Question au Gouvernement n° 2766 :
Situation à Idlib et crise migratoire

15e Législature

Question de : M. Pieyre-Alexandre Anglade
Français établis hors de France (4e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020


SITUATION À IDLIB ET CRISE MIGRATOIRE

Mme la présidente. La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. J'associe mes collègues Sandrine Mörch et Nicole Trisse à cette question qui s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Après les raids syriens meurtriers contre Idlib, la Turquie a décidé de laisser partir vers l'Europe les réfugiés dont elle a la responsabilité depuis l'accord de 2016. Face à l'ampleur de la crise humanitaire en Syrie et face au chantage cynique et indigne du président turc, l'Europe tout entière est mise à nouveau au défi. En Syrie, la situation reste extrêmement grave et préoccupante. L'action de la France a été déterminante ces dernières années pour résoudre ce conflit, mais le martyr insoutenable des habitants d'Idlid exige une voix et une action européennes fortes et cohérentes.

Dans le même temps, à nos frontières européennes, notamment en Grèce, les menaces inqualifiables auxquelles nous assistons depuis quarante-huit heures constituent une atteinte à la souveraineté de l'Europe, et une atteinte manifeste à la dignité d'enfants, de femmes, d'hommes. Nous ne pouvons pas nous résoudre à les voir utilisés comme une vulgaire marchandise dans une provocation infamante ; nous ne le devons pas ! Ce sont les valeurs et la crédibilité de l'Europe qui sont défiées.

Cette situation illustre à nouveau le fait qu'aucun pays ne peut relever seul ces défis. Parce que les pays membres de l'Union européenne continuent trop souvent d'agir en ordre dispersé, la lutte contre l'immigration illégale manque d'efficacité et l'accueil des réfugiés manque d'humanité. Nous ne pouvons plus accepter de déléguer notre politique migratoire à des États tiers, comme nous ne pouvons plus accepter que certains égoïsmes nationaux entravent la réforme de la politique d’asile ou de Frontex, l'agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes.

Chacun sait que l'absence d'une politique migratoire européenne efficace a provoqué des clivages profonds et qu'elle a eu des effets dramatiques. Elle a fait de la Méditerranée un cimetière, une honte qui restera parmi les pages les plus sombres de l'Europe. Un peu partout en Europe, elle a provoqué des séismes politiques de forte intensité.

Monsieur le ministre, pour nous, Européens, cette crise est un test. Je sais la détermination totale du Président de la République et de ce Gouvernement à faire entendre la voix de la France auprès de ses partenaires européens pour mettre un terme au martyre d'Idlib et résoudre la situation migratoire à la frontière grecque de l'Union européenne. Pouvez-vous nous dire quelle position la France entend adopter avec ses partenaires pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous avez raison de souligner que les intérêts et les valeurs de l'Europe sont directement en jeu dans la crise qui se déroule à Idlib.

M. Jean-Paul Lecoq. Et la lutte contre le terrorisme, vous n'en parlez pas ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Tout d'abord parce que les populations civiles souffrent les premières dans des conditions extrêmes, otage d'un jeu condamnable de puissances cyniques.

M. Jean-Paul Lecoq. Il n'y a plus de terroristes à Idlib : êtes-vous sûr de cela ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Ensuite, parce que si cette offensive se poursuit, cela fait peser un risque de dispersion des éléments terroristes qui se trouvent à Idlib. Enfin, dans le contexte de l'offensive en cours, les décisions de la Turquie ont des conséquences migratoires très négatives pour la Grèce et les pays riverains, en particulier la Bulgarie.

Depuis le début de cette crise, les Européens n'avancent pas « en ordre dispersé ». Ils ont déjà eu l'occasion d'affirmer une position unique lors du Conseil européen du 20 février dernier au niveau des chefs d'État et du Gouvernement. Au niveau des ministres des affaires étrangères, nous avons élaboré l'agenda d'une désescalade qui puisse répondre à la foi à la situation immédiate, par l'ouverture des accès humanitaires, par le retour au dispositif de Sotchi, par le respect par la Turquie des engagements pris en septembre 2016.

Nous avons aussi décidé ensemble de nous réunir, vendredi, entre ministres des affaires étrangères, après qu'aura eu lieu, demain, la réunion des ministres de l'intérieur, pour élaborer, en réponse à la demande des Grecs, des positions communes de soutien pratique et concret face aux difficultés que rencontre ce pays. Nous serons amenés à les faire connaître à l'issue de ces réunions.

Au-delà de cela, il faut revenir à la cause c'est-à-dire à la crise en Syrie. La réponse à cette crise ne pourra pas être militaire ; elle ne pourra être que politique. Il importe que le comité constitutionnel syrien, aujourd'hui en panne à Genève, puisse se réunir pour ouvrir des perspectives plus sereines.

Données clés

Auteur : M. Pieyre-Alexandre Anglade

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Immigration

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020

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