Question au Gouvernement n° 2615 :
Inégalités

15e Législature

Question de : M. Moetai Brotherson
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 22 janvier 2020


INÉGALITÉS

M. le président. La parole est à M. Moetai Brotherson.

M. Moetai Brotherson. Tout d'abord, 'la ora na i te matahiti apï, meilleurs vœux pour la nouvelle année ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Monsieur le Premier ministre, ce week-end, Oxfam a publié son nouveau rapport sur les inégalités mondiales, qui, d'après l'ONG, échappent à tout contrôle. En 2019, 2 153 milliardaires possédaient plus de richesses que 4,6 milliards d'entre nous, et 26 d'entre eux possédaient plus de richesses que la moitié de l'humanité, contre 43 en 2018. Les constats se répètent et les chiffres donnent le tournis, alors que, dans le même temps, la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5 euros par jour.

Meilleurs vœux donc, mais à qui ? À l'homme le plus riche du monde, désormais un Français ? Il n'en a pas besoin puisqu'il détient une fortune de 117 milliards d'euros, qui a grimpé de 41 milliards en moins d'un an.

Meilleurs vœux d'abnégation, en revanche, à tous les Français détenteurs d'un livret A, qui verront, le 1er février, le rendement de leur petite épargne diminuer encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et parmi les députés non inscrits.)

M. Laurent Furst. Mais quel est le lien ?

M. Moetai Brotherson. Pas besoin de vœux non plus au grand capital : les patrons du CAC 40 vont toucher une rémunération moyenne équivalente à 277 SMIC, tandis que les actionnaires empocheront 60 milliards d'euros. Pour quelle utilité sociale réelle ?

Meilleurs vœux de résilience, en revanche, aux 15 % de nos concitoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté et dont le mécontentement se durcit à force d'être ignoré.

L'accaparement de la richesse au profit d'une poignée de privilégiés n'est pas un signe de bonne santé, mais le signe d'un grave dysfonctionnement, que le FMI – Fonds monétaire international – lui-même pointe du doigt. En juin 2019, à Genève, le président Macron dénonçait également devant l'OIT – l'Organisation internationale du travail – les dérives « d'un capitalisme devenu fou ». Ça, c'est le discours, mais la réforme des retraites, la réforme de l'assurance chômage, la suppression de l'ISF et de l'exit tax, l'instauration de la flat tax, la baisse des APL – les aides personnalisées au logement – et la suppression des emplois aidés, ce sont les actes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. Dominique Potier applaudit également.)

Alors, la politique du Gouvernement vise-t-elle réellement à lutter contre la rapacité d'une accumulation de richesses décomplexée ? (L'orateur prononce quelques mots en tahitien. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

M. Sébastien Jumel. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Brotherson, vous avez évoqué le dernier rapport d'Oxfam et j'aimerais à mon tour aborder la question des inégalités en France. Les inégalités y sont plus faibles que dans la plupart des autres pays.

M. Pierre Cordier. C'est bien !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . Elles nous choquent pourtant, et c'est l'une des fiertés de notre pays que de ne jamais perdre de vue le principe d'égalité, inscrit dans notre devise.

Permettez-moi d'ajouter quelques éléments à ceux que vous avez présentés. Le Gouvernement agit de manière concrète pour lutter contre les inégalités : 8,5 milliards d'euros sont réinvestis dans le système social et nous avons augmenté les minimas sociaux des personnes qui ne peuvent pas reprendre le travail. Ainsi, l'AAH – allocation aux adultes handicapés – a connu une augmentation de 11 %. Le minimum vieillesse est lui aussi en hausse : il s'élève désormais aussi à 900 euros par mois. Nous assumons ces montants élevés car ils sont versés à des personnes qui ne peuvent pas retrouver un travail.

M. André Chassaigne. Vous entendez ce que vous dites ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous agissons dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, avec les départements, mais ces derniers sont malheureusement peu nombreux à le dire. Dans le cadre des conventions qu'ils ont signées avec l'État, ils ont pourtant bénéficié de crédits importants : l'État leur a alloué 135 millions d'euros en 2019 et leur consacrera 175 millions en 2020 puis 210 millions en 2021.

M. André Chassaigne. Baratin !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Il s'agit, dans tous les départements, de mieux accompagner les bénéficiaires du RSA. Actuellement, lorsqu'une personne dépose une demande de RSA, elle doit attendre trois mois pour obtenir un premier rendez-vous d'orientation et encore davantage pour bénéficier d'un véritable accompagnement – la moyenne est de 95 jours.

M. Pierre Cordier. Ça dépend des départements ! Ce n'est pas partout pareil !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Notre objectif est de mieux accompagner les bénéficiaires du RSA. Ils nous en font la demande car ils veulent vivre dignement et travailler. Nous entendons garantir leur droit à un accompagnement de qualité et nous y travaillons avec la ministre du travail, notamment en créant un service public de l'insertion. Nous irons encore plus loin avec le revenu universel d'activité. Rendons le système plus juste…

M. Jean-Paul Dufrègne. Plus injuste !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . … et plus lisible pour que nos concitoyens s'y retrouvent et que notre système de protection sociale soit véritablement efficace ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. André Chassaigne. C'est indécent !

Données clés

Auteur : M. Moetai Brotherson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Solidarités et santé (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre)

Ministère répondant : Solidarités et santé (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2020

partager