Incidents lors d'opérations de maintien de l'ordre
Question de :
M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2020
INCIDENTS LORS D'OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE L'ORDRE
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. « Un bicot comme ça, ça nage pas ! » ; « Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied ! » Ces insultes racistes ont été prononcées par des policiers, à l’Île-Saint-Denis, à propos d’un homme qui les avait fuis en se jetant dans la Seine. Dans ce contexte gravissime, il est de mon devoir d'interroger à nouveau le ministre de l'intérieur au sujet des violences policières, lesquelles sont dénoncées depuis des années par les habitants et les associations des quartiers populaires.
Je veux le dire dans cette assemblée : il y a un problème dans la police nationale, un problème persistant de violences disproportionnées, de racisme et d’impunité. Cette fois, le ministre de l'intérieur a réagi vite, mais il a trop botté en touche face au problème, expliquant par-ci les violences en blâmant leurs victimes, les réduisant par-là à des cas particuliers quand elles étaient trop indéniables.
Moi aussi, j’aimerais me dire qu’elles sont le fait d’individus isolés, déviants. Ce serait plus simple, mais c’est faux. Les rires de contentement, glaçants, que l'on entend dans cette vidéo et le silence qui les entoure, à commencer par celui du commissaire présent, en montrent l’affreuse banalité, de même que la liste interminable des violences recensées depuis le début du confinement : Sofiane, Ramatoulaye, Mohamed et tant d’autres ont subi des violences graves, verbales et, souvent, physiques. C’est le résultat d’une politique et d’une violence trop longtemps tolérée, voire couverte, au sein de cette institution.
Car les bicots qui ne savent pas nager, les jeunes des quartiers trop indisciplinés, les noires trop agressives, les fous trop dangereux ou trop gros, après les manifestants trop contestataires, ce ne sont pas des excuses ; ce sont des stéréotypes et des prétextes discriminants.
Pourtant, il y aurait tant à faire pour redonner sens à la police républicaine, la réinventer. Ce serait un message encourageant adressé aux très nombreux policiers qui y tiennent. Manifester la plus haute exigence envers la police, c'est aussi lui témoigner qu'elle est de la plus haute importance. Il faut commencer par reconnaître la réalité et l’ampleur de ces violences ; ne plus se servir de la police pour imposer un système social injuste ; se mettre enfin à former et à recruter autrement ; revenir à une vraie police de proximité.
Ma question est donc simple : dites-vous, comme moi, qu’il y a un problème grave ? Si oui, comment allez-vous y mettre fin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Comme vous le savez, monsieur Coquerel, la police intervient pour faire respecter la loi, dans un cadre strictement défini par la loi. Elle peut, dans ce cadre, faire usage de la contrainte et de la force. C'est bien pour cela que nous exigeons – et que les textes exigent – que son action soit toujours proportionnée, encadrée, justifiée. C'est pour cela que nous exigeons une grande responsabilité et beaucoup d'exemplarité.
Les propos auxquels vous faites allusion ont été tenus à l'Île-Saint-Denis – comme vous, je connais bien la Seine-Saint-Denis et cette commune. Ce sont des propos racistes, totalement inacceptables, qui ont été prononcés après une interpellation pour un vol en réunion. Je vous le rappelle, le ministre de l'intérieur les a fermement condamnés le soir même, dans un tweet, en rappelant qu'il n'y avait pas de place pour le racisme dans la police républicaine. L'Inspection générale de la police nationale a été immédiatement saisie par le préfet de police de Paris. Et, lorsque les fonctionnaires ont été identifiés, celui-ci a très rapidement adressé une demande de suspension au directeur général de la police nationale, après accord du ministre de l'intérieur et de moi-même.
Je le redis devant la représentation nationale : le racisme n'a pas sa place dans la police nationale ; c'est un délit. Comptez sur la fermeté et l'engagement du ministre de l'intérieur et sur les miens pour qu'il y ait enquête chaque fois que de tels propos seront tenus ou de tels comportements adoptés et, bien évidemment, pour qu'il y ait sanction si les faits sont confirmés.
Toutefois, je ne peux ni ne veux vous laisser dire que de tels comportements sont généralisés dans la police nationale. Ces faits risquent certes de ternir son image, mais c'est bien pour cela que nous réagissons avec beaucoup de fermeté. La police nationale est une institution exceptionnelle qui accomplit des missions exceptionnelles pour la sécurité de nos concitoyens, souvent au péril de la vie de ses agents. En cet instant, j'ai une pensée pour les deux motards de la direction de l'ordre public et de la circulation de la préfecture de police de Paris qui ont été renversés par un individu lundi dernier. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.)
M. Bruno Millienne. Et de cela, vous ne parlez pas, monsieur Coquerel !
Mme Constance Le Grip. Eh oui !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État . Vous le savez, le parquet national antiterroriste a été saisi.
La police est le corps le plus contrôlé dans la fonction publique d'État. Il y a systématiquement des investigations, des enquêtes et des sanctions quand il y a faute. Ces fautes sont heureusement rarissimes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Constance Le Grip applaudit également.)
M. Jean-Michel Fauvergue. Très bien !
Auteur : M. Éric Coquerel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Ministère répondant : Intérieur (M. le secrétaire d'État auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2020