réforme des retraites
Question de :
M. Joël Aviragnet
Haute-Garonne (8e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 2019
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet. Monsieur le Premier ministre, voilà deux ans et demi maintenant que vous préparez la réforme des retraites, que vous consultez les organisations syndicales et patronales. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Tous les syndicats sont dans la rue, sans exception. Le dialogue est rompu avec les Français. Les professeurs, principaux perdants de la réforme, se sentent méprisés. Les fonctionnaires hospitaliers sont désespérés. Les avocats, les magistrats, les chercheurs, les indépendants : tous défilent contre la réforme de retraites – tous sauf le MEDEF, vous en serez rassuré.
M. Éric Straumann. Même les socialistes !
M. Joël Aviragnet. Vous disiez être le maître des horloges, avoir la main sur le calendrier : or en choisissant de présenter la réforme début décembre, vous avez délibérément pris la responsabilité du blocage du pays à l'approche de Noël. Les commerçants sauront s'en souvenir.
Alors que nous sommes à la moitié du quinquennat, vous avez dégradé les APL, les aides personnalisées au logement, anéanti le compte pénibilité, abîmé le code du travail, saccagé l'assurance-chômage, maltraité les retraités. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Sébastien Leclerc. Il a raison !
M. Joël Aviragnet. La confiance avec les Français est rompue ! Comment voulez-vous être crédibles quand vous reportez l'âge de départ à la retraite à 64 ans, au mépris de ceux qui ont commencé à travailler tôt, et quand vous détricotez la retraite des enseignants ? Qui croyez-vous berner en annonçant que les femmes vont y gagner ? La retraite calculée sur l'ensemble de la carrière, c'est une retraite de misère pour les femmes, car ce sont elles qui interrompent le plus souvent leurs carrières. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Dans votre question, vous dites, monsieur le député, que les Français sont dans la rue et que le dialogue est rompu. Permettez-moi de vous apporter quelques précisions. Le dialogue avec les organisations syndicales n'a jamais été rompu et je vous confirme que demain, à Matignon, se tiendra une série de réunions de travail bilatérales et que jeudi aura lieu une réunion multilatérale afin de pouvoir évoquer tous ensemble un certain nombre de sujets relatifs à la réforme. Il n'y a donc pas de disparition du dialogue social : au contraire, il est intense.
M. Patrick Hetzel. Il y a surtout un intense mécontentement…
M. André Chassaigne. Ils ne disent pas cela du tout !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Et il y a aujourd'hui, c'est vrai, dans la rue des Françaises et les Français qui – soyons précis car je vous sais attaché à la précision – pour certains sont radicalement opposés à la mise en place du système universel : ils n'en veulent pas et considèrent qu'il faut préserver les régimes spéciaux et les durées de cotisation. De l'autre côté, il y a des Françaises et des Français, ainsi qu'un certain nombre de syndicats, qui sont très attachés à l'instauration du régime universel et qui se distinguent du Gouvernement sur certains éléments relatifs à la manière dont on revient à l'équilibre. Le principe de l'équilibre n'est pas même le sujet du désaccord – si j'en crois la presse de ce matin – ; celui-ci porte sur la manière d'y parvenir.
Autrement dit, certains ne veulent pas du régime universel, et c'est respectable, mais d'autres y sont favorables, parce qu'ils considèrent que ce sera une avancée dans tous les cas que vous avez cités, notamment pour toutes celles et ceux qui partent en retraite à 67 ans parce qu'ils subiraient une décote s'ils demandaient la liquidation de leur pension avant cet âge.
Ce mécanisme, voué à s'aggraver, est l'une des conséquences de la réforme Touraine – vous le savez parfaitement, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier. Parlez-en aux socialistes de votre majorité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il a évidemment un impact terrible pour ceux qui commencent à travailler tard ou dont le parcours professionnel est haché.
Je n'ai pas peur du débat sur ces questions, notamment pas du débat parlementaire, car je suis convaincu que le régime universel apportera un plus. Je constate d'ailleurs qu'une partie des organisations syndicales – celles que vous avez, comme moi, en tête – et de ceux qui défilent aujourd'hui sont d'accord avec moi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet. Il est temps de dire la vérité aux Français : cette réforme, c'est la réforme BlackRock, du nom du fonds de pension américain qui l'a inspirée. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Elle vous permettra de garantir une place au secteur privé dans la gestion des retraites, de prendre la main sur les 120 milliards d'euros de réserve des régimes complémentaires et, enfin, de créer un méga-régime unifié à la main de l'administration, dont les organisations syndicales et patronales seront exclues. Encore faudrait-il assumer cette réforme de casse sociale que vous nous réservez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Auteur : M. Joël Aviragnet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 2019