Réforme des retraites
Question de :
Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 2020
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Je crains que ce précepte ne puisse s'appliquer à votre réforme des retraites. Aujourd'hui, depuis le début des questions au Gouvernement, sept questions vous ont été posées sur les retraites mais vous n'y avez apporté aucune réponse claire.
M. Patrick Hetzel. Elle a bien raison !
Mme Valérie Rabault. Je vais donc reprendre ces questions. À l'été 2017, vous avez charcuté le compte pénibilité. Ce dispositif, qui permet de partir à la retraite avant l'âge de 62 ans, ne concerne plus aujourd'hui que 180 000 personnes, contre 800 000 sans les modifications que vous y avez apportées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Comptez-vous, oui ou non, réintégrer les critères qui permettaient un tel nombre de départs anticipés ?
Pour les 16 millions de salariés du privé, vous envisagez de calculer le montant des pensions de retraite en fonction du revenu durant les quarante-trois années travaillées et non plus durant les vingt-cinq meilleures années. Mécaniquement, cela fera baisser le montant des pensions de 10 % en moyenne. Assumez-vous, oui ou non, cette baisse du montant des pensions de retraites des salariés du privé ? Si vous souhaitez éviter une telle baisse, comment comptez-vous faire ?
Vous souhaitez, c'est l'objet de ma troisième question, revaloriser les petites retraites – objectif que nous partageons. Pourtant, vous comptez le faire à budget constant, si bien que d'autres devront payer le surcoût. Allez-vous, oui ou non, monsieur le Premier ministre, rogner sur les droits des autres retraités afin de revaloriser les petites retraites ?
J'en viens à ma quatrième question. Dans votre système, vous prévoyez que les aides-soignantes de l'hôpital public partiront obligatoirement à la retraite à partir de 60 ans, quand elles peuvent le faire à 57 ans aujourd'hui. Confirmez-vous oui ou non cette mesure, monsieur le Premier ministre ?
Enfin confirmez-vous, oui ou non, que vous allez siphonner les réserves des régimes de retraite des professions libérales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Rabault, vous me posez un grand nombre de questions sur un projet de loi qui sera débattu à l'Assemblée nationale en temps utile.
Mme Caroline Fiat. Non, il sera retiré ! On va gagner !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . J'ai déjà indiqué que, après sa présentation en Conseil des ministres le 24 janvier, il sera examiné en séance publique à compter du 17 février.
Mme Mathilde Panot. J'espère que non !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Toutes les questions que vous posez seront donc débattues ici, comme c'est bien naturel et bien heureux. Je suis certain que vous pourrez faire valoir vos arguments à cette occasion.
D'ici là, permettez-moi de répondre aux questions précises que vous posez. J'ai bien entendu le regret que vous formulez concernant la réforme des critères de pénibilité conduite en 2017, et son impact sur le monde du travail.
Mme Valérie Rabault. Quelque 600 000 bénéficiaires en moins !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Si nous avons supprimé certains critères attachés au compte pénibilité, c'est parce qu'il nous apparaissait – à nous mais aussi à d'autres – que leur prise en compte serait une source de complexité redoutable pour les entreprises et leur fonctionnement. Madame la présidente Rabault, vous le savez aussi bien que moi, parce que cette critique a été formulée non seulement lors de la discussion du compte pénibilité au Parlement, mais aussi après la mise en œuvre de cette réforme : de nombreuses entreprises ne savaient pas comment prendre en compte ces critères. Nous avons donc choisi de conserver l'essentiel des critères de pénibilité (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SOC)…
M. Boris Vallaud. Ce n'est pas vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …et de supprimer ceux qui ne relevaient pas de la même logique. Nous avions alors indiqué que la mise en place d'un système universel de retraites, applicable à tous les Français auxquels il accorderait les mêmes droits et les mêmes devoirs, s'accompagnerait de la prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique, dans les mêmes conditions que dans le secteur privé, ce qui n'est pas le cas actuellement.
J'ajoute, madame la présidente Rabault, que nous avons indiqué – c'est du moins ma position – que nous étions prêts non pas à ajouter des critères mais à ouvrir la question des seuils d'application des critères existants. C'est notamment le cas pour le travail de nuit, ce qui n'est pas sans lien avec votre question relative aux aides-soignantes. En effet, nous savons que le travail de nuit n'est, à ce stade, pas pris en compte de manière satisfaisante dans la fonction publique. Nous avons donc indiqué aux partenaires sociaux que nous voulions avancer en la matière.
Je me permets de vous faire observer, madame Rabault, que Mme Pénicaud et moi avons ouvert ce matin une séance de discussion avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales, afin de mieux prendre en compte la pénibilité lors de la réforme du système universel de retraite.
Vous évoquez la question du minimum contributif, c'est-à-dire les petites retraites. Vous vous félicitez de cette mesure, nouvelle, qui vise à augmenter le montant, objectivement indigne, de certaines pensions versées à ceux qui ont travaillé toute leur vie. J'observe qu'à ce problème choquant, il n'a jamais été répondu dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Nous avançons de façon résolue en la matière ; je ne crois pas, madame la présidente Rabault, que, dans votre esprit, la redistribution soit un gros mot. Cette réforme, redistributive, constitue une avancée sociale pour de nombreuses personnes en situation difficile. Nous l'assumons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Je suis surpris, madame Rabault, que le terme de redistribution vous fasse peur, et que l'égalité qui accompagne forcément un système universel…
Mme Christine Pires Beaune. Il ne s'agit pas d'égalité, dans cette réforme !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …vous fasse peur, alors qu'il s'agit d'avancées majeures. Je les assume et m'en réjouis.
Concernant les aides-soignantes, je pourrais tenir le même propos. La différence de leurs situations, selon qu'elles exercent dans le secteur public ou privé, est notable. Elle nous confronte à des incongruités, qui méritent d'être relevées, dans les cas des aides-soignantes qui commencent leur carrière dans le secteur public et la finissent dans le privé, et inversement. Elles ne sont alors pas soumises au même système de retraites, alors même qu'elles ont parfois eu la même carrière et passé autant de temps dans chacun des deux secteurs. Tout cela est parfaitement choquant.
Nous créons un système universel pour que, quels que soient les changements de métier, de statut ou d'entreprise, les parcours professionnels soient d'une absolue fluidité, et que les salariés ne perdent aucun droit. Je suis certain que chacun, ici, voit bien l'intérêt de ce type de réforme.
Mme Valérie Rabault. Vous ne répondez pas du tout à la question que j'ai posée !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Concernant les recettes mises en réserve par certains régimes autonomes, j'ai répondu tout à l'heure à l'excellente question posée par votre collègue : elles seront utilisées notamment pour financer la transition de ces régimes et resteraient leur propriété. Ce choix est bien naturel et s'inscrit dans le sens général des dispositions qui régissent actuellement la propriété des réserves, lesquelles appartiennent forcément à ceux qui les ont constituées. Vous aviez posé une question précise, ma réponse, sur ce point encore, ne l'est pas moins.
Enfin, sachez que sur l'ensemble des questions que vous avez posées, les études d'impact et les autres documents fournis aux parlementaires, permettront, comme c'est bien naturel, d'éclairer le débat.
Je veux réaffirmer, pour conclure, que nous sommes déterminés…
M. Loïc Prud'homme. Nous aussi !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …à mettre en œuvre le projet sur lequel le Président de la République s'est engagé : un système de retraite universel – enfin, si j'ose dire –, par points et par répartition, lequel comportera de très nombreuses avancées et sera fondé sur un équilibre qui en garantira la pérennité à terme. Ce dernier point est d'une grande importance, car il est non seulement un élément de responsabilité, mais aussi de justice sociale.
Ce système sera présenté à l'Assemblée nationale au début du mois de février ; je suis certain qu'il donnera lieu à des débats riches et des arguments puissants. Je m'en réjouis, et les attends avec impatience. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Auteur : Mme Valérie Rabault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2020