Lutte contre l'épidémie au sein des entreprises
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 19 mars 2020
LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE AU SEIN DES ENTREPRISES
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Monsieur le Premier ministre, le 14 mars, le ministre des solidarités et de la santé a dressé dans un arrêté la longue liste des établissements ne pouvant plus accueillir du public. Dans le même arrêté, il a établi la liste des activités qui, faisant exception, sont autorisées. Un cran au-dessus, le Président de la République a lancé un appel à la population : « Si vous voulez nous aider, il faut rester chez vous. » Pourtant, le 18 mars, la ministre du travail s'est inquiétée d'un recours, prétendument abusif selon elle, au chômage partiel, et le ministre de l'économie et des finances a exhorté tous les salariés des entreprises qu'il a qualifiées d'essentielles à se rendre au travail. Or il n'a jamais été indiqué dans les arrêtés ce qui relevait des activités essentielles.
Ces injonctions contradictoires créent de la confusion et méritent des précisions. Dans certaines entreprises, par exemple dans l'industrie automobile, la mobilisation des syndicats a permis une mise à l'arrêt de l'activité. Leurs salariés peuvent donc désormais se confiner, sans qu'aucun préjudice ne soit porté aux intérêts de la nation. Une question se pose donc : qui décide de ce qui est essentiel ou non ? Ce sujet ne saurait être tranché uniquement par une poignée de membres de l'exécutif.
La situation sanitaire requiert une large mobilisation humaine et sociale : les travailleurs doivent se réunir dans les lieux de production pour en débattre dans les meilleures conditions sanitaires ; la communauté scientifique, les groupes politiques et, surtout, les salariés, doivent être associés. Une fois définies les activités essentielles, il faut garantir la protection des travailleurs, en association avec les principaux intéressés. Je pense notamment aux éboueurs d'Otus, dans mon département de Seine-Saint-Denis, qui ont exercé hier leur droit de retrait car ils n'avaient ni masques, ni moyen de se laver correctement les mains.
Monsieur le Premier ministre, comment le périmètre des activités essentielles est-il défini ? Accepteriez-vous d'associer à cette définition d'autres parties, comme les syndicats ou la communauté scientifique ? Enfin, comment comptez-vous assurer la protection de nos héros, qu'ils soient en blouse blanche, en bleu de travail ou en gilet fluorescent ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous remercie pour votre question, qui permet de clarifier la situation. L'arrêté pris dimanche interdit certaines activités, comme l'ouverture des bars et restaurants : tout le monde connaît la liste. Tous les salariés de ces secteurs sont évidemment automatiquement en chômage partiel. En matière de travail, ce qui n'est pas interdit est de fait autorisé. Mais je voudrais que tout le monde prenne bien conscience que nous sommes très interdépendants en matière de continuité sanitaire : nous soutenons tous les soignants qui, dans cette guerre, sont au front, mais il faut qu'à l'arrière –pour poursuivre dans le langage militaire –, les activités continuent.
Les Français ont besoin de produits alimentaires et de nettoyage ; ils ont besoin d'internet pour suivre l'école depuis la maison et télétravailler ; ils ont besoin d'électricité et de transports. Je ne déclinerai pas toute la liste de leurs besoins mais, lorsque l'on regarde de bout en bout, il n'y a pas de métier qui soit inutile à la nation. Je voudrais donc à mon tour saluer les auxiliaires de vie, les caissières, les chauffeurs-livreurs, les éboueurs, tous ceux qui, par leur travail, contribuent à l'action de la nation et au soutien de nos soignants.
Mais – et nos opinions vont là se rejoindre – cela ne saurait se faire à n'importe quel prix : il n'est pas question de mettre en danger la protection des salariés. Ma première priorité est de sauvegarder l'emploi, c'est pourquoi nous avons prévu un important plan de chômage partiel, comme la France n'en a encore jamais connu ; mais, ex aequo avec celle-ci, mon autre priorité est la protection des salariés. Ce matin, j'ai appelé solennellement toutes les entreprises qui ne l'ont pas encore fait à réunir aujourd'hui leur comité social et économique ou leur commission santé, sécurité et conditions de travail, pour discuter des conditions de protection et de l'organisation du travail.
Si le travail doit continuer, il doit également changer : nous devons travailler autrement pour assurer la protection des salariés. Peut-être le travail sera-t-il dégradé, ralenti, incomplet, si les équipes ne se croisent pas et que les distances sont plus grandes en raison d'une nouvelle organisation des transports ; reste qu'il est essentiel. J'en appelle donc à la responsabilité des employeurs : nous faisons un point téléphonique tous les jours avec les organisations syndicales et patronales, et le message, aujourd'hui, est de discuter au sein des entreprises pour organiser le travail tout en protégeant les salariés.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2020