Droit à l'avortement
Question de :
Mme Albane Gaillot
Val-de-Marne (11e circonscription) - Écologie Démocratie Solidarité
Question posée en séance, et publiée le 29 juillet 2020
DROIT À L'AVORTEMENT
M. le président. La parole est à Mme Albane Gaillot.
Mme Albane Gaillot. Monsieur le Premier ministre, « L'acte de procréation est l'acte de liberté par excellence, la liberté entre toutes les libertés, la plus fondamentale, la plus intime de nos libertés. Et personne, […] personne n'a jamais pu obliger une femme à donner la vie quand elle a décidé de ne pas le faire. » C'est ainsi que Gisèle Halimi concluait, en 1972, sa célèbre plaidoirie du procès de Bobigny. Une immense féministe nous a quittés aujourd'hui ; nous savons ce que nous lui devons.
À l'heure où le droit à l'avortement est mis en danger aux quatre coins du monde, nous lui devons de poursuivre ce combat, de lutter contre toutes les formes d'obscurantisme quelles qu'elles soient, de préserver la plus intime de nos libertés. Nous lui devons de ne jamais nous résigner.
Plus de quarante ans après le vote de la loi Veil dans cet hémicycle, le droit à l'avortement est mis en danger, par le manque d'ambition concrète des politiques publiques en matière d'éducation à la sexualité, par les nombreuses fermetures d’établissements spécialisés dans la pratique de l'IVG – l'interruption volontaire de grossesse –, qui créent de larges disparités entre les territoires, et par la clause de conscience spécifique à l'IVG, qui consacre l'avortement comme un acte à part.
Mes chers collègues, chacun de ces obstacles peut être levé par une adaptation, à la marge, de notre droit. Parce que nous considérons qu’une liberté aussi fondamentale que le droit à l'avortement doit dépasser les clivages politiques, nous avons déposé, le 15 juillet dernier, une proposition de loi transpartisane visant à améliorer l'effectivité du droit à l'avortement.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : partagez-vous notre constat sur l'effectivité du droit à l'avortement et soutiendrez-vous cette proposition de loi pour que la France s’impose comme l'un des pays les plus progressistes en la matière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EDS, FI et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, vous venez de parler de Gisèle Halimi. Mon dieu, la vie de cette femme ! Durant toute sa vie, elle a été bousculée partout où elle se trouvait, précisément pour avoir voulu bousculer nos consciences. Toute sa vie, elle a pris des risques. Toute sa vie, elle a su anticiper avec ferveur, conviction et talent tous les grands débats qui traverseraient un jour la société.
En 1972, elle se bat pour que l'IVG ne soit plus considérée comme un crime. Il a fallu deux ans pour que le Parlement emprunte ce chemin, dans les conditions que l'on connaît aujourd'hui. En 1978, elle se bat pour que le viol soit reconnu comme un crime. Il a fallu à nouveau deux ans pour cela soit traduit dans la loi. Imaginez que c'était l'année de ma naissance !
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas si vieux !
M. Olivier Véran, ministre. Il est des combats qui sont difficiles à mener au moment où ils sont menés – parfois par des hommes, souvent par des femmes. Il est toujours intéressant et parfois émouvant de constater que, dix, vingt, trente ou quarante ans plus tard (M. le ministre se tourne vers la droite de l'hémicycle), l'objet de ces batailles finit par faire consensus.
Nous pouvons tous relire les écrits de Gisèle Halimi sur l'IVG, qui remontent à 1972. Nous constatons, en entendant des débats qui peuvent encore avoir cours ou en voyant, dans le métro, certaines campagnes honteuses de publicité – il y en avait une encore au mois de janvier dernier –, que les combats ne sont jamais gagnés définitivement et qu'il nous faut les poursuivre avec conviction.
Mme Caroline Fiat. Alors, agissez !
M. Olivier Véran, ministre. On peut compter sur de grandes femmes comme Gisèle Halimi et sur la ferveur d'un Parlement qui croit aux avancées sociales et sociétales.
Madame la députée, en tant que membre du Gouvernement, ministre des solidarités et de la santé, je défendrai bec et ongles, en toutes circonstances, tous les droits des femmes, dont, évidemment, le droit d'avorter, le droit pour les femmes de disposer pleinement de leur corps. Nous devons travailler ensemble sur ces questions, encore et encore. Nous ne devons jamais en parler au passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Albane Gaillot.
Mme Albane Gaillot. Je vous remercie, monsieur le ministre. J'ai bien entendu votre engagement total pour le droit des femmes et votre soutien plein et entier à tout ce qui pourra garantir l'effectivité du droit à l'avortement.
Je veux rappeler l'ampleur du phénomène : chaque année, 3 000 à 5 000 femmes partent à l'étranger pour avorter – contrairement à ce que l'on entend parfois, ce phénomène n'est pas lié à la crise du covid-19 ; en 2013, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes nous a informés que plus de 130 centres de planification IVG avaient fermé en l'espace de dix ans. Aujourd'hui, quand une femme veut avorter, elle avorte… (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Auteur : Mme Albane Gaillot
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Interruption volontaire de grossesse
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juillet 2020