Commission d'enquête sur l'étude d'impact relative à la réforme des retraites
Question de :
M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020
COMMISSION D'ENQUÊTE SUR L'ÉTUDE D'IMPACT RELATIVE À LA RÉFORME DES RETRAITES
Mme la présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Monsieur le Premier ministre, après l'échec, en commission spéciale puis en séance publique, de l'examen du projet de loi relatif à la réforme des retraites, trente-neuf articles, vingt-sept habilitations à légiférer par ordonnance et des centaines d’amendements n’auront fait l'objet d'aucun examen de fond. Nul ne peut sérieusement prétendre aujourd'hui que la représentation nationale est correctement informée des tenants et des aboutissants de cette réforme importante, une telle information relevant pourtant d'une obligation constitutionnelle. Il est regrettable que vous ayez préféré la démocratie expéditive au débat de fond.
Demain, à dix heures trente, la commission des affaires sociales examinera la proposition de résolution du groupe Socialistes et apparentés tendant à la création d’une commission d’enquête sur la sincérité de l’étude d’impact – une étude critiquée par le Conseil d'État, les organisations syndicales et la plupart des analystes, y compris des économistes jadis proches de vous qui prennent aujourd'hui leurs distances. La recevabilité juridique de cette proposition ne fait aucun doute, et il est d’usage républicain d’accepter comme un droit fondamental de l’opposition la création d'une telle commission d'enquête. Celle-ci permettrait d’éclairer utilement la représentation nationale, toute la représentation nationale.
J’entends pourtant dire dans vos rangs et parmi vos ministres que le Gouvernement et la majorité pourraient être tentés d’y faire obstacle. Ce serait une décision grave et funeste pour notre démocratie parlementaire, et une vilenie supplémentaire faite aux Françaises et aux Français.
Monsieur le Premier ministre, comme chef du Gouvernement et dans le respect de la séparation des pouvoirs, mais surtout comme chef de la majorité – que vous venez souvent voir à l'Assemblée –, pouvez-vous nous assurer que nos craintes ne sont pas fondées et que vous ferez tout votre possible pour que ce droit fondamental du Parlement soit respecté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mmes Valérie Beauvais et Frédérique Meunier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez sur un sujet qui sera évoqué demain en commission des affaires sociales. Vous commencez par exprimer le sentiment qu'en faisant usage d'une disposition constitutionnelle, le Gouvernement méconnaît le rôle du Parlement ; c'est un avis qui vous appartient. Mais immédiatement après avoir ainsi regretté la façon dont le Gouvernement traiterait, si j'ose dire, la représentation nationale, vous demandez au chef du Gouvernement de se prononcer sur une question qu'il appartient à la commission des affaires sociales de trancher souverainement. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Votre agilité intellectuelle me laisse pantois ! Vous avez, par le passé, cautionné six fois l'usage de l'article 49, alinéa 3, et vous voilà aujourd'hui qui critiquez un gouvernement qui y recourt pour la première fois !
M. Christian Hutin. Ce n'est pas la question !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous accusez le Gouvernement de s'immiscer dans les affaires du Parlement et de ne pas respecter ses droits, mais vous me demandez ce que le Gouvernement pense d'une question qu'il appartient au Parlement de trancher ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Monsieur le député, soyons sérieux ! Les commissions d'enquête, vous le savez, font l'objet de dispositions précises ; une discussion juridique peut se nouer et se nouera.
M. Christian Hutin. Vous opposerez-vous, oui ou non, à la création de la commission d'enquête ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Demain, la décision sera prise par les députés membres de la commission des affaires sociales, et c'est très bien ainsi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Cyrille Isaac-Sibille. Bravo !
M. Olivier Marleix. Quelle hypocrisie, monsieur le Premier ministre ! Vous êtes le chef de la majorité !
Mme la présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. Monsieur le Premier ministre, je ne me serais pas permis cette question si je n'avais pas eu des confidences – que certains ministres présents dans l'hémicycle déplorent peut-être – sur les intentions du Gouvernement. Je m'en fais l'écho. J'aurais été heureux d'être rassuré, mais je ne le suis pas à cet instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Jean-Charles Colas-Roy. Lave-toi les oreilles !
Auteur : M. Boris Vallaud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020