Projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Question de :
Mme Frédérique Tuffnell
Charente-Maritime (2e circonscription) - Écologie Démocratie Solidarité
Question posée en séance, et publiée le 16 septembre 2020
PROJET DE LOI D'ACCÉLÉRATION ET DE SIMPLIFICATION DE L'ACTION PUBLIQUE
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Tuffnell.
Mme Frédérique Tuffnell. Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe Écologie démocratie solidarité, je souhaite vous alerter sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique – le bien nommé projet de loi « ASAP ». S'il était voté en l'état, celui-ci constituerait une grave régression s'agissant du droit et de la démocratie environnementaux. Quand il ne présente pas un risque direct pour l'environnement, ce texte réduit en effet considérablement la place laissée à l'information du public et au dialogue avec les citoyens.
Nous ne pouvons admettre, au nom d'une perpétuelle quête de simplification, qu'un texte ne vise exclusivement l'accélération des procédures administratives relatives à des projets dont l'impact négatif potentiel sur la santé, la sécurité ou l'environnement est avéré. Nous ne parlons pas ici de simples lotissements, mais bien d'installations classées pour la protection de l'environnement telles que les carrières, les raffineries ou les stations-service.
Alors que vient à peine d'être présenté un plan de relance pour lequel vous nourrissiez une très légitime ambition environnementale, les Français ne peuvent se satisfaire d'un mode d'emploi qui n'apportera ni simplicité, ni sécurité, ni confiance, et qui, au contraire, favorisera l'augmentation des contentieux.
Un an après l'incendie de Lubrizol, nous déplorons que ce texte ne tire pas les conclusions de la catastrophe. Plutôt que de faire le pari de l'abolition des règles, pourquoi ne pas faire le choix d'en fluidifier l'exécution, par exemple en renforçant les moyens humains et financiers des services instructeurs ?
Nous ne sommes défavorables ni à l'industrie ni aux relocalisations – bien au contraire. En revanche, nous pensons que l'activité industrielle ne doit pas s'opérer au mépris du climat, de la biodiversité et de la santé environnementale.
Comment faire, d'une part, l'apologie du « zéro artificialisation nette », en condamnant, d'autre part, nos milieux humides, pourtant essentiels à la préservation de la ressource en eau ? Comment est-il possible de prôner la simplification du droit au mépris de son intelligibilité ?
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, préserver et reconquérir la biodiversité, c'est construire la résilience de notre société et de son économie. Alors que ce texte tend à prendre un chemin diamétralement opposé, nous ne comprendrions pas que quelqu'un d'autre que Barbara Pompili, ministre de la transition écologique,…
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Frédérique Tuffnell. …représente le Gouvernement lors de son examen parlementaire pour tenter de le défendre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. En tant que députée, j'avais, comme vous, des inquiétudes sur le projet de loi ASAP, parce que je suis également très attachée à ce que notre droit demeure très protecteur de notre environnement, surtout dans une période où les préoccupations environnementales commencent enfin à se diffuser dans l'ensemble de la société.
Mon ministère a donc été extrêmement vigilant, depuis les premières versions du projet de loi jusqu'à son dépôt sur le bureau de votre assemblée, à ce qu'il préserve les fondements de notre droit environnemental. J'estime ainsi qu'il est tout à fait possible de procéder à des simplifications sans avoir à rogner sur l'essentiel.
Pourquoi ? Parce que j'ai constaté que notre droit environnemental souffre de lacunes. France Nature Environnement s'inquiète par exemple que ce projet de loi, s'il devait être voté, ne vienne autoriser des fermes de mille vaches. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Or, malheureusement, celles-ci peuvent déjà être autorisées ; cela signifie donc qu'il existe des trous dans la raquette, qui doivent être comblés.
S'agissant des ICPE – installations classées pour la protection de l'environnement –, certaines procédures administratives seront simplifiées, mais aucune n'empêchera que des inspections soient menées à leur terme. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Une mesure figurant à l'article 26, que vous avez certainement repérée, prévoit la possibilité, pour le préfet, après la consultation du public, d'autoriser le démarrage de tout ou partie des travaux en exécution d'un permis de construire sans attendre la délivrance de l'autorisation environnementale. (Mêmes mouvements.) J'ai étudié de près cette mesure. Elle ne pourra être appliquée que si le permis de construire a été déposé, que si le public a été informé, et que si une autorisation spécifique relative aux espèces en danger, au défrichement, ou au titre de la loi sur l'eau n'est pas nécessaire.
Mme Mathilde Panot. Ce n'est pas très convaincant !
Mme Barbara Pompili, ministre . Vous voyez donc qu'un certain nombre de précautions ont été prises.
M. le président. Merci, madame la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre . J'appelle votre attention sur le fait qu'elles pourraient être remises en question par des amendements, mais je suis sûre que vous y serez vigilants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, Agir ens et EDS.)
Auteur : Mme Frédérique Tuffnell
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Développement durable
Ministère interrogé : Transition écologique
Ministère répondant : Transition écologique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 septembre 2020