Question au Gouvernement n° 2499 :
réforme des retraites

15e Législature

Question de : Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 2019


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. J'engage chacun à ne pas tomber dans le piège de la provocation. La parole est à Mme Valérie Rabault.

M. Alexis Corbière. On nous coupe la parole ! (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. S'il vous plaît ! La parole est à Mme Valérie Rabault et à elle seule.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, je voudrais proposer que nous fassions ensemble un petit calcul. Un professeur qui a travaillé durant quarante et un ans et dont la carrière a été normale touche environ 2 350 euros de pension mensuelle, calculée sur la base des six derniers mois de carrière. Comme vous proposez d'effectuer le calcul en prenant en compte la totalité de la carrière, le professeur percevrait une pension de l'ordre de 2 070 euros, ce qui représente une perte de pouvoir d'achat de 338 euros par mois. Pour un professeur passé hors classe durant sa carrière, la perte atteindrait de 730 euros par mois.

Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse promet de mettre 400 millions d'euros sur la table pour rattraper le pouvoir d'achat. Je crains qu'il n'ait commis une très grosse erreur de calcul. En effet, avec votre nouveau système de retraite, pour que les professeurs aient la même pension qu'actuellement, il faudrait que vous augmentiez les salaires de 25 %, ce qui représenterait 12 milliards d'euros de masse salariale supplémentaires.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous nous annoncer demain que vous êtes prêts à augmenter les professeurs de 25 % ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Rabault, je réponds bien volontiers à votre question. Vous accusez le ministre de l'éducation nationale – enfin vous mettez en cause, ou plutôt vous questionnez sa prétendue erreur de calcul. En réalité, il n'en fait aucune, alors que, si je puis me permettre, vous commettez, pour votre part, une erreur de logique.

Vous faites en effet mine de penser que chaque fonctionnaire cotisera sur l'ensemble des rémunérations perçues pendant la totalité d'une carrière, traitements et primes comprises.

Mme Valérie Rabault. Je parle des professeurs !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je sais mais, pour ma part, je commence par les fonctionnaires. Soit dit en passant, pour beaucoup de fonctionnaires, pouvoir cotiser sur leurs primes constituera un droit supplémentaire.

M. Éric Straumann. Beaucoup ne touchent pas de primes !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Or, vous le savez bien, pour de nombreux fonctionnaires dont les primes représentent une part importante du revenu global, il s'agit d'une réelle avancée.

Vous avez toutefois raison, madame la présidente Rabault, si l'on appliquait les règles de calcul telles qu'elles sont présentées, le résultat ne serait pas acceptable. C'est précisément ce que nous avons dit, le Président de la République, le ministre de l'éducation nationale et moi-même. Nous n'appliquerons donc pas ainsi ces règles à la carrière d'enseignant ; nous veillerons en revanche à ce que le niveau des pensions des enseignants soit garanti et comparable à celui des cadres de catégorie A de la fonction publique.

Comment procéderons-nous ? En revalorisant dans le temps, progressivement, année après année, les traitements et les rémunérations des professeurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Christian Jacob. Avec quel argent ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je ne crois pas, madame la présidente Rabault, que vous puissiez nourrir un quelconque désaccord avec cet objectif ! Vous savez comme moi que la situation est restée inchangée depuis longtemps, quelles que soient les majorités. Par comparaison avec les autres pays de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques –, la rémunération d'un professeur français de l'éducation nationale se situe un peu au-dessous à l'entrée de carrière, de 7 % environ, très nettement au-dessous en milieu de carrière, de l'ordre de 22 %, et très légèrement au-dessous à la fin de carrière, de 3 %. En revanche, la pension moyenne des enseignants français est au moins aussi bonne et parfois meilleure que dans les autres pays de l'OCDE.

M. Olivier Faure. Et alors ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je sais que cette vérité vous dérange, monsieur le député, car elle est ancienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Pour revenir à votre question, madame Rabault, si nous voulons que la situation ne se détériore pas pour les enseignants, il faut augmenter, tout au long de leur carrière, les rémunérations. C'est très exactement ce que nous entendons faire et ce que nous avons annoncé avec le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale. Il n'y a donc pas d'erreur de calcul ; il y a une erreur de logique, non pas de votre part, madame la présidente, mais de la part de ceux qui feignent de ne pas entendre que nous avons donné des garanties…

M. Olivier Faure. Quelles garanties ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. …et que demain, nous annoncerons des mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Vous promettez 10 milliards dans vingt ans mais ce que je vous dis, c'est qu'ils sont nécessaires dès l'instauration du nouveau système.

Je ne me lancerai pas dans un cours de mathématiques, mais le calcul dont nous discutons est en réalité une intégrale qui prend en compte la durée de la carrière. C'est pourquoi il faut 10 milliards d'euros, et non les 500 millions d'euros que vous annoncez !

M. Vincent Descoeur. Elle a raison !

Mme Valérie Rabault. L'an dernier, monsieur le Premier ministre, vous m'avez accusée, au sujet des taxes énergétiques, de donner de faux montants. Ils étaient pourtant exacts et vous vous en êtes aperçu après coup. J'aimerais que vous preniez conscience dès aujourd'hui de la nécessité d'une revalorisation des salaires des enseignants. À défaut, le système que vous allez mettre en place sera injuste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. Jean-Yves Bony. Tout le débat est là !

Données clés

Auteur : Mme Valérie Rabault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique :

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2019

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