Question au Gouvernement n° 2668 :
Conséquences du Brexit

15e Législature

Question de : M. Joaquim Pueyo
Orne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 5 février 2020


CONSÉQUENCES DU BREXIT

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Vendredi, pour la première fois, un État sortait de l'Union européenne. Aussi devons-nous avoir une pensée pour nos 800 élus municipaux britanniques, qui vont quitter leurs fonctions. Il convient de saluer leur engagement et leur action au service de nos communes et de leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, LR et LaREM.)

Les États membres entrent dans une phase de négociations déterminantes avec le Royaume-Uni. La question commerciale sera centrale. Michel Barnier a indiqué hier que l'accord viserait notamment à éliminer tous les droits de douane et tous les quotas sur les biens échangés avec le continent.

Nous rappelons que cet accès au marché unique ne pourra se faire aux dépens des réglementations qui protègent les consommateurs européens et l'environnement. Nous devons nous opposer à tout dumping social et fiscal aux portes de l'Europe. Certains secteurs seront particulièrement exposés. C’est le cas en Normandie, territoire dont je suis élu.

Du futur accord dépendra l'accès de notre agriculture et de nos industries, notamment agro-alimentaire, au marché britannique. Les nouvelles démarches administratives et les contrôles pourront avoir un impact sur des filières spécifiques, par exemple sur la filière équine, importante dans le département de l'Orne. Ce sont 600 chevaux qui, tous les ans, traversent la Manche.

Se posera aussi la question de l'accès des Britanniques au territoire européen. Notre attractivité touristique pourrait en pâtir, alors même que les ressortissants britanniques sont chaque année très nombreux à visiter nos régions.

À cela s'ajoute la menace tangible qui pèse sur le secteur de la pêche. En la matière, notre dépendance est réelle : 40 % de la pêche française a lieu dans les eaux britanniques. Or le gouvernement du Royaume-Uni vient de présenter un projet de loi prévoyant une ferme reprise en main de celles-ci. Hier, les eaux de Guernesey ont été interdites aux pêcheurs français.

Face à ces inquiétudes, monsieur le ministre, quelles lignes rouges la France entend-elle établir concernant les principes généraux de cette négociation, et plus particulièrement la défense de nos intérêts économiques, de l'intérêt de nos habitants, de l'intérêt des pêcheurs français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Benoît Simian applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Monsieur le député, vous nous demandez, deux jours ouvrés après le Brexit, quelles sont nos priorités et quel mandat nous confierons à Michel Barnier pour porter la parole des Vingt-sept.

Rappelons tout d'abord que c'est notre unité qui nous a permis de clarifier la situation vis-à-vis des Britanniques. C'est parce que nous avons pu, derrière Michel Barnier, parler d'une même voix que nous avons réussi à obtenir une sortie ordonnée.

Notre position concernant la future négociation est simple : nous ne serons d'accord sur rien si nous ne sommes pas d'accord sur tout. En d'autres termes, nous lions intrinsèquement les sujets de l'accord commercial : le fameux « zéro tarif douanier, zéro quota » souhaité par les Britanniques, la convergence réglementaire – nous ne pouvons pas échanger si nous ne respectons pas les mêmes règles –, et la pêche.

Concernant ces trois sujets, nous aurons besoin d'une gouvernance claire, de lisibilité et de prévisibilité, car des entreprises et des emplois sont en jeu.

Nous n'avons pas souhaité le Brexit ; aussi devons-nous impérativement protéger et défendre nos intérêts, en particulier ceux de nos pêcheurs et de nos agriculteurs. Nous ne pouvons pas non plus concéder des échanges en sacrifiant les uns pour protéger les autres. Des questions se poseront en effet dans tous les domaines : l'industrie, la défense, la sécurité, la recherche.

Je le répète, nous tenons à lier les sujets et nous ne signerons pas d'accord sous la pression du temps, ni parce que Boris Johnson nous demanderait de signer à tout prix. Avec le Royaume-Uni, nous nous engageons pour les vingt ou trente prochaines années, nous entamons une nouvelle décennie. Certains sujets sont bilatéraux, comme la défense – nous célébrerons bientôt les dix ans des traités de Lancaster House. Nous nous engageons également pour protéger la compétitivité de nos entreprises.

Concernant la pêche, l'accès aux eaux territoriales, les normes sanitaires, les normes environnementales, l'Europe ne peut pas, d'un côté, avoir de grandes ambitions, lancer un « green deal », imposer des normes sociales et une vision progressiste de l'économie sociale de marché, et de l'autre, avoir à ses portes un concurrent déloyal.

C'est pourquoi, unis derrière Michel Barnier, nous prendrons, confiants et clairs, le temps nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Olivier Becht applaudit également.)

Données clés

Auteur : M. Joaquim Pueyo

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 février 2020

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