enfants en centre de rétention administrative
Question de :
Mme Gisèle Biémouret
Gers (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 26 juin 2019
ENFANTS EN CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
Mme Gisèle Biémouret. Monsieur le ministre de l'intérieur, votre politique migratoire est en train de provoquer une augmentation spectaculaire du nombre d'enfants enfermés dans les centres de rétention de notre pays, et cela au mépris de leurs droits fondamentaux. En 2018, en métropole, 208 enfants ont été enfermés, soit cinq fois plus qu'en 2013 ; à Mayotte, ils furent 1 221. Pour le premier semestre 2019, le nombre d'enfants retenus est estimé à 153. À ce rythme, votre majorité est en passe d'atteindre le triste record de 2010, avec 356 enfants enfermés.
On parle là de très jeunes enfants : 86 % d'entre eux ont moins de douze ans et sont enfermés pour des durées allant jusqu'à vingt jours. Ils évoluent dans un univers carcéral, confrontés à des situations traumatisantes et en contact direct avec des profils jugés à risque. En effet, depuis octobre 2017, les étrangers en situation irrégulière et sortant de prison occupent une place croissante dans les centres de rétention administrative, ce qui provoque des incidents entre détenus.
Que la France ne souhaite pas accueillir ces enfants et leur famille sur le sol français, en application des lois, est une chose. Qu'elle porte atteinte sciemment à leur intégrité physique et mentale, alors qu'il existe d'autres solutions, est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI.)
Faut-il vous rappeler les six condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme dont fait l'objet la France et les rappels à l'ordre du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, du Défenseur des droits et du Comité des droits de l'enfant des Nations unies ?
À l'issue de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, examen au cours duquel vous aviez rejeté un amendement que nous avions déposé en vue d'empêcher la rétention des enfants, votre majorité, sans doute pour amortir l'infamie des dispositions prises, avait annoncé la préparation d'une proposition de loi sur le sujet. Depuis, plus rien.
Monsieur le ministre, allez-vous enfin donner des consignes pour faire de l'assignation à résidence des enfants la norme, ce que rend possible la loi de 2016 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Madame la députée, chacun ici a bien évidemment comme souhait que jamais un enfant ne soit incarcéré. En même temps, chacun a aussi en tête le fait qu'il ne convient pas de séparer les enfants de leurs parents. Or, s'agissant de la question migratoire, il existe des cas où une famille entière se trouve en situation irrégulière et où l'on peut décider son placement en centre de rétention administrative. Dès lors, la question qui se pose, et qui s'est d'ailleurs posée dans cet hémicycle à l'occasion de l'examen de l'amendement que vous avez évoqué, est assez simple : accepte-t-on de séparer les familles ? Considère-t-on que, parce qu'un enfant est concerné, on ne peut pas placer ses parents en centre de rétention administrative ? (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
La question ne vaut pas seulement en matière migratoire, elle se pose de manière globale. Ce qui a été décidé, dans cet hémicycle, c'est de permettre, au cas par cas – et il convient que le nombre de cas soit le plus faible possible –, et à condition qu'il existe des structures adaptées, que l'on place en centre de rétention administrative l'ensemble d'une famille, et cela afin d'éviter les séparations. C'est notamment le cas lorsque les délais sont extrêmement courts – vous avez cité Mayotte : là-bas, on dispose d'un délai maximum de quarante-huit heures pour appliquer les décisions qui sont prises dans ce cadre.
Je crois donc, madame la députée, que chacun ici est tout comme vous hostile au fait que l'on place des enfants dans des centres de rétention administrative, mais chacun sait aussi que l'on ne peut pas séparer un enfant de ses parents et que l'on ne peut pas accepter qu'au motif qu'il y aurait un enfant, ceux qui se trouvent en situation irrégulière en France et qui n'ont pas vocation à y rester échappent à ces dispositions. C'est pourquoi il faut que cela se fasse de manière exceptionnelle et dans des lieux spécialisés, afin que l'on ait la capacité d'accueillir l'ensemble de la famille, qui, ensuite, devra, conformément au droit, être reconduite à la frontière ou renvoyée dans son pays d'origine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Gisèle Biémouret
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 juin 2019