manifestations des 16 et 17 novembre
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 20 novembre 2019
MANIFESTATIONS DES 16 ET 17 NOVEMBRE
M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Quelle est la réalité du droit de manifester en France lorsqu'on sait qu'à quatorze heures vingt-trois, samedi dernier, la manifestation parisienne organisée pour le premier anniversaire du mouvement des gilets jaunes, commencée vingt minutes plus tôt, a été interdite ?
Vous avez démis de ses fonctions le préfet de police Michel Delpuech en raison de sa « mauvaise gestion d'une manifestation de gilets jaunes ». Or, ce week-end, malgré la gestion calamiteuse de la manifestation parisienne, le préfet Didier Lallement a conservé ses fonctions. Comment expliquez-vous cette politique de deux poids deux mesures ? Le préfet Lallement a-t-il été maintenu à son poste parce qu’il respectait parfaitement votre consigne selon laquelle il faut gouverner par la peur ? Oui, la peur ! Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder la vidéo de ce gilet jaune du Nord, Manuel Timili, en train de discuter tranquillement, qui perd un œil sur un simple tir de grenade lacrymogène.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Vous ne serez pas surpris, monsieur le député, que je ne partage pas votre lecture des événements. La manifestation de samedi dernier à Paris était certes déclarée, son départ était prévu à quatorze heures, mais très vite des individus violents ont commencé à commettre des exactions, et à s'en prendre aux forces de l'ordre. Il était normal, légitime et même juste, dans ces conditions, que la préfecture intervienne pour mettre un terme aux exactions, des exactions d'une grande violence, qui n'avaient rien à voir avec le droit de manifester. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - M. Éric Woerth applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, le désordre que vous avez organisé a mis en danger les policiers, les pompiers, ainsi que les manifestants qui voulaient manifester pacifiquement ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.)
Vous assumez de maintenir le préfet Didier Lallement et par là même de gouverner par la peur.
Mme Laetitia Avia. Ça va pas, non !
M. Ugo Bernalicis. Vous l'avez nommé en parfaite connaissance de sa réputation, dont la presse s'est faite l'écho. Il est ainsi désigné comme « le nouveau préfet qui fait flipper les flics », celui que ses collègues de Bordeaux surnommaient le « fou furieux ». (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Brigitte Bourguignon. Vous n'avez pas le droit de faire ça !
M. Ugo Bernalicis. C’est donc à dessein que vous l’avez nommé : il y a une adéquation entre votre doctrine du maintien de l’ordre et la réputation de ce préfet, également appelé « l'éborgneur » ou le « fou furieux » !
M. Rémy Rebeyrotte. Vous devriez avoir honte de dire ça !
Plusieurs députés du groupe LaREM . C'est une honte !
M. Ugo Bernalicis. Ce week-end, tout a été fait encore pour faire monter la tension et aboutir à un affrontement. La hiérarchie de la préfecture de police, placée sous votre responsabilité, doit assumer d’avoir organisé le désordre. Pour preuve : le parcours de la manifestation modifié pour un point de départ plus dangereux, la place d’Italie comptant actuellement plusieurs chantiers ; cette interdiction ubuesque à quatorze heures vingt-trois ; ou encore, ce journaliste défiguré par une grenade ! (Mêmes mouvements.)
Le même préfet qui se félicitait d'avoir matraqué le député Loïc Prud'homme a désormais dans son tableau de chasse les députés Alexis Corbière et Adrien Quatennens, empêchés de quitter la manifestation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
En choisissant le camp de la répression, le Préfet Lallement a quitté le camp de la République. Vous devez le démettre de ses fonctions ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Claude Goasguen. C'est inadmissible ! C'est scandaleux !
M. Ugo Bernalicis. Vous cherchez à dissuader les Françaises et les Français de manifester le 5 décembre…
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de calme. M. Bernalicis a pu exprimer son opinion.
M. Claude Goasguen. Quelle opinion ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Je tiens à vous dire, monsieur le député, que nous appliquons la même doctrine depuis un an pour faire face aux violences terribles, trop régulières, que nous connaissons.
M. François Ruffin. Vous n'avez pas dit un mot des victimes !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . C'est une doctrine de réactivité, de dispersion et d'interpellation.
M. François Ruffin. Pas un mot de compassion !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Elle a été appliquée par le préfet de police de Paris…
M. François Ruffin. Pas un seul mot !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . …comme par tous les préfets en France. (Vives protestations sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. Chers collègues, un peu de calme, s'il vous plaît !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Elle a été définie par le Gouvernement. Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, l'a proposée dès les événements du 1er décembre 2018. (Mêmes mouvements.)
M. François Ruffin. Pas un mot de compassion !
M. le président. Monsieur Ruffin, je vous en prie ! La prochaine fois vous serez rappelé à l'ordre avec inscription au procès-verbal !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Il ne s'agit pas d'empêcher le libre exercice du droit de manifester. D'ailleurs, samedi, ce droit a pu s'exercer partout en France…
M. Claude Goasguen. Défendez votre préfet !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . … quand il n'y a pas eu de violences. Il s'exerce presque tous les jours, monsieur le député, vous le savez très bien.
La préfecture de police de Paris, comme les autres préfectures de notre pays, en est garante.
M. François Ruffin. Pas un mot !
M. le président. Monsieur Ruffin, vous êtes rappelé à l'ordre avec inscription au procès-verbal ! C'est la troisième fois que je vous demande de vous calmer !
M. Ugo Bernalicis. Vous n'avez rien dit, tout à l'heure, monsieur le président, quand on m'a interrompu pendant ma question !
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Je voudrais vous rappeler, monsieur Bernalicis, comme l'avait fait avant moi M. le Premier ministre, qu'il n'existe qu'une seule communauté : la communauté nationale. (La plupart des députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent, de même que de nombreux députés du groupe UDI-Agir. Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
Il n'y a qu'un seul camp, monsieur le député, qui nous réunit tous, les forces de l'ordre, le Gouvernement, les membres de la représentation nationale et tous ceux qui veulent manifester paisiblement : celui de la République ! (Mêmes mouvements.- Mme Michèle Peyron se lève et apostrophe les membres du groupe FI - M. Jean-Luc Mélenchon se lève à son tour.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous n'avez pas eu un mot pour les personnes qui ont été éborgnées ! Pas un mot !
M. le président. Je vous demande de cesser immédiatement vos hurlements et de vous asseoir ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe FI et sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez regagner votre place !
M. le président. Du calme ! On ne peut pas passer son temps à stigmatiser la violence et donner un tel spectacle de violence verbale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir et quelques bancs du groupe LR.) Sachez vous tenir ! Asseyez-vous immédiatement !
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Ministère répondant : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2019