Question au Gouvernement n° 2264 :
Lutte contre la radicalisation dans les services publics

15e Législature

Question de : M. Éric Diard
Bouches-du-Rhône (12e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 2019


LUTTE CONTRE LA RADICALISATION DANS LES SERVICES PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Comme plusieurs de mes collègues, j'ai assisté à l'hommage rendu ce matin aux quatre fonctionnaires tués par l'un des leurs dans la tragique attaque perpétrée au cœur de la Préfecture de police de Paris. Je tiens moi aussi à honorer leur mémoire.

À la suite de cet attentat, vous avez affirmé vouloir instaurer l'automaticité du signalement en matière de radicalisation. Je suis surpris : je pensais qu'après quatre années d'attentats, le signalement automatique était déjà une évidence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Mme Valérie Beauvais. Mais oui, évidemment !

M. Éric Diard. En l'espèce, l'assaillant avait fait l'apologie de l'attentat de Charlie Hebdo, ce qui ne devait pas entraîner un simple signalement, mais un retrait immédiat de l'habilitation secret-défense, puis une révocation !

Mercredi 10 juillet, mon collègue Éric Poulliat et moi-même vous avons remis, monsieur le ministre, un exemplaire de notre rapport consacré aux services publics face à la radicalisation. Je voudrais vous en donner la lecture de la page 56 : « en raison d'une dissimulation toujours possible, il n'existe pas de garantie absolue qu'une personne radicalisée ne puisse pas être recrutée. En outre, une radicalisation peut intervenir postérieurement à l'entrée dans la police, en particulier à la suite d'une conversion. »

La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, permet le « rétrocriblage » des agents de la fonction publique régalienne afin de prévenir tout danger de radicalisation en cours de carrière. Cependant, comme je l'ai précisé lors de la remise du rapport, aucun rétrocriblage dans la police n'a été effectué à ce jour - pour une raison simple : les services sont toujours dans l'attente d'une instruction interministérielle relative au déroulement de telles enquêtes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Eh oui ! Il faudrait travailler un peu !

M. Éric Diard. Monsieur le ministre, quand le Gouvernement accélérera-t-il la mise en œuvre du rétrocriblage ? Qu'allez-vous faire pour, comme l'a dit le Président de la République, lutter contre « l'hydre islamiste » ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Pierre-Henri Dumont. Si c'est lui le vrai ministre, il faut l'assumer !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous évoquez le rapport que vous avez produit avec M. Poulliat – qui est un rapport de qualité…

M. Pierre Cordier. Il aurait fallu le lire !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . …sur lequel nous avons travaillé –, et soulevez la question des criblages et des rétrocriblages. Votre interpellation comporte donc plusieurs aspects.

D'abord, et comme vous le savez, l'ensemble des agents de police et des gendarmes font l'objet, lors de leur recrutement, d'un criblage assuré par le SNEAS – Service national des enquêtes administratives de sécurité. Ce dernier a vocation, comme vous en exprimez d'ailleurs le souhait dans votre rapport, à élargir ce champ des criblages préalables aux recrutements.

Mme Marie-Christine Dalloz. C'est nécessaire, en effet !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . L'objectif est d'effectuer plus de 3 millions de criblages à compter de 2021 : c'est dire si la montée en puissance sera forte.

Vous évoquez une disposition du code de la sécurité intérieure, effectivement issue de la loi SILT, à savoir son article L. 114-1, qui permet d'effectuer des rétrocriblages, c'est-à-dire de cribler des policiers, par exemple, après leur recrutement. Ce dispositif existe déjà : nous l'appliquons dans le cadre des cellules de détection de la radicalisation. Nous avons ainsi géré, de façon disciplinaire, une vingtaine de cas, en appliquant les textes existants, ce qui nous a permis de révoquer – vous le soulignez dans votre rapport – plusieurs agents de police qui présentaient des liens avec des individus radicalisés.

S'agissant de votre question relative au rétrocriblage prévu par l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, nous attendons effectivement une instruction, dont la parution est maintenant imminente. (« Enfin ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Éric Diard. Cela fait deux ans que la loi a été adoptée !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Je veux surtout rassurer la représentation nationale : dans l'attente de la création de la commission d'enquête, rien ne nous empêche de procéder à de nouvelles enquêtes sur des agents de police, pour éventuellement les signaler au titre de la radicalisation – c'est d'ailleurs ce que nous faisons avec l'Inspection générale de la police nationale. Et lorsque ces agents sont soumis à habilitation, rien ne nous empêche de la leur retirer en cas de suspicion de radicalisation.

M. Pierre Cordier. Alors pourquoi ne l'avez-vous pas fait pour l'auteur de l'attentat ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. C'est ce que nous faisons, par exemple au service de renseignement de la Préfecture de police, au sein duquel quinze retraits d'habilitation ont été prononcés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Éric Diard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Services publics

Ministère interrogé : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Ministère répondant : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 2019

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