Question au Gouvernement n° 2079 :
pêche à la légine

15e Législature

Question de : M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 20 juin 2019


PÊCHE À LA LÉGINE

M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon. Madame la ministre des outre-mer, vous êtes en train de finaliser le nouveau plan de gestion de la pêche à la légine dans les Terres australes et antarctiques françaises – TAAF. Or il fixe de nouveaux critères de sélection qui excluront, de fait, les vrais pêcheurs réunionnais.

Alors que ces pêcheurs, dont quatre-vingts artisans et côtiers, se sont regroupés, alors que la gestion des TAAF est assurée depuis La Réunion, alors que vous parlez de retombées économiques pour le territoire, alors que l'économie de la mer est un enjeu majeur et peut contribuer, avec de l'emploi à la clé, au développement de La Réunion, vous allez favoriser de gros armateurs qui jouent contre les intérêts de la France et contre ceux de La Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

En effet, sur les 6 000 tonnes de légines pêchées, 99 % partent à l'étranger en vue de leur transformation. Donc, rien pour La Réunion, rien pour la France ! C'est la preuve que la chasse au chômage n'est pas votre priorité. Bien au contraire : vous lui préférez la chasse aux demandeurs d'emploi, comme le montrent vos dernières annonces sur l'assurance chômage. (M. Ugo Bernalicis et Mme Mathilde Panot applaudissent.)

Madame la ministre, l'outre-mer est-elle cette France des oubliés, des abandonnés, des éternels sacrifiés sur l'autel du mépris et de la politique des gros ? Vous êtes au service des riches ; cela se vérifie encore à travers ce nouveau plan.

Comment expliquer sinon le refus de votre gouvernement de permettre la réussite de nos territoires en souffrance ? Je le dis simplement : ça suffit ! (M. Lassalle applaudit.) Ces pratiques sont en effet considérées comme de la magouille orchestrée par des requins terrestres.

Les petits pêcheurs, regroupés dans Réunion pêche australe, demandent un quota de pêche à la légine représentant seulement 8 % du volume global. Leurs prises seront transformées en totalité à La Réunion, avec des emplois à la clé.

Ma question est simple : êtes-vous prête à étudier cette demande et à sortir, enfin, des arrangements entre gros zozos qui totochent l'intérêt du peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR. – MM. Jean Lassalle et Jimmy Pahun applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, la légine est, vous le savez, une ressource très convoitée. Elle est d'ailleurs pêchée au cœur d'une réserve naturelle nationale exceptionnelle, dont nous souhaitons aujourd'hui obtenir le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO.

La première de mes préoccupations est donc, vous le comprendrez, écologique. Nous allons préserver désormais, contrairement à ce qui a été fait pendant trop longtemps, cette ressource qui a été pillée. Ma volonté est de maintenir des exigences environnementales extrêmement élevées. Il faut rester maître non seulement de 100 % des navires mais aussi de 100 % des captures.

Il faut gérer cette ressource avec raison, et je refuse, pour ma part, d'entrer dans un débat autour d'intérêts privés. Avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, nous avons fixé trois objectifs, qui, vous le verrez, vous conviendront.

M. Loïc Prud'homme. C'est lui qui pilote le truc !

Mme Annick Girardin, ministre . Il faut d'abord donner aux armateurs une visibilité pluriannuelle ; il sera donc possible de disposer d'une information relative aux quotas sur une période de six ans. Cela leur permettra d'investir, notamment dans le domaine de l'environnement, puisque nos exigences en la matière seront renforcées.

Il faut également mettre en place – vous pourrez participer à ce travail – une procédure de sélection transparente et, bien sûr, ouverte à tous.

M. Jean-Hugues Ratenon. Surtout aux gros ?

Mme Annick Girardin, ministre . Il est enfin nécessaire de simplifier les critères de répartition des quotas.

Vous avez raison, cette pêche a des retombées économiques importantes, puisqu'elle représente aujourd'hui 630 emplois directs et indirects, dont 90 % sont à La Réunion, et qu'elle a bénéficié de 112 millions d'euros d'investissements depuis l'an 2000.

Vous avez également raison d'affirmer qu'elle devra rapporter davantage, demain, à La Réunion, et ce, dans plusieurs secteurs : je pense notamment à ceux de la réparation navale, de l'avitaillement et de la transformation agroalimentaire. Cela doit créer une vraie dynamique à La Réunion.

M. Ugo Bernalicis. Justement : vous donnez tout aux riches !

Mme Annick Girardin, ministre . Nous partageons tous les deux cette vision. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Pour la première fois, les critères de sélection seront transparents. De plus, et c'est susceptible de dissiper votre crainte, nous allons créer une commission indépendante chargée du classement des offres. Il n'est pas question de savoir aujourd'hui qui sera sélectionné. Si nous sommes d'accord sur ce plan… (M. le président coupe le micro de Mme la ministre.) (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2019

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