre question et je pense qu'il faut savoir apprécier la réalité en fonction de celle qui vous est donnée. Il faut aussi avoir l'humilité de reconnaître qu'un mot peut être mal utilisé. J'ai d'ailleurs en tête ceux de Jean-Luc Mélenchon, qui avait reconnu, à propos des liens entre Bernard Cazeneuve et la mort de Rémi Fraisse, que le mot « assassinat » était mal calibré.

Savoir reconnaître une erreur, notamment sémantique, c'est l'honneur d'un homme politique. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)

M. Éric Straumann. C'est bien !

Données clés

Auteur : M. Éric Coquerel

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 mai 2019

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