Lutte européenne contre l'évasion fiscale
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 2020
LUTTE EUROPÉENNE CONTRE L'ÉVASION FISCALE
M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. En ce début de XXIe siècle, des incendies en Australie à la stabilité au Sahel – thème qui fera l'objet d'un sommet à Pau sous l'autorité du Président de la République – en passant par la crise au Moyen-Orient, nous devons faire le constat de notre terrible interdépendance dans l'insécurité. Dans ce contexte, nous avons besoin d'une Europe puissance, une Europe capable de porter la voix de la transition écologique, d'être un instrument de paix et d'incarner la justice.
Or, aujourd'hui, l'Europe est affaiblie, notamment faute de moyens : je pense aux 750 milliards d'euros qui manquent aujourd'hui à la puissance publique européenne à cause de l'évasion fiscale. Celle-ci pose bien entendu un problème non seulement matériel, mais aussi moral.
Le Brexit, qui est devenu irrévocable – ce que nous regrettons –, donnera lieu prochainement à des négociations qui peuvent être l'occasion pour l'Europe d'engager un processus d'éradication des paradis fiscaux. D'après les experts, le Royaume-Uni, avec la City, ses territoires ultramarins et ses dépendances, concentre environ un tiers de l'évasion fiscale mondiale. Pouvons-nous accepter à nos portes la première place financière, mais aussi le premier paradis fiscal ?
C'est l'heure de vérité pour l'Europe, l'heure d'engager l'éradication des paradis fiscaux. Pour ce faire, soixante-sept parlementaires issus de cinq groupes politiques invitent les États membres à adresser à la Commission, lors du prochain Conseil européen, une feuille de route claire faisant du refus des paradis fiscaux une ligne rouge dans les négociations.
La France est-elle prête, à l'occasion du Brexit, à s'engager dans un processus d'éradication des paradis fiscaux afin de restaurer un sentiment de justice et une capacité à agir dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Mörch et M. Sébastien Jumel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Alors qu'une nouvelle décennie européenne s'ouvre, nous devons travailler à renforcer l'Union européenne.
S'agissant du Brexit, les événements vont s'accélérer : après les élections du 12 décembre, la Chambre des communes a ratifié l'accord de retrait, la Chambre des lords doit le faire bientôt et le Parlement européen y procédera le 29 janvier ; à partir du 31 janvier commencera une phase de transition au cours de laquelle sera négociée la relation future. Cette relation doit être forte parce que le Royaume-Uni restera là où il est, c'est-à-dire en Europe. Mais vous posez des questions importantes sur la loyauté, sur l'équilibre de la relation et sur la proximité économique que nous pouvons avoir avec les Britanniques.
Les Britanniques demandent un accord de libre-échange. Nous sommes prêts à conclure un tel accord à condition qu'il soit proportionné à la proximité réglementaire que nous pourrons conserver. Nous ne pouvons pas accepter le libre-échange pour le principe : sur les questions sociales, environnementales et fiscales, nous devons conserver une proximité.
M. Boris Vallaud. Ce n'est pas la question qui vous a été posée !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . Quant à l'évasion fiscale, ce sujet fait actuellement l'objet de discussions au sein de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il existe, au niveau européen, une liste des paradis fiscaux. Des efforts ont été faits en ce domaine. Ainsi, M. le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, s'est particulièrement engagé au sein du Conseil Ecofin – Conseil pour les affaires économiques et financières – sur le blanchiment et sur l'évasion fiscale. Nous aurons à poursuivre le travail.
Évidemment, nous ne voulons pas de Singapour sur la Tamise, nous ne voulons pas d'un partenaire déloyal à nos portes. Dans la négociation à venir, nos priorités sont au nombre de trois : ne pas sacrifier le contenu de l'accord au calendrier – s'il faut du temps, nous le prendrons, et le sujet que vous avez soulevé est important – ; ne pas accepter de dumping fiscal, social ni environnemental – la neutralité climatique doit être un engagement du Royaume-Uni comme elle l'est pour l'Union européenne – ; nous assurer d'une proximité durable sur des sujets d'intérêt commun tels que la sécurité et la défense.
Le Royaume-Uni est un partenaire, mais nous sommes lucides : nous avons à garantir un équilibre et de la loyauté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2020