CETA
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 24 juillet 2019
CETA
M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Comme vous tous, je suis sensible à la situation des agriculteurs qui subissent la sécheresse. Je voudrais qu'elle nous aide à réfléchir à une autre nouvelle publiée la semaine dernière par la FAO – Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture : la progression de la faim dans le monde pour la quatrième année consécutive. Plus de 2 milliards d'individus sont en situation d'insécurité alimentaire, 821 millions sont sous-alimentés.
Cette situation est aggravée par le changement climatique ; tous les experts l'affirment. On peut dès à présent citer le rapport du GIEC – groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique – qui sera publié officiellement le 8 août, ou l'étude prospective Agrimonde-Terra, élaborée par des scientifiques du Cirad – centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – et de l'INRA – Institut national de la recherche agronomique.
Toutes les études montrent que le changement climatique va augmenter la difficulté de résolution de l'équation qui réunit 10 milliards d'habitants et des terres arables parfois inondées ou asséchées.
Dans un tel contexte, nous devons nous tourner vers le grand Edgard Pisani, selon qui nous aurons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir la population : l'agropastoralisme masaï, les jardins flottants du Bangladesh, les oasis de l'Atlas marocain, les terrasses andines et les 5 millions d'hectares de systèmes herbagers exploités par les 85 000 éleveurs allaitants de France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR et sur quelques bancs du groupe LR.) Nous aurons besoin de toutes les terres et de tous les paysans du monde !
Aussi, au ministre des affaires étrangères, qui propose de réfléchir avec son homologue allemand à un nouveau multilatéralisme innovant, je fais une suggestion : excluez-en les échanges agricoles ! Nous devons désormais éviter de rendre les agricultures prédatrices les unes des autres ; il faut additionner nos ressources, pour tendre vers la paix dans le monde – et lutter à l'échelle internationale pour faire partager cette position ! Il s'agit de défendre la dignité des producteurs et des consommateurs, qu'ils vivent au bout de la rue ou au bout du monde.
C'est pourquoi nous devons refuser aujourd'hui de voter le CETA, qui crée - en particulier les articles 26 et 30 - un déséquilibre susceptible de mener à l'appauvrissement de la planète, alors que nous devons unir nos forces pour sauver la Terre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI, ainsi que sur les bancs du groupe LR. - M. Thierry Benoit applaudit aussi.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Les chiffres de la faim dans le monde que vous citez nous interpellent, naturellement, et nous ne souhaitons pas rester inertes. C'est pourquoi le Président de la République a inscrit la lutte contre les inégalités parmi les thèmes majeurs du G7 qui se tiendra à Biarritz en août. Nous serons évidemment mobilisés pour l'accès à l'alimentation, comme Jean-Yves Le Drian et moi-même le sommes dans le cadre de l'avant-projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique française de développement et de solidarité internationale.
Nous partageons votre attachement à l'agroécologie ; M. le ministre de l'agriculture ne cesse d'œuvrer dans le sens de son développement.
Quant au lien que vous établissez entre ces faits et le CETA, il ne me paraît pas établi.
M. Dominique Potier. C'est pourtant une évidence !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Nous avons justement obtenu de partenaires nord-américains particulièrement durs en affaires la reconnaissance des indications géographiques protégées – c'est une première ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et SOC.)
Cela permettra de reconnaître le labeur de femmes et d'hommes qui produisent ces denrées de qualités issues de nos terroirs. Ces accords permettront de tirer vers le haut certains de nos partenaires.
M. Hubert Wulfranc. Vers le bas !
Un député du groupe GDR. Rien à voir !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Monsieur Potier, nous partageons, je crois, un attachement au personnalisme d'Emmanuel Mounier : ni individualisme ni collectivisme. De la même façon, nous rejetons le protectionnisme comme le libre-échangisme naïf ; nous sommes favorables à la construction d'une politique commerciale ambitieuse, rénovée, que le Président de la République appelle de ses vœux, comme il l'a fait lors de son discours prononcé à l'occasion du centenaire de l'Organisation internationale du travail à Genève au mois de juin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juillet 2019