Question au Gouvernement n° 2721 :
Mise en cause d'un manifestant à Bordeaux

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 19 février 2020


MISE EN CAUSE D'UN MANIFESTANT À BORDEAUX

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, dont je regrette l'absence. Samedi 8 février, en marge d'une manifestation à Bordeaux, un jeune homme a été frappé et violemment interpellé par des policiers. Mardi dernier, mon collègue Ugo Bernalicis a demandé au ministre des explications sur cette affaire, qui a choqué de nombreux Français. En réponse, le ministre a justifié cet excès de violence en tenant les propos suivants : « À Bordeaux, les faits sont établis. Un individu qui se lie aux black blocs se saisit de barres de fer et intervient contre nos forces de sécurité. Il a été identifié par une vue prise d'hélicoptère et par plusieurs officiers de police judiciaire ». À l'entendre, la culpabilité de cet homme ne faisait donc aucun doute.

Pourtant, après avoir passé trente heures en garde à vue, il a été relâché. Dix jours après les faits, aucune infraction ne lui a été reprochée et aucun magistrat n'a retenu de charges à son encontre. En clair, ce qui semblait parfaitement établi par le ministre ne l'est visiblement pas du tout par la justice ! Tout porte donc à croire que le ministre n'a pas dit la vérité, et cette légèreté de sa part n'est pas anecdotique : c'est une méthode politique.

Sous la Ve République, les pouvoirs conférés au Président de la République et à l'exécutif sont énormes et disproportionnés, au détriment du Parlement. Chaque semaine, cependant, la séance de questions au Gouvernement apporte un léger rééquilibrage institutionnel, le Gouvernement devant rendre des comptes à la représentation nationale qui l'interroge.

M. Christian Hutin. Rééquilibrage très léger…

M. Alexis Corbière. En ne disant pas la vérité et en refusant de répondre avec rigueur et retenue aux questions qui lui sont posées, le ministre a piétiné la souveraineté populaire. Je laisse la possibilité à un membre du Gouvernement de revenir sur les affirmations de M. Castaner et de reconnaître ces contrevérités, sans quoi la République serait une nouvelle fois piétinée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Vous faites allusion, monsieur Corbière, à la déclaration que M. Castaner, ministre de l'intérieur, a faite à ce même micro la semaine dernière, à propos de ce qui s'était passé le samedi précédent à Bordeaux, lors d'une manifestation dont je répète qu'elle fut émaillée de violences importantes – nouvelles prises à partie des forces de police, nouvelles tentatives de dégradation du mobilier urbain et de commerces. Notre dispositif est tout à fait adapté : il permet de repérer les fauteurs de troubles, y compris sur des images filmées par hélicoptère, comme ce fut le cas ce jour-là. Or il se trouve que la personne interpellée, qui se dissimulait parmi les badauds, avait été identifiée comme l'un des fauteurs de troubles.

M. Ugo Bernalicis. Comment l'avez-vous identifiée si elle se dissimulait ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Christophe Castaner n'a fait que répéter à ce micro le motif de l'interpellation par les policiers : l'individu a été interpellé et conduit devant la justice, comme de nombreuses autres personnes également poursuivies ce même jour. Il se trouve qu'il a été placé en garde à vue. Il ne m'appartient pas plus qu'à Christophe Castaner de commenter la décision d'un juge, qui a considéré que les charges pesant sur cette personne étaient insuffisantes.

M. Ugo Bernalicis. Il ne s'agit pas d'un juge !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. C'est son droit, et c'est la justice de notre pays, de même qu'il appartenait aux fonctionnaires de police d'interpeller un individu vu en train de commettre des violences.

M. Loïc Prud'homme. Non, pas comme ils l'ont fait !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Voilà ce qu'est la justice : l'action administrative de la police consiste à interpeller des individus qui sont ensuite traduits devant la justice.

M. Ugo Bernalicis. C'est une action judiciaire, pas administrative ! Il s'agit de flagrance !

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Lorsque les charges sont insuffisantes, il peut en effet arriver qu'aucune poursuite ne soit intentée.

Je vous confirme que, tous les samedis, les forces de l'ordre interpellent des individus qui sont traduits en justice puis généralement reconnus coupables et condamnés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Vous venez d'indiquer que les charges ne permettent pas de poursuites judiciaires, mais vous assumez la déclaration de M. Castaner selon laquelle les faits sont établis : quel exercice effrayant du point de vue du droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 février 2020

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