Accès à l'eau potable dans les collectivités d'outre-mer
Question de :
Mme Bénédicte Taurine
Ariège (1re circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 16 septembre 2020
ACCÈS À L'EAU POTABLE DANS LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER
M. le président. La parole est à Mme Bénédicte Taurine.
Mme Bénédicte Taurine. Monsieur le Premier ministre, se laver les mains est une règle de base pour lutter contre le coronavirus, mais comment faire quand on n'accède pas à l'eau ? En Guadeloupe et en Martinique, on constate des interruptions récurrentes dans la fourniture d'eau potable à des dizaines de milliers d'habitants. En Guyane, ce sont les quartiers défavorisés de Cayenne qui sont sans eau et sans électricité.
Début septembre, une semaine après le retour en classe, la plupart des écoles de la région de Grande-Terre sont restées portes closes. Le secrétaire départemental du syndicat enseignant SNES-FSU a indiqué que « ce sont surtout les coupures d'eau qui forcent à fermer [les établissements]. »
Mme Mathilde Panot. Exactement !
Mme Bénédicte Taurine. À Mayotte, le manque d'accès à l'eau concernerait quatre habitants sur dix. La moitié de la population de ce département ne disposerait pas d'un raccordement au réseau d’eau potable. Pour y remédier, le préfet de Mayotte a décrété le rationnement en eau. Pour la directrice de l'ARS de Mayotte, Dominique Voynet, la mesure de coupure d'eau vise à mieux « anticiper et éviter des affrontements civils entre communautés, entre villages, et convaincre les Mahorais qu'on n'est pas passifs, mais acteurs du développement ». Dire que l'on est acteur du développement en coupant l'eau aux populations laisse sans voix.
L'anticipation aurait été la réalisation des investissements nécessaires, permettant d'améliorer le réseau par exemple. (Mme Mathilde Panot et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.) En effet, la situation n'est pas nouvelle : Mayotte a déjà connu une grave crise d'approvisionnement en eau à cause d'une sécheresse exceptionnelle. Le plan « urgence eau » promis en 2017 a été largement insuffisant et ce sont toujours les plus fragiles qui pâtissent de votre manque de volonté politique, dans les outre-mer ou ailleurs, et tout particulièrement à Mayotte. De l'argent, il y en a : vous nous l'avez assez démontré ces derniers mois en distribuant des milliards.
Aujourd'hui, l'urgence est de satisfaire les besoins élémentaires de la population, y compris dans les outre-mer. Il est inacceptable que des personnes soient privées d'eau potable. Comment comptez-vous faire pour que chacune et chacun accède à ce bien essentiel qu'est l'eau, quel que soit son lieu de vie sur le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. S'il y a un dossier au sujet duquel ce Gouvernement a de la volonté politique, c'est bien celui de l'eau potable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. Mes chers collègues, écoutez la réponse !
M. Sébastien Lecornu, ministre . Mais c'est une compétence décentralisée depuis maintenant plus de quarante ans ; cela signifie que les collectivités territoriales sont compétentes. Est-ce que cela nous empêche d'avancer et d'agir ? La réponse est non ; nous le faisons.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que vous laissiez à penser que les tours d'eau, comme on dit si bien – ils existent malheureusement en Guadeloupe depuis longtemps et depuis peu à Mayotte –, sont une solution. Ce n'est qu'une solution temporaire, transitoire, en attendant de réaliser les infrastructures. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Ne cherchons pas à nous opposer sur ce sujet : nous sommes d'accord, sauf à faire de la récupération politique ou politicienne, ce qui serait évidemment détestable pour tous nos concitoyens d'outre-mer qui vivent très difficilement cette situation.
En Guadeloupe, on produit trois fois plus d'eau potable que nécessaire, mais on en perd 65 % en raison de fuites dans les réseaux. Cela veut dire qu'il y a eu un défaut d'investissement majeur ces dernières années. Maintenant, il faut faire du rattrapage, et pour ce faire, il faut apporter une réponse en matière d'ingénierie et de gouvernance de l'eau.
Nous nous appuyons sur le concept selon lequel « l'eau paie l'eau » ; sauf que moins on a d'eau potable, moins on arrive à facturer l'eau, et plus les services sont déficitaires. Il faut arriver à rompre ce cercle vicieux. C'est très important et très urgent, notamment en Guadeloupe.
De l'argent est mis sur la table en matière d'accompagnement des collectivités : c'est le plan « Eau DOM », que vous connaissez bien car nous en avons suffisamment parlé dans cet hémicycle. Dans le plan de relance, nous mobilisons 50 millions d'euros supplémentaires pour les réseaux d'eau potable et aussi parfois d'assainissement, parce que les deux peuvent être liés. L'enjeu, maintenant, c'est un art d'exécution avec les différentes entités locales, avec les syndicats, avec les collectivités territoriales. Ou alors, soyez plus directe et demandez la recentralisation de la compétence eau : au moins, nous aurons un débat clair ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Bénédicte Taurine
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 septembre 2020