Question au Gouvernement n° 3146 :
Protection des actifs stratégiques

15e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 25 juin 2020


PROTECTION DES ACTIFS STRATÉGIQUES

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. Pierre Cordier. Il est parti au Havre !

M. Dominique Potier. Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, l'a dit : l'Europe doit cesser d'être naïve, d'être l'idiot utile de la mondialisation, pour reprendre une formule déjà employée par certains. Il faut protéger nos actifs industriels stratégiques. Le sujet n'est pas nouveau : depuis 2010, le nombre d'entreprises sous contrôle asiatique, essentiellement chinois, est passé de 5 000 à 28 000. Il s'agit souvent de participations de l'État ou de complexes militaro-industriels.

Toutefois, la crise du covid-19 donne à ce phénomène un relief particulier. Au moment où l'on s'inquiète pour Verallia à Cognac, pour Nokia à Lannion, le risque est grand de plans sociaux, de crises locales. À la perspective de drames humains se mêle la question de l'autonomie stratégique, pour ne pas dire de la souveraineté, de l'Union européenne et de notre pays.

Lorsqu'il est question d'actifs stratégiques, j'ai envie d'évoquer un vaste sujet qui a sa place dans le pacte vert pour l'Europe et, nous l'espérons, dans le plan de relance français : la lutte contre le gaspillage de l'eau. Il faut sécuriser les ressources d'une manière adaptée au changement climatique, mettre fin au gaspillage d'un litre sur cinq dans nos réseaux d'eau potable, assurer la sûreté des technologies de transport de l'eau utilisées dans l'industrie nucléaire et dans le secteur de l'énergie, veiller à l'alimentarité des matériaux. L'eau potable et les conducteurs d'eau potable constituent un enjeu stratégique pour demain. Or PAM Saint-Gobain, filiale du groupe Saint-Gobain, envisage aujourd'hui des alliances, entre autres capitalistiques, qui pourraient nous faire perdre notre souveraineté économique sur cette entreprise, laquelle représente 50 % du marché européen des canalisations d'eau, 80 % du marché français.

Comment pouvons-nous traduire l'appel de Thierry Breton en termes de réciprocité commerciale, de protection des actifs, de nouvelle gouvernance, de capacité à réformer le droit moindre, bref, nous armer pour que l'Europe soit une puissance et cesse d'abandonner ses actifs stratégiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-I.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Tout d'abord, je souhaite préciser que l'accord commercial conclu par Saint-Gobain avec l'entreprise chinoise Haoyu Rizhao ne comporte aucun transfert technologique. En outre, il ne couvre que le marché chinois et des références que PAM, c'est-à-dire le site de Pont-à-Mousson, ne fabrique pas. Enfin, dans un communiqué de presse publié le 10 juin, à notre demande, Saint-Gobain a dissipé toute ambiguïté en établissant que le recours à ce partenaire chinois n'était pas envisagé s'agissant de l'avenir du site.

Les canalisations fabriquées à Pont-à-Mousson garantissent l'accès à une ressource précieuse, l'eau. Les réseaux présentent en effet un taux de déperdition de l'ordre de 20 % : éviter de perdre ainsi une matière première qui va devenir de plus en plus essentielle constitue un véritable enjeu. Ces tubes extrêmement durables devraient permettre, dans les années à venir, de prévenir ce phénomène ; mais cela demande de pouvoir accéder aux marchés publics, autrement dit d'être compétitif face à une concurrence qui peut paraître déloyale.

Lorsqu'il déclare que « l'ère de l'Europe conciliante, quand ce n'est pas naïve, a vécu », il me semble que Thierry Breton s'inspire largement de la manière dont nous avons, ces derniers mois, promu cette même vision auprès des instances européennes, en évoquant par exemple des règles de réciprocité dans l'accès aux marchés publics, un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, le renforcement du contrôle des investissements étrangers. En France, nous avons déjà renforcé ce contrôle ; notre modèle est repris à l'échelon européen en matière d'adaptation du droit à la concurrence ou de taxation minimale des plateformes numériques. Ce sont autant de sujets sur lesquels nous travaillons, sur lesquels nous sommes proactifs à l'échelon national. (M. Rémy Rebeyrotte applaudit.)

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)

Ministère répondant : Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 juin 2020

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