Question au Gouvernement n° 2307 :
Emploi de M. Sandro Gozi

15e Législature

Question de : M. Pierre-Henri Dumont
Pas-de-Calais (7e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 6 novembre 2019


EMPLOI DE M. SANDRO GOZI

M. le président. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont. Monsieur le Premier ministre, éthique et transparence ne sont pas des valeurs partagées par tous. Par exemple, le Premier ministre maltais, Joseph Muscat, bloque une enquête sur l'assassinat d'une journaliste, tuée après avoir dévoilé un système de corruption impliquant ses proches. Un rapport du Conseil de l'Europe a dénoncé la culture de l'impunité qui règne sous son gouvernement. Le Parlement européen a exigé une investigation contre le programme lancé par M. Muscat pour vendre la citoyenneté européenne à des oligarques.

Pourtant, dans un article récent, L'Obs décrit M. Macron comme le nouveau grand frère de M. Muscat en Europe. Pourquoi ce rapprochement ?

M. Bruno Millienne. C'est L'Obs qui le fait !

M. Pierre-Henri Dumont. Aujourd’hui, nous le savons, puisque Le Monde et Times of Malta viennent de révéler que le conseiller pour les affaires européennes au sein de votre cabinet, M. Sandro Gozi, ancien membre du gouvernement italien, payé par le contribuable français, travaillait « en même temps » depuis juillet 2018 pour le Premier ministre maltais. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.) Votre conseiller est aussi sous le coup d'une enquête pour travail fantôme à Saint-Marin, pour un contrat rémunéré 200 000 euros auprès d'une banque de ce paradis fiscal. Candidat de La République en marche aux élections européennes, il sera député européen après le Brexit.

Monsieur le Premier ministre, pour qui travaille réellement votre conseiller ? Pour lui-même, pour la France, pour Malte, pour l'Italie ? Pouvez-vous nous garantir qu'il n'a jamais utilisé au profit d'un autre gouvernement une information qu'il aurait eu à connaître à Matignon ?

Votre conseiller affirme que vous étiez au courant de ses missions de consultant auprès du Premier ministre maltais au moment de son embauche au sein de votre cabinet. (« Ah bon ? » sur les bancs des groupes LR et FI.) Qu'en est-il ?

M. Gozi a effectué au minimum quatre-vingt-dix déplacements hors de France depuis mai 2018. Au nom de qui ? Qui les a financés ? Connaissez-vous ses différentes rémunérations ? Avez-vous saisi la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.– Mme Delphine Batho applaudit aussi.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous m'interrogez sur des articles de presse concernant M. Sandro Gozi. Votre question est parfaitement légitime, et je voudrais y répondre en commençant par faire l'exposé très clair des faits.

Ces faits, les voici. Je confirme que j'ai demandé le 30 juillet 2019 à M. Gozi de rejoindre mon cabinet en qualité de chargé de mission pour les affaires européennes. Il m'a semblé que, vu l'actualité politique européenne intense, il pouvait être utile de faire appel à l'expertise d'un très bon connaisseur des relations internationales et des relations européennes.

M. Patrick Hetzel. Vous avez déjà une secrétaire d'État !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . L'expertise et les compétences de M. Gozi sont en effet incontestables : il a été diplomate au ministère italien des affaires étrangères, collaborateur de M. Romano Prodi à la Commission européenne, secrétaire d'État aux affaires européennes auprès du président du Conseil, M. Matteo Renzi.

M. Maxime Minot. C'est bien le problème ! C'est ça le nouveau monde ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Voilà quelqu'un qui connaît le monde européen (Exclamations sur les bancs du groupe LR) et qu'il m'a semblé utile d'associer à la réflexion et à la prospective en matière d'affaires européennes.

Depuis hier, la presse s'interroge sur le fait que M. Gozi aurait pu cumuler deux emplois en travaillant simultanément au sein de mon cabinet et pour le gouvernement de Malte. Nous avons tenu à lever tout soupçon sur les faits. Nous avons donc invité M. Gozi à produire les explications les plus complètes et les plus précises, comme il l'avait déjà fait par écrit au moment de son embauche.

M. Éric Ciotti. Serait-ce donc un faux ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . M. Gozi a indiqué que son emploi à Matignon depuis le 30 juillet 2019 était exclusif de toute autre activité professionnelle, et a fortiori d'une activité exercée pour un autre gouvernement. Nous en prenons acte. En vue de clore la polémique, nous l'avons invité à produire dans les plus brefs délais les pièces qui permettront de confirmer la fin de sa collaboration avec le gouvernement maltais au moment de son embauche. Nous avons également, comme vous vous en doutez, demandé à M. Gozi de justifier rapidement qu'il avait rempli l'ensemble des obligations déclaratives qui sont à la charge de tous ceux qui travaillent dans un cabinet ministériel.

Je souligne, monsieur le député, puisque vous avez posé cette question avec précision et passion, que tous ceux qui ont l'honneur de servir la France en travaillant au sein d'un cabinet ministériel doivent, s'ils font l'objet d'une attaque politique, être défendus par le chef du Gouvernement,…

M. Fabien Di Filippo. Forcément : c'est vous qui l'avez embauché !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …mais qu'en retour, le chef du Gouvernement exige d'eux une parfaite probité et le respect de toutes les règles qui s'imposent à ceux qui ont l'honneur de servir la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Pierre Cordier. Encore heureux !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont. De deux choses l'une, monsieur le Premier ministre : soit vous aviez connaissance de l'activité rémunérée de votre conseiller auprès de votre allié, le sulfureux Premier ministre maltais, et dans ce cas vous êtes complice de conflit d'intérêts (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) ; soit vous ne le saviez pas, et vous devez sur le champ démettre M. Gozi de ses fonctions et lui interdire de siéger comme représentant de la France à Strasbourg après le Brexit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Après l'affaire Goulard, on comprend que…

M. le président. Merci, cher collègue.

Données clés

Auteur : M. Pierre-Henri Dumont

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 novembre 2019

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