Politique agricole
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 16 juillet 2020
POLITIQUE AGRICOLE
M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Nous sommes loin du discours tenu à Rungis par le Président de la République et des espérances nées des états généraux de l'alimentation. Je le dis sincèrement : les élus du groupe socialiste partagent la déception…
M. Pierre Cordier. Stéphane Travert, où es-tu ?
M. Dominique Potier. …traduite par l'Observatoire de la formation des prix et des marges il y a quelques jours : non, pour les éleveurs et les producteurs de lait ou de viande, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, – loi EGALIM – n'a pas été conforme aux attentes. (M. Jean-Louis Bricout applaudit.)
M. Fabien Di Filippo. Nous l'avions annoncé !
M. Raphaël Schellenberger. Nous l'avions dit depuis le début !
M. Dominique Potier. C'est un échec que nous devons assumer ensemble, d'autant plus que la loi Sapin II – relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – que nous avions nous-même initiée n'avait pas non plus été, dans son volet agricole, à la hauteur des espoirs qu'elle avait suscités. Regardons les choses en face.
Il nous reste deux ans pour agir. Nous vous proposons, monsieur le ministre de l'agriculture, d'investir trois champs, qui peuvent sauver ce mandat et être utiles au monde agricole.
Le premier touche à une loi foncière.
M. Thierry Benoit. Très bien !
M. Dominique Potier. La moitié des agriculteurs prendront leur retraite dans les dix années à venir. L'accaparement des terres est un appauvrissement économique, social et écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, FI, LR, UDI-I, EDS et parmi les députés non inscrits.) Nous avons besoin, face aux dérives ultralibérales, de retrouver une régulation du foncier pour assurer une relève générationnelle et assurer l'esprit d'entreprise dans nos campagnes.
Le deuxième champ est celui de la politique agricole commune – PAC. Je le regrette, mais il semble que la France ne soit pas assez investie dans le Green Deal – le pacte vert – et le levier qu'il peut constituer pour améliorer cette politique.
M. Pierre Cordier. Très bien !
M. Dominique Potier. Nous vous invitons notamment à débattre avec nous de quatre sujets, monsieur le ministre. Il s'agit d'abord de mobiliser le premier pilier de la PAC pour soutenir les organisations de producteurs et leur rôle dans la fixation des volumes et des prix, ce que la loi EGALIM n'a pas permis de faire. Il faut ensuite orienter le deuxième pilier vers la haute valeur environnementale, pour relancer le récit de l'agro-écologie, qui réconcilie société et agriculture. Le troisième chantier, que vous connaissez très bien, est celui de l'autonomie protéique, qui doit être favorisée par des aides découplées. Ces leviers sont à votre portée.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député…
M. Dominique Potier. Le dernier point, le plus important, sur lequel vous pouvez vous engager ici et maintenant, consiste à garantir que la France, dans le cadre du processus de ratification du traité mixte avec le Mercosur – marché commun du Sud –, qui pourrait connaître une accélération sous la présidence allemande du Conseil de l'Union européenne, mettra son veto à un tel accord, pour que l'agriculture reste une assurance-vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, EDS, UDI-I, LR et parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Pierre Cordier. Tiens, Didier Guillaume a rajeuni !
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Il se trouve que, parmi les premiers documents que j'ai consultés en prenant mes fonctions, figure le rapport d'information sur le foncier agricole que vous aviez rédigé avec Anne-Laurence Petel en décembre 2018. Vous y indiquiez que l'agriculture française doit reposer sur deux notions clefs : protéger et partager. Je connais vos valeurs et je partage nombre d'entre elles. Je peux ainsi vous assurer que ces deux axes sont ceux que nous devons suivre dans la construction de notre politique agricole.
M. Thierry Benoit. Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. Cela me permet de répondre à certaines de vos questions.
S'agissant du foncier, nous devons protéger nos agriculteurs de l'artificialisation des sols. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et EDS.) Lorsque le Premier ministre a appelé, dans sa déclaration de politique générale, à un moratoire sur tous les nouveaux centres commerciaux, notamment pour éviter que des terres agricoles soient grignotées par ces centres, il allait dans ce sens.
Je suis également prêt à avancer sur la question des statuts et des fermages, et à discuter de la proposition de loi foncière que vous défendez. Que cette réforme doive ou non prendre la forme d'une loi importe peu : le danger serait qu'il n'y ait plus de transmission du foncier.
M. Thierry Benoit. Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre . Nous devons donc avancer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et EDS.)
Protéger, c'est aussi protéger l'agriculture et l'environnement. À ce titre, le Président de la République l'a redit le 29 juin devant les 150 participants à la convention citoyenne pour le climat : la France s'opposera à l'accord de libre-échange avec le Mercosur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-I et Agir ens.)
M. Pierre Cordier. S'il l'a dit…
M. Fabien Di Filippo. Les agriculteurs n'ont aucune raison de s'inquiéter !
M. Raphaël Schellenberger et M. Marc Le Fur . Et qu'en est-il du CETA passé avec le Canada ?
M. Julien Denormandie, ministre . Le deuxième grand axe consiste à partager : l'alimentation française doit être accessible à tous les Français. Ce qui est en jeu, c'est la question de la souveraineté alimentaire, que vous appelez aussi de vos vœux.
Cela veut dire qu'il faut par exemple que le plan protéines soit un des vecteurs du plan de relance – nous en avons largement discuté. Voilà ce à quoi correspond la souveraineté alimentaire.
Je conclurai, comme j'avais commencé, en citant un rapport parlementaire, celui que vous avez signé, monsieur Potier, avec des collègues de différents groupes : Sébastien Jumel, Julien Dive, Richard Ramos… et j'en oublie un…
M. Dominique Potier. Stéphane Travert ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie. Oui, mon ami Stéphane Travert, que je salue. La souveraineté alimentaire est une question essentielle !
M. le président. Monsieur le ministre, vous faites bien de citer les grands auteurs qui produisent des rapports parlementaires, lesquels devraient plus souvent inspirer l'action du Gouvernement ! (Applaudissements nourris sur la majorité des bancs. De nombreux députés se lèvent.) Allons, vous allez me faire rougir !
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juillet 2020