Réforme des retraites
Question de :
M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2020
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites, vos études de cas sont truquées : truquées, parce que vous avez fondé toutes vos hypothèses sur un âge d'équilibre à 65 ans pour toutes les générations à partir de 1975, alors même que la loi prévoit une augmentation de cet âge d'équilibre ; truquées, parce que vous dégradez sciemment la trajectoire du système actuel en prolongeant notamment la réforme de 2014 ; truquées, parce que la réforme modifie à la fois le niveau de cotisation et le niveau de retraite et que, pour apprécier gagnants et perdants, c'est tout le cycle de vie qu'il faudrait considérer. (M. Adrien Quatennens applaudit.)
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, vos cas-types sont faux.
Vous dites que les femmes sont les grandes gagnantes. Prenons le cas de Sylvie, née en 1990, ATSEM – agent territorial spécialisé des écoles maternelles – toute sa carrière. Vous prétendez que sa pension est identique au régime actuel si elle part à 62 ans et qu'elle gagne jusqu'à 9 % de plus si elle part à 67 ans. C'est faux, car l'âge pivot ne sera pas à 65 ans mais à 66,2 ans ; si elle part à 62 ans, elle y perdra 7 %, et ce n'est qu'à 66 ans qu'elle conservera sa situation actuelle.
M. Erwan Balanant. Mais qu'est-ce qu'il raconte ?
M. Boris Vallaud. Vous dites que votre réforme est juste. Laurent et Édouard sont nés en 2005. Laurent va commencer à travailler à 20 ans, Édouard à 25 ans. Pour tous deux s’appliquera l’âge pivot à 67 ans. Ainsi, même en travaillant quarante-trois ans, Laurent verra sa retraite subir une décote de 20 %. Il lui faudrait travailler quarante-sept ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Édouard, lui, en travaillant quarante-trois ans, aura déjà droit à une surcote de 5 %.
M. Julien Borowczyk. On n'y comprend rien !
M. Boris Vallaud. Vous dites que les enseignants seront gagnants dans la réforme. Christelle, professeur certifiée née en 1990 verra sa pension certes maintenue en valeur absolue, mais à quel prix ? Selon vos hypothèses, du seul fait de l'augmentation de la part des primes, son gain de pouvoir d'achat sera de 0,2 % par an pendant toute sa carrière, alors que le salaire moyen de l'ensemble des salariés augmentera de 1,3 % par an en pouvoir d'achat. Cela signifie que vous allez paupériser les enseignants ; sur l'ensemble de leur carrière, le salaire relatif des enseignants va baisser de plus de 30 %. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier. Eh oui, les 10 milliards, c'est sur quinze ans !
M. Boris Vallaud. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi nous ne pouvons accorder aucun crédit à votre étude d'impact. Vous ne donnez pas à la représentation nationale les moyens d'apprécier sincèrement les impacts de votre réforme. Alors retirez-la ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
M. Erwan Balanant. Vous êtes sérieux d'habitude, arrêtez de dire n'importe quoi !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites. Merci d'avoir, sans doute avec un brin de malice, donné mon prénom à l'un des cas que vous avez choisis.
M. Boris Vallaud. Je n'ai fait que reprendre vos cas d'espèce !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État . Mais mon propre parcours est plutôt représentatif de ce vieux système de retraites qui doit évoluer, car il favorise ceux qui, comme moi, ont eu des carrières ascendantes, progressives, dans une seule entreprise. La réalité du système actuel, c'est que chaque année 80 000 femmes doivent travailler jusqu'à 67 ans pour ne pas subir une décote.
M. Boris Vallaud. Je vous parle de l'étude d'impact de votre projet de loi !
M. Christian Hutin. Ce n'est pas la question !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État. La réalité du système actuel, c'est aussi que la majorité de la législature précédente, à laquelle vous apparteniez, a estimé nécessaire de voter une durée d'activité de quarante-trois ans. Cette loi porte d'ailleurs le nom de la ministre de l'époque, Mme Touraine.
Mme Sylvie Tolmont. Ce n'est pas la question !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État . Vous aviez donc vous-même tenu compte de la réalité des évolutions.
M. Olivier Faure. Ne mentez pas et répondez à la question posée !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État . Il faudrait donc, monsieur Vallaud, accepter de porter les responsabilités des lois qui viennent de chez vous, et reconnaître la réalité. Pourquoi n'êtes-vous pas capable de dire aujourd'hui : « Oui, nous avions choisi en 2014 de dire à tous les Français qu'il fallait travailler quarante-trois ans pour équilibrer le système » ? C'est vous qui l'avez dit, c'est vous qui l'avez voté !
Mme Sylvie Tolmont. Arrêtez vos effets de manche, et répondez aux questions !
M. Christian Hutin. Parlez-nous donc des caissières d'Auchan que vous avez licenciées !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État. Lorsque les cas-types de l'étude d'impact – je suis heureux d'entendre qu'ils existent, puisque l'on me disait tout à l'heure qu'elle n'était pas assez riche – sont fondés sur une entrée dans la vie active à 22 ans, avec une durée d'activité de quarante-trois ans, cela fait un départ à 65 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives exclamations sur de nombreux bancs.)
M. Patrick Hetzel. Soyez donc moins méprisant !
M. Boris Vallaud. Vous ne répondez pas aux questions !
M. Christian Hutin. Il se dérobe, monsieur le président !
M. le président. Mes chers collègues, il semblerait préférable que nous prenions l'habitude d'écouter tant les questions que les réponses. Le brouhaha ne sert pas à grand-chose !
Auteur : M. Boris Vallaud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Retraites
Ministère répondant : Retraites
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2020