Question au Gouvernement n° 2744 :
Retraites des agriculteurs

15e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 26 février 2020


RETRAITES DES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Cette année, le Salon de l'agriculture, c'est une alerte et un appel.

L'alerte provient du 1,3 million d'agriculteurs et de paysans qui, s'ils n'ont pas de patrimoine, vivent leur retraite dans des conditions indignes. Les réponses que nous avons entendues ne sont pas satisfaisantes. Elles ne peuvent pas l'être. Afin d'établir la vérité des faits, je voudrais rappeler que les groupes communiste et socialiste ont proposé tout un panel de processus législatifs – je pense à la proposition Peiro, à la proposition Chassaigne. Nous proposons des solutions de financement dans nos amendements. J'en citerai deux. L'une vise à augmenter la part de solidarité de ceux que vous exonérez aujourd'hui de cotisations ; il y a là des marges de manœuvre importantes. L'autre consisterait tout simplement à taxer les revenus du capital : 3 % du produit de cette taxation suffiraient à assurer la dignité des retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mme Maud Petit proteste.) Dans l'état de fracturation où se trouve notre société, il n'est pas possible que les propositions du Parlement, réuni pour débattre de cette question, se heurtent à une fin de non-recevoir. Ce serait un diktat du Président de la République.

Après l'alerte, j'en viens à l'appel. Aujourd'hui, un tiers des agriculteurs vont partir en retraite dans les cinq ans, la moitié dans les dix ans. S'il n'y a pas de relève, si la libéralisation du marché foncier se poursuit, nous assisterons à la destruction des emplois, de la valeur économique, de la valeur écologique telle que l'a définie le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC. (Mme Valérie Rabault et M. Boris Vallaud applaudissent.) Il nous faut donc garantir cette relève. Cela passe par une régulation des marchés aux échelons national, européen et international, par un partage du foncier.

Nous étions ce matin dix-huit organisations, dont les cinq syndicats agricoles, neuf organisations non gouvernementales et trois organisations de territoires. Il y avait là Jean-Michel Clément, Jean-Bernard Sempastous. Nous vous garantissons le soutien de 80 % du Parlement, tous bords confondus : faites cette loi foncière ! Sans justice foncière, pas de relève agricole, et pas d'agro-écologie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Vous me permettrez de répondre à la deuxième partie de votre intervention, qui portait, si j'ai bien compris, sur la question foncière. Je voudrais saluer – et ce n'est pas seulement pour vous faire plaisir – le travail que vous faites, avec un certain nombre de vos collègues, sur ce sujet qui nous préoccupe autant que vous.

Reconnaissons tout d'abord que ce que l'on appelle l'accaparement des terres ou la question foncière n'est pas un phénomène tout à fait nouveau. C'est d'ailleurs pour cela que nos aînés, il y a cinquante ou soixante ans, avaient décidé de se doter d'outils de régulation. L'agrandissement des exploitations n'est pas non plus une nouveauté : il a résulté progressivement de la mécanisation, de la quête de productivité. Le fait nouveau que vous avez raison de signaler, c'est que l'organisation des exploitations, parfois le dévoiement des lois, donnent à cet agrandissement un caractère parfois démesuré.

Des éléments sont sur la table : le ministre de l'agriculture a décidé de lancer des groupes de travail, auxquels vous participez, sur un certain nombre des sujets que vous mettez en évidence.

M. Dominique Potier. Nous n'y sommes pas associés !

M. Marc Fesneau, ministre. Vous pouvez y contribuer, puisque des contributions sont prévues. Cela permettra de travailler sur les questions de fiscalité, de transmissibilité des exploitations, ainsi qu'à des outils de régulation plus en adéquation avec la situation actuelle, puisque sont en train de se créer des sociétés qui peuvent essayer de dévoyer les choses.

La question foncière est une question centrale, mais non la seule qui se pose en matière d'installation des agriculteurs. Vous le savez : avant toute chose, il faut leur garantir un revenu, essayer de faire en sorte que les exploitations puissent être reprises dans les conditions nécessaires à leur viabilité économique. La deuxième question est celle de la transmissibilité des exploitations, qui ne se limite pas à l'aspect foncier. Il y a des outils de production qui ne sont pas adaptés, et c'est sans doute sur ce point que nous aurons besoin de sociétés de portage.

Enfin, nous croyons qu'une politique agricole commune, la PAC, est nécessaire en vue d'accompagner les transitions de l'agriculture d'une manière claire pour les agriculteurs. Nous avons besoin d'informations à moyen et long terme en matière de transition écologique et d'agro-écologie. Il s'agit non seulement de la question foncière, mais de redonner confiance aux agriculteurs français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : régime agricole

Ministère interrogé : Relations avec le Parlement

Ministère répondant : Relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 2020

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