Situation de la psychiatrie
Question de :
Mme Martine Wonner
Bas-Rhin (4e circonscription) - Écologie Démocratie Solidarité
Question posée en séance, et publiée le 9 juillet 2020
SITUATION DE LA PSYCHIATRIE
M. le président. La parole est à Mme Martine Wonner.
Mme Martine Wonner. Monsieur le Premier ministre, la santé mentale ne peut plus être le parent pauvre de la médecine. S'il est une chose que la crise sanitaire a démontrée, c'est la grande fragilité d'un secteur qu'il est urgent de réformer. La détresse psychique n'épargne personne. Combien de patients, de soignants, d'étudiants, de parents et de personnes isolées ont perdu pied pendant le confinement, mais aussi depuis le déconfinement ? L'EPI-PHARE, groupement d'expertise publique en épidémiologie des produits de santé, a observé que les prescriptions d'anxiolytiques a augmenté de 290 000 pendant cette période. La consommation d'hypnotiques a également augmenté, avec 100 000 prescriptions supplémentaires. Le nombre des passages aux urgences pour motif psychiatrique a quant à lui triplé dès le début du déconfinement.
Qu'en est-il des patients enfermés contre leur gré au prétexte du confinement ? La contrôleure générale des lieux de privation de liberté s'est indignée dans son dernier avis des conditions d'hospitalisation de certains patients. Elle a relevé de graves atteintes portées aux droits fondamentaux dans plusieurs hôpitaux psychiatriques et a déclaré que le secteur avait besoin d'une nouvelle loi. Le 19 juin, le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité a demandé au législateur que les pratiques d'isolement et de contention puissent être soumises au contrôle d'un juge. La loi doit changer, et ce dès la fin de 2020.
Dans notre rapport sur l'organisation de la santé mentale, Caroline Fiat et moi-même avons fait état de la situation très précaire de ce secteur à bout de souffle et avons formulé des propositions concrètes. Ne vous y trompez pas, monsieur le Premier ministre : les répercussions psychiques de cette crise sanitaire imposent de placer la santé mentale au centre des préoccupations. C'est un sujet majeur pour le groupe Écologie démocratie solidarité. Le Ségur doit aller plus loin que de simples annonces budgétaires.
M. Rémy Rebeyrotte. C'est vrai.
Mme Martine Wonner. Êtes-vous prêt à accroître les financements en faveur de la santé mentale ? Pouvez-vous vous engager à nous soumettre un nouveau texte visant à ce que les personnes soient respectées dans leurs droits en cas de recours aux soins ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Durant la crise du covid-19, les troubles anxieux, voire dépressifs, ont effectivement augmenté, ce qu'on peut comprendre. Les familles ont été confinées chez elles pendant des semaines, des personnes ont été éloignées de leur emploi, d'autres l'ont même perdu ; un artisan qui ferme son commerce ou un enfant qui ne va pas à l'école, sans comprendre pourquoi il est éloigné de ses amis, subissent eux aussi un stress important. Pendant la crise sanitaire, notamment pendant le confinement, nous avons proposé un soutien psychologique à tous ceux qui en avaient besoin : appels téléphoniques, numéros verts, plateformes, intervention d'associations, de psychiatres et de psychologues… C'était indispensable. Un soutien psychologique a aussi été dispensé aux soignants, eux-mêmes victimes d'un stress justifiant pleinement qu'on les accompagne.
La situation a été très dure pour la psychiatrie, en milieu ouvert comme fermé. J'ai déjà salué, ici, le travail extraordinaire des soignants en milieu psychiatrique. Il leur a été encore plus difficile de gérer les quatorzaines et les mesures d'isolement, et d'en expliquer les raisons à des malades parfois délirants, qui ne les comprenaient pas toujours. Ajoutez à cela l'éloignement des familles et des proches aidants. L'accompagnement au quotidien a beau avoir été particulièrement dur, la psychiatrie a tenu. J'ai rencontré l'ensemble des représentants de la filière à plusieurs reprises ; je les ai salués et remerciés, et j'ai pris acte des organisations qu'ils avaient instaurées : nous devrons nous appuyer sur leurs initiatives dans la durée. Nous y travaillons avec le professeur de psychiatrie Frank Bellivier, délégué interministériel à la santé mentale et à la psychiatrie.
Un travail de résilience collective commence désormais. Même si le plus gros de l'épidémie est passé, la crise n'est pas derrière nous. Nous devons nous reconstruire individuellement et collectivement, dans notre vie quotidienne, dans nos familles, dans nos cercles amicaux et professionnels. Cela demande évidemment un soutien psychologique, et comptez sur nous pour l'apporter.
Auteur : Mme Martine Wonner
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juillet 2020