Question au Gouvernement n° 2143 :

15e Législature

Question de : M. Luc Carvounas
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 10 juillet 2019


EMPLOI DE TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS PAR LA POSTE

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.

M. Luc Carvounas. Madame la ministre du travail, dans un courrier daté du 12 juin dernier, je vous interpellais au sujet du site alfortvillais de la société Chronopost, dans lequel un mouvement de grève a été lancé par plusieurs dizaines de travailleurs sans-papiers. Mon courrier et ma demande de rendez-vous étant restés lettre morte, je vous pose donc directement ma question.

De quoi s'agit-il ? D'une situation professionnelle et humaine inacceptable. En effet, le groupe La Poste – entreprise publique, rappelons-le – recourt, en feignant de ne pas le savoir, à des travailleurs sans-papiers. Ceux-ci déchargent les camions transportant les envois Chronopost et les trient afin de permettre leur distribution. Ils sont privés des droits élémentaires dus aux salariés. Ils embauchent à trois ou quatre heures du matin, ils sont employés à temps partiel pour 600 euros par mois et, bien sûr, il n'est pas question pour eux de tomber malade ou de porter des revendications sociales ! Ce traitement inhumain est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe FI.)

Néanmoins, il n'est pas le fait de votre gouvernement, reconnaissons-le tous ensemble. Il est le résultat d'un laisser-faire dans notre pays depuis trente ans. Oui, on ferme les yeux sur ce qui n'est autre que de l'esclavage moderne. On ne peut pas accepter que des sans-papiers soient employés dans le seul but de faire baisser des coûts de fonctionnement.

Nous ne pouvons pas nous contenter des réponses alambiquées des différents employeurs, directs ou indirects, qui se déchargent de la question sur un tiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Humainement, je suis solidaire de l'émoi de ces travailleurs : de Demba, de Mohamed, de Sekou, de Samba et de tous les autres, confrontés au système inique de sous-traitance en cascade.

Madame la ministre, ma question est claire : êtes-vous prête, avec le Gouvernement, à diligenter une enquête auprès du groupe La Poste ? êtes-vous prête à délivrer une autorisation temporaire de travail à ces travailleurs, le temps que leur dossier de régularisation soit étudié ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Carvounas, le problème, je crois, est celui du contrôle de la qualité de l'emploi dans la sous-traitance en France. La sous-traitance n'est pas mauvaise en elle-même, du moment que les droits sociaux généraux s'appliquent. C'est parfois le cas, mais pas toujours, alors qu'aucun donneur d'ordres, aucun maître d'ouvrage n'est dispensé du devoir de vigilance prévu par le code du travail.

Comment faire pour progresser ? Hier, au nom du Premier ministre, j'ai présidé la commission nationale de lutte contre le travail illégal, dont le champ de compétences intègre les sujets du travail dissimulé et des conditions d'emploi non respectées, et jusqu'à celui de la traite des êtres humains – car il peut exister en France de telles situations inacceptables, qui se révèlent souvent au travers d'un logement insalubre ou des conditions de vie indignes. Hier, je pense, nous avons accompli une grande avancée interministérielle sur ces sujets en adoptant le plan 2019-2021 de lutte contre le travail illégal, avec un travail interministériel considérablement renforcé, impliquant les services fiscaux, ceux de la concurrence, les douanes, l'inspection du travail, la justice, la police, le ministère de l'intérieur, les transports, la MSA – la Mutualité sociale agricole –, bref, tout le monde. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et FI.)

Plusieurs députés du groupe SOC . Et La Poste ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Sur l'ensemble des sujets qui concernent les conditions d'emploi inégales, aucun employeur ne peut être à l'abri. Il existe un droit social dans notre pays et il existe un droit en général. Sur tous les sujets dont nous serons saisis, nous travaillerons désormais de façon beaucoup plus interministérielle. L'élément nouveau, c'est que, grâce à la loi relative à la lutte contre la fraude et à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous pourrons partager toutes les données et agir partout où il le faut, à La Poste comme ailleurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Mme Mathilde Panot. La seule solution, c'est la régularisation !

Données clés

Auteur : M. Luc Carvounas

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique :

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juillet 2019

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