Question au Gouvernement n° 3054 :
Lutte contre la fraude à l'activité partielle

15e Législature

Question de : M. Boris Vallaud
Landes (3e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 3 juin 2020


LUTTE CONTRE LA FRAUDE À L’ACTIVITÉ PARTIELLE

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Madame la ministre du travail, après des alertes des organisations syndicales, ces dernières semaines, le cabinet Technologia a fait paraître il y a quelques jours une étude suggérant que le chômage partiel faisait l'objet de nombreux abus. Chacun mesure la nécessité de ce dispositif, que nous souhaitons pour notre part voir prolongé.

Mais plus de la moitié des 2 720 élus et responsables syndicaux interrogés indiquent que de très nombreux salariés en chômage partiel auraient continué à travailler : 24 % d’entre eux auraient poursuivi leurs tâches à la demande de l’employeur, tandis qu’un quart indiquent que d’autres salariés ont travaillé de leur propre chef, par crainte de perdre leur emploi par la suite. Il n’y a évidemment pas là d’intention maligne, mais la vérification du fait que les salariés ne travaillent pas relève de la responsabilité de l’employeur. Enfin, certains salariés ont dénoncé des horaires de travail qui ne correspondaient pas du tout à la réalité du chômage partiel tel que déclaré.

Ces chiffres nous choquent par leur ampleur : le soutien de la nation à ces entreprises et à leurs salariés est un pacte avec les Français ; il serait grave qu’il y soit porté atteinte. Nous savons aussi que les entreprises ont dû s’adapter à l’ampleur de la crise, qu’il était difficile de mesurer en amont.

Le ministère du travail a lancé, par l’intermédiaire des DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi –, une grande campagne de contrôle. Ses résultats corroborent-ils ceux de l’étude que je viens de citer ? Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale la part des abus intentionnels, manifestes, et celle des négligences ou des erreurs d’employeurs de bonne foi ? J’aimerais enfin connaître les intentions du Gouvernement en cas d’abus constaté : envisagez-vous de demander le remboursement des sommes perçues et d’engager des poursuites ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Un consensus s’est dégagé sur le sujet : le dispositif de chômage partiel massif, immédiat, systématique était nécessaire, et il a été très utile pour préserver des millions d’emplois.

M. Fabien Di Filippo. Il fallait continuer de manière plus sélective.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Plus d’un million d’entreprises, parmi les 1,3 million d’employeurs, l’ont utilisé ; 10 à 12 millions de salariés auront été concernés ; 8,6 millions l’étaient encore à la fin du mois d’avril. Nous attendons les chiffres du mois de mai, qui devraient montrer une décrue.

M. Fabien Di Filippo. La stratégie du Gouvernement était mauvaise !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . Un dispositif aussi massif, aussi efficace, aussi rapide, aussi systématique – et, encore une fois, préserver l’emploi était notre objectif premier – imposait de choisir la confiance a priori ; celle-ci n’exclut pas, et rend même indispensable, le contrôle a posteriori. Nous sommes dans cette seconde phase, tout en accompagnant encore la reprise de l’activité par le chômage partiel.

Il y a un mois, nous avons commencé un plan de contrôle assez systématique – nous avons nous aussi reçu des alertes, mais il était de toute façon prévu. Des dizaines de milliers de contrôles sont programmés. Les premiers résultats nous montrent, pour une partie non négligeable, des erreurs de la part des entreprises : la plupart d’entre elles n’avaient jamais recouru au chômage partiel, et elles ont pu se tromper dans la manière de calculer. Nous leur demandons seulement le remboursement : le droit à l’erreur existe.

Il y a aussi des fraudes. Or il s’agit de l’argent des Français, et de tels abus intentionnels risquent de miner la confiance dans un dispositif très protecteur. Le droit du travail est très précis : des sanctions administratives – amende allant jusqu’à 30 000 euros par emploi, interdiction de percevoir des aides publiques pendant cinq ans – sont possibles, mais aussi des sanctions pénales.

Les comités économiques et sociaux – CSE – des entreprises, comme des salariés, nous alertent, et ces alertes sont systématiquement examinées. Par ailleurs, des recoupements de données administratives nous permettent d’établir des présomptions. En particulier, il y a un risque d’abus concernant le télétravail : c’est l’une de nos cibles prioritaires.

Données clés

Auteur : M. Boris Vallaud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2020

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