Maintien de l'ordre public
Question de :
M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 22 janvier 2020
MAINTIEN DE L'ORDRE PUBLIC
M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis plusieurs mois que vous occupez vos fonctions, la doctrine de maintien de l’ordre, les conditions d’usage de certains équipements, la possibilité pour la presse d’exercer son métier, votre capacité à assurer la sécurité des biens et des personnes et à garantir le droit fondamental à manifester, ainsi que les instructions données par votre ministère à l’occasion des manifestations qui ne cessent d'émailler le pays, ont été non seulement interrogées, mais aussi contestées.
Je voudrais, avant toute chose, saluer l’engagement sans faille de nos forces de l'ordre – police et gendarmerie – qui exercent, pour l’immense majorité d’entre elles, leurs missions dans le respect des principes républicains.
Il n’en reste pas moins que, depuis votre prise de fonction, les incidents, les accidents et les comportements manifestement contraires à la déontologie ont été nombreux. Le nombre des personnes blessées – parfois très grièvement – depuis que vous êtes aux responsabilités est considérable et, pour tout dire, inquiétant.
Des enquêtes ont été ouvertes ; des procédures judiciaires sont en cours – c’est bien le moins, et c’est désormais l’affaire de la justice. Nous avons entendu, enfin, depuis la semaine dernière des appels à l’éthique et des rappels à la déontologie formulés par le Président de la République. « C’est l’honneur de la police qui est en jeu », comme vous l'avez vous-même rappelé.
Mais ce qui fait l’honneur de la République, monsieur le ministre, c’est que la hiérarchie prenne sa part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) On ne peut pas être chef que par beau temps, pour le meilleur et jamais pour le pire. La République ne peut pas se contenter d’enflures de ton et d’effets de manche.
Le Président de la République exprimait, pendant l’affaire Benalla, son refus de la République des fusibles. Il a instauré la République sans fusible, la République des lampistes – une République arrogante. Lorsque tous les corps intermédiaires sont discrédités, c’est la résilience de la nation qui se trouve fragilisée. L’honneur de la police est aussi dans la capacité de son chef à assumer ses responsabilités, notamment sa responsabilité politique.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, avec un bilan aussi calamiteux, comment vous comptez assumer votre responsabilité, et, au-delà, comment le Gouvernement envisage d’écouter et d'entendre autrement le peuple ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Vous n'êtes pas, monsieur le député, un nouveau parlementaire…
M. Jérôme Lambert. Non, vous avez même été collègues !
M. Christophe Castaner, ministre. …et vous avez vous-même appartenu à des majorités…
M. Christian Jacob. Comme nous !
M. Christophe Castaner, ministre . …au sein desquelles on apprend à faire preuve de modestie face aux situations et à gérer le temps. Penser que les difficultés d'ordre public seraient nées avec ce Gouvernement serait peut-être très légèrement exagéré. On peut choisir de faire des procès politiques et de dénoncer. Ce que je sais, monsieur le député, c'est que la France a connu l'année dernière 53 000 manifestations.
M. Hervé Saulignac. C'est votre bilan !
M. Christophe Castaner, ministre . Ce que je sais, c'est que, dès le 17 novembre 2018, mon premier ordre en tant que ministre de l'intérieur, fut d'envoyer policiers et gendarmes partout, notamment sur les ronds-points, pour sécuriser les manifestations. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et FI.)
La question de l'éthique n'est pas nouvelle au sein de la police. Elle se pose depuis longtemps, et est assumée de longue date par la police nationale et la gendarmerie. Elle est au cœur même de leur engagement. Parce que la police, la gendarmerie et le ministère de l'intérieur savent parfaitement que les manifestations, les violences urbaines, ou les émeutes – que toutes les majorités ont connues, il n'est pas nécessaire de le rappeler – ne sont pas un combat entre deux bandes. Nous sommes confrontés à des violences. Si la police et la gendarmerie sont les seules légitimes à utiliser la force, le corollaire de cette légitimité, c'est l'exemplarité, la proportionnalité et, en effet, la déontologie, qui est le cœur même de la formation et de l'engagement de nos forces de sécurité intérieure.
Que les choses soient claires : il peut y avoir des erreurs, voire des fautes. Elles font l'objet d'instructions – judiciaires le plus souvent, administratives dans tous les cas – et de sanctions.
M. Jean-Luc Mélenchon. Non !
M. Christophe Castaner, ministre. Il y va de l'honneur de la police que de garantir cette éthique et de lui permettre de vivre au quotidien. Telle est, monsieur le député, la réalité de l'engagement de nos forces de sécurité intérieure. Ne les caricaturez pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Serge Letchimy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2020