Question au Gouvernement n° 3308 :
Enquête admnistrative sur des magistrats du parquet national financier

15e Législature

Question de : Mme Émilie Cariou
Meuse (2e circonscription) - Écologie Démocratie Solidarité

Question posée en séance, et publiée le 23 septembre 2020


ENQUÊTE ADMINISTRATIVE SUR DES MAGISTRATS DU PARQUET NATIONAL FINANCIER

M. le président. La parole est à Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, le parquet national financier – PNF – a été créé à l'issue d'une grave crise politico-financière en 2013, afin de répondre à la nécessité d'améliorer la réponse pénale face à la délinquance financière. Le PNF et l'indépendance de ses membres constituent une réponse au sentiment d'impunité ressenti par les Français face aux manquements à la probité, aux conflits d'intérêts et aux violations les plus graves des règles économiques dans notre pays.

Ce parquet spécialisé a rapidement déployé ses moyens, et établi sa réputation à l'échelon international. Avec tous les services chargés de la lutte contre la fraude, dont la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale – BNRDF –, il fait partie d'un édifice dont je salue ici le travail.

En octobre 2018, lors de l'adoption de la loi relative à la lutte contre la fraude, votre majorité au sein de cette assemblée a amplifié sa mission. Nous avons alors renforcé les pouvoirs des parquets, dont le PNF, avec l'ouverture du verrou de Bercy et de nouveaux outils juridiques donnés aux juridictions financières, telles que la convention judiciaire d'intérêt public – CJIP – et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC. Ces apports ont encore été salués la semaine dernière en commission des finances, à l'occasion de la présentation d'un rapport que j'ai rendu avec Éric Diard, député du groupe Les Républicains.

M. Michel Herbillon. Un excellent député !

Mme Émilie Cariou. Aller plus vite et plus fort tout en replaçant l'indépendance des pouvoirs au cœur du dispositif, c'est ce qui constitue l'armature de ce parquet devenu un navire amiral de notre action publique contre la délinquance financière.

Monsieur le garde des sceaux, votre prédécesseure a diligenté une inspection du PNF. Le rapport de l'inspection générale de la justice – IGJ – fait état d'un bon bilan technique et de l'absence de manquements formels. Or vous avez annoncé, vendredi dernier, le lancement d'une enquête administrative portant sur deux membres actuels du PNF et sur Mme Éliane Houlette, ancienne procureure nationale du parquet national financier, aujourd'hui retraitée.

Quelle réponse faites-vous au Conseil supérieur de la magistrature – CSM – qui, exceptionnellement, a exprimé sa préoccupation quant aux enquêtes administratives supplémentaires que vous avez annoncées et à la garantie de l'indépendance de l'autorité judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et sur quelques bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Il n'y a personne sur les bancs d'En marche !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de gagner vos places en silence, afin que chacun puisse entendre les questions et les réponses, mais aussi, à l'avenir, d'arriver à l'heure ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. Pierre Cordier. C'est la majorité qui est en retard !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie, madame, de me poser cette question (Exclamations sur les bancs du groupe LR) que plusieurs journalistes ont déjà posée, et à laquelle j'entends apporter la réponse la plus complète devant la représentation nationale. (« En deux minutes ? » sur les bancs du groupe LR.)

M. Erwan Balanant. Très bien !

M. Pierre Cordier. En deux minutes, ça risque d'être difficile !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Je vais le faire sous la forme d'un rappel chronologique, car la chronologie n'est pas sujette à la subjectivité. Premièrement c'est Mme Nicole Belloubet qui a ordonné l'inspection des services, se disant choquée par ce qui s'était passé – je rappelle que, durant une enquête secrète qui a duré six ans, on a fouillé dans les fadettes de magistrats, d'avocats et d'une journaliste.

Mme Émilie Bonnivard. C'est normal !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Les syndicats de magistrats ont alors poussé des cris d'orfraie, et ont tenté de faire dire au Conseil d'État que cette inspection était illégale. Le Conseil d'État ayant répondu que l'inspection était parfaitement légale, un syndicat de magistrats a estimé que le Conseil d'État avait rendu une décision tout à fait singulière, qu'il ne s'intéressait plus à la liberté et qu'il avait « abdiqué » – je cite les termes qui ont alors été employés.

Je n'ai participé ni de près ni de loin à la rédaction du rapport, mais je l'ai rendu public comme je m'y étais engagé.

Mme Émilie Bonnivard. Très bien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Nos services, dont je n'ai pas tenu la plume, ont dit qu'il pouvait y avoir des dysfonctionnements tenant à la fois d'un manque de diligence, d'un manque de rigueur et d'un manque de loyauté. Qu'auriez-vous fait à ma place, madame la députée ? Il était normal que nous allions…

M. le président. Merci, monsieur le ministre. (Le micro du ministre de la justice est coupé quelques secondes avant d'être rétabli.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . …mais que des magistrats ne veuillent pas répondre à l'inspection des services et préfèrent répondre à Paris Match, cela me chagrine !

Données clés

Auteur : Mme Émilie Cariou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 septembre 2020

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