Question au Gouvernement n° 2593 :
Retour des djihadistes français

15e Législature

Question de : M. Claude de Ganay
Loiret (3e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2020


RETOUR DES DJIHADISTES FRANÇAIS

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay.

M. Claude de Ganay. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

« Je n'ai jamais été autant épanoui idéologiquement et mentalement qu'en prison. Je vais apprendre le Coran et sortir plus fort. » C'est en ces termes que s'exprime Youssef, citoyen français de 27 ans,…

M. Pierre Cordier. C'est ennuyeux !

M. Claude de Ganay. …interrogé en prison par Hugo Micheron, chercheur à l'École normale supérieure, qui qualifie la prison d'« ÉNA du djihad ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Je ne le prends pas mal, je n'ai pas fait l'ÉNA !

M. Claude de Ganay. Pourquoi, madame la garde des sceaux, vouloir rapatrier sur notre territoire national les djihadistes français arrêtés en Syrie et en Irak ? Ce n'est pas la volonté des Français, puisque 82 % d'entre eux souhaitent que ces djihadistes soient jugés en Irak. Ce n'est pas non plus la volonté de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui rappelait il y a un mois que la position intangible de la France était de les juger sur le théâtre où ils ont combattu. Ce n'est toujours pas la volonté de l'ancien premier ministre socialiste Manuel Valls, pour qui – je cite – il s'agit d'une « erreur ». Plus qu'une erreur, ce serait faire sciemment courir un danger supplémentaire à notre société encore régulièrement ciblée par le terrorisme islamiste.

Flavien Moreau, premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie, est sorti hier de prison, où il avait, au cours de son incarcération, tenté d'agresser les surveillants avec une arme artisanale. Bien que libre aujourd'hui, il est pourtant décrit comme un leader radical charismatique dont l’engagement djihadiste n’a pas faibli.

Vous souhaitez donc rapatrier 200 adultes radicalisés, deux cents Flavien Moreau supplémentaires, la plupart formés au maniement d'armes de guerre, et les faire prendre en charge par un système judiciaire complètement submergé en matière de terrorisme.

M. Pierre Cordier. Scandaleux !

M. Éric Straumann. Combien leur surveillance coûtera-t-elle ?

M. Claude de Ganay. Le prochain idéologue en chef de Daech est peut-être actuellement incarcéré dans une de nos prisons. Madame la ministre, alors que treize de nos soldats sont récemment allés jusqu'au sacrifice ultime pour éloigner la menace djihadiste de notre territoire national, comment pouvez-vous envisager de rapatrier l'anti-France au sein d'un système carcéral qui la fera croître ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. La priorité du Gouvernement a toujours été d'assurer la sécurité de nos concitoyens dans le respect de nos principes et de nos valeurs. Les combattants de Daech dont vous parlez sont des hommes et des femmes qui ont pris la décision de rejoindre Daech, de se battre dans une zone de guerre et de combattre la France.

M. Pierre Cordier. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Ils doivent donc être poursuivis au plus près du lieu où ils ont commis leurs crimes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Francis Chouat applaudit.)

Je l'ai déjà dit ici à plusieurs reprises, notre priorité a toujours été de lutter contre l'impunité des crimes commis par ces combattants : c'est une question de sécurité, mais c'est aussi une question de justice à l'égard de leurs victimes. Certes, l'instabilité de la zone complique aujourd'hui les options disponibles à court terme, mais le principe reste le même. Notre priorité à ce stade consiste à faire appliquer la décision prise par la coalition à l'unanimité de ses membres, lors de la réunion de Washington que nous avions provoquée, afin que soit assurée une détention sûre et durable.

En revanche, les enfants concernés doivent avoir un sort différent de celui de ces combattants. Monsieur le député, je pense que vous avez confondu les deux situations dans les propos de Mme la garde des sceaux.

Les enfants n'ont pas choisi de rejoindre l'Irak et la Syrie ; ils n'ont pas choisi de rejoindre une organisation terroriste. C'est la raison pour laquelle nous considérons que les mineurs, notamment les orphelins et les mineurs isolés les plus vulnérables, doivent être rapatriés.

M. Thibault Bazin. Les enfants jusqu'à 17 ans ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Des rapatriements ont eu lieu à deux reprises, mais nous n'avons pas le contrôle effectif des territoires en question, et les opérations menées n'ont pu l'être qu'après une négociation avec les forces locales, puisque nous sommes dans une zone de guerre.

Si d'autres opportunités de rapatriements de mineurs orphelins isolés ou vulnérables se présentent, nous agirons de même. Voilà quels sont nos principes ; ils n'ont pas bougé depuis longtemps.

Données clés

Auteur : M. Claude de Ganay

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Terrorisme

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2020

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