Stratégie de sortie du confinement
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2020
STRATÉGIE DE SORTIE DU CONFINEMENT
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Hier soir, le Président de la République s'est adressé à tous les Français pour leur annoncer qu'à partir du 11 mai, le Gouvernement allait organiser la réouverture des écoles et qu'« il s'agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler ». La date du 11 mai apparaît donc comme le début de la fin du confinement actuel. Il s'agit d'une stratégie à risque et hasardeuse, qui soulève de nombreuses questions.
D'abord, comment cette date a-t-elle été fixée ? Quel est l'avis du conseil scientifique, qui n'a même pas été évoqué hier soir par le Président de la République ? Pourquoi aucun débat contradictoire sur la pertinence de cette échéance et sur la planification du dispositif sanitaire qui l'accompagnerait n'a-t-il été organisé à l'Assemblée nationale ? Cet ultraprésidentialisme de la parole ne correspond pas, selon moi, aux nécessités de la période actuelle, ni au contexte de crise politique.
Surtout, quels outils utiliserez-vous pour éviter la propagation massive d'une deuxième vague de l'épidémie, dont les risques seraient importants ? Pourquoi n'envisagez-vous pas de généraliser les tests sérologiques, en les proposant en premier lieu à ceux qui sont invités à reprendre leur activité professionnelle ? Pourquoi limiter les tests à ceux qui présentent des symptômes, alors que l'on peut, nous le savons tous, être porteur du virus de façon asymptomatique ?
Pourquoi faire courir des risques aux enseignants, au personnel des écoles et aux enfants ? Vous êtes incapable de dire dans quelles conditions sanitaires l'accueil scolaire pourra avoir lieu. Sans tests ni masques, qui enverra ses enfants à l'école, si ce n'est ceux qui y sont contraints par des raisons professionnelles ?
Pourquoi faire courir des risques à tous les salariés ? Actuellement, 30 % d'entre eux continuent à se rendre sur leur lieu de travail, et les employeurs ne sont pas capables de leur assurer à tous une protection satisfaisante. Vous n'avez d'ailleurs toujours pas défini quels étaient les secteurs dits essentiels.
Bref, on a le sentiment que vous répondez à une injonction du MEDEF,…
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ben voyons !
M. Alexis Corbière. …qui nous dit « business d'abord », alors que les Français aspirent à la santé d'abord.
Avouons-le, vous avez commis beaucoup d'erreurs depuis le début de cette crise. Nombre de déclarations gouvernementales ont été erronées ou contredites par les faits. Pouvez-vous nous en dire plus sur la date du 11 mai ? Sachez qu'il règne dans le pays une grande méfiance vis-à-vis de cette décision : le sentiment est que votre objectif est avant tout de faire repartir au travail beaucoup de nos concitoyens sans que les conditions sanitaires requises soient encore réunies.
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Si le Président de la République n'avait pas fixé de date, vous n'auriez pas manqué de l'en féliciter – je n'en doute pas une seconde – et vous ne nous auriez pas demandé quand nous comptions répondre aux interrogations des Français en leur donnant des perspectives… Puisque vous m'interpellez en mettant en question le choix de cette date, sachez qu'il ne s'agit en aucun cas de suivre une logique purement économique, contrairement à ce que laisse entendre le raccourci que vous opérez entre deux segments de phrase prononcés par le Président de la République.
J'ai bien écouté le Président. Il a commencé par évoquer des inégalités sociales insupportables ainsi que le rôle fondamental de l'école pour assurer la formation des enfants, leur transmettre un apprentissage et leur permettre d'évoluer en société. Je suis sûr que vous êtes sensible à ces arguments, monsieur Corbière. (M. Alexis Corbière acquiesce.) Il a également souligné la nécessité de rendre aux Français la possibilité de retrouver des perspectives de développement social, économique et, demain, culturel. Il a enfin annoncé que certaines activités – restaurants, bars, etc. – seraient exclues de la reprise qui interviendra le 11 mai.
Le Président de la République a donc posé un cadre général, fixé une date et donné un cap, que chacun ici a salué – comme en témoigne par exemple la question posée par Mme Kuster. Le Premier ministre a quant à lui exposé de façon détaillée les conditions qui doivent désormais être remplies pour nous permettre de tenir ce cap.
Le débat parlementaire aura lieu. D'abord, nous échangeons toutes les semaines dans l'hémicycle. En outre, il y aura notamment un débat sur l'utilisation d'un outil numérique au service de la lutte contre la propagation du virus sur le territoire national. Le Président de la République l'a également indiqué hier.
S'agissant des tests, j'ai déjà répondu à deux reprises. Même si nous disposions de 60 millions de tests PCR, tester l'ensemble de la population à une date donnée ne dirait rien de son état de santé au lendemain du dépistage. Les tests ne constituent pas l'alpha et l'omega de la politique sanitaire. Il convient en revanche de tester les personnes symptomatiques et les personnes contacts. C'est ce que recommande l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et c'est ce que font tous les pays les plus avancés en la matière.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2020