Question au Gouvernement n° 3336 :
Gestion de la crise sanitaire

15e Législature

Question de : M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 30 septembre 2020


GESTION DE LA CRISE SANITAIRE

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous incitez les Français à se rassembler chez eux après vingt-deux heures plutôt que de faire respecter les règles de distanciation entre les tables des bars et restaurants ?

Pouvez-vous m’expliquer pourquoi les Français n’ont pas le droit de se réunir à plus de trente dans les salles des fêtes publiques mais peuvent faire ce qu’ils veulent dans des salles de fêtes privées ?

M. Pierre Cordier. Eh oui !

M. Damien Abad. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous incitez les Français à télécharger l’application StopCovid sans le faire vous-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Pouvez-vous m’expliquer pourquoi les Français n’ont pas accès aux salles de sport alors que vous autorisez, en même temps, les piscines parisiennes à rester ouvertes ? Le covid serait-il inoffensif dans l’eau ?

Monsieur le Premier ministre, les Français n’y comprennent plus rien tant vos décisions sont contradictoires, incohérentes, et profondément injustes.

Plusieurs députés du groupe LR. Eh oui !

M. Damien Abad. À chaque jour sa nouvelle règle et à chaque lendemain son exception. Votre « en même temps », c’est la politique de la confusion permanente. Vous aviez promis une approche territorialisée mais vous êtes enfermés dans un « en même temps » anxiogène, technocratique et déconnecté de la réalité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)

Après le fiasco des masques en mars, c’est la Bérézina des tests en septembre. Comment contenir la vitesse de propagation du virus quand il faut plus de trois jours pour se faire tester et plus de trois jours encore pour obtenir les résultats ?

Vous aviez promis un Grenelle de la santé mais rien n’a changé. Sur les ARS, rien. (« Rien ! » sur les bancs du groupe LR.) Sur les lits de réanimation supplémentaires, rien. (« Rien ! » sur les bancs du groupe LR.) Sur les commandes de gants, rien. Sur le renforcement du lien entre les hôpitaux publics et privés, rien. (« Rien ! » sur les bancs du groupe LR.) Sur les EHPAD, rien. (« Rien ! » sur les bancs du groupe LR.)

Plutôt que de disserter sur la France de demain, concentrez-vous sur la France d'aujourd'hui. Les Français attendent des actes. Quand allez-vous sortir de votre gestion de crise chaotique et de l’amateurisme dans lequel le Gouvernement est tombé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Le monde, l'Europe, la France, sont confrontés, chacun ici le sait, à une crise sanitaire, économique et sociale d'une ampleur exceptionnelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR. – Applaudissements ironiques sur les bancs des groupes FI et GDR.) Cette crise appelle selon moi des réactions et des comportements d'une nature profondément différente de ceux que vous venez de montrer, monsieur Abad, je vous le dis avec le respect que je vous porte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Vous savez toutes et tous que la situation sanitaire de notre pays se dégrade significativement, comme en Espagne, en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et partout ailleurs.

M. Raphaël Schellenberger. Il va encore passer quatre minutes à ne rien dire !

Plusieurs députés du groupe LR . Répondez à la question !

M. Jean Castex, Premier ministre. J'y viens.

Les chiffres sont inquiétants dans nombre de régions, notamment dans les métropoles. Le Gouvernement regarde une batterie d'indicateurs, à commencer par le taux d'incidence dit général, le taux d'incidence des plus de 60 ans, ainsi que le nombre d'admissions à l'hôpital et dans les services de réanimation, au jour où ces chiffres sont déterminés et tels qu'ils peuvent être projetés dans les jours et les semaines à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Écoutez-moi ! (Mêmes mouvements.) Et c'est le croisement de ces indices qui nous permet de prendre des mesures adaptées, certes difficiles, dans certains territoires comme c'est le cas à Marseille et à Aix.

M. Maxime Minot. Ce n'est pas la question !

M. Jean Castex, Premier ministre. Le Gouvernement ne reste pas sans agir, et il le fait, mesdames, messieurs les députés, sur la base d'une stratégie cohérente (Vives exclamations sur les bancs du groupe LR),…

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues.

M. Jean Castex, Premier ministre . …à savoir protéger les Français contre le risque épidémique tout en permettant à la vie économique, sociale et scolaire du pays de se poursuivre le plus normalement possible car on sait désormais quelles seraient les conséquences d'un reconfinement généralisé.

Un député du groupe LR . Et la culture ? !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je vous rappelle, à ce titre, qu'au moment où je vous parle et alors que des débats légitimes se tiennent à propos des bars, des restaurants, des salles de sport et des piscines – n'est-ce pas, monsieur Abad ? –, les commerces et les entreprises fonctionnent pour l'essentiel normalement – même si nous encourageons fortement le télétravail – ; notre système éducatif accueille la quasi-totalité des élèves en toute sécurité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM) ; des pans entiers de notre vie collective continuent de se déployer moyennant, dans tous les cas, des protocoles sanitaires adaptés et rigoureux. Cette stratégie repose, plus que jamais, sur quatre piliers ; trois d'entre eux concernent l'ensemble du pays.

M. Maxime Minot. Édouard revient !

M. Jean Castex, Premier ministre. Le respect des gestes barrière et le port du masque le plus souvent possible. C'est pourquoi nous avons pris, dès le début de l'été, des dispositions pour en assurer la généralisation.

Le triptyque tester, alerter, protéger. Sur ce point, le Gouvernement a fait le choix de conduire une politique de dépistage massive (Exclamations sur les bancs du groupe LR)

M. Raphaël Schellenberger. Hourra !

M. Damien Abad. Ce n'est pas ce que vous aviez dit en mars, monsieur le Premier ministre !

M. Jean Castex, Premier ministre. …la deuxième en Europe désormais…

M. Charles de la Verpillière. Avec six mois de retard !

M. Jean Castex, Premier ministre . …avec plus de 1,3 million de tests réalisés par semaine. Mais en conséquence, le délai d'attente pour se faire prélever ou pour recevoir ses résultats a été trop long dans beaucoup d'endroits. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Frédéric Reiss. Beaucoup trop long !

M. Jean Castex, Premier ministre . J'entends les critiques sur le fait que le Gouvernement n'aurait pas dû supprimer l'obligation d'une prescription médicale et qu'il devrait la rétablir, mais une telle solution, outre qu'elle recréerait des tensions et allongerait les délais chez les médecins généralistes, aurait pour effet de ne pas entraîner dans les mailles du filet les nombreux patients asymptomatiques. Nous avons donc privilégié au cours des dernières semaines la prise de rendez-vous prioritaire et l'installation de barnums. Et les améliorations sont là ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Silence, chers collègues.

M. Jean Castex, Premier ministre. Et puis nous avons décidé d'acquérir une nouvelle catégorie de tests, dits antigéniques, dont les résultats sont connus beaucoup plus rapidement, ce qui va améliorer très significativement la situation.

M. Patrick Hetzel. Il est très mauvais.

M. Jean Castex, Premier ministre . Le troisième pilier est majeur puisqu'il concerne toutes les actions, complétées par des initiatives locales, à destination des personnes les plus vulnérables au virus, notamment les personnes âgées. Nous avons constaté comme vous que certains de nos concitoyens ne respectent pas les gestes barrière, ne portent pas le masque ou le portent mal, ou encore ne s'astreignent pas à l'isolement lorsqu'ils ont été déclarés positifs. (Mêmes mouvements.)

M. Raphaël Schellenberger. N'accablez pas les Français !

M. Jean Castex, Premier ministre . Ces comportements sont constatés particulièrement dans des espaces privatifs, entre autres le cercle familial, ou dans des lieux de convivialité. Nous constatons également que la contamination des personnes vulnérables, après avoir ralenti, est repartie à la hausse.

Cette situation a conduit le Gouvernement au quatrième pilier de sa stratégie, à savoir des mesures restrictives susceptibles d'être prises au regard de l'évolution de l'épidémie. Sur ce point, je réaffirme ici que, depuis le début, nous nous appuyons sur le couple maire-préfet (Exclamations sur les bancs du groupe LR et protestations sur les bancs des groupes FI et GDR)…

M. Sébastien Jumel. C'est faux !

M. Jean Castex, Premier ministre. …que je n'ai jamais cessé de promouvoir depuis la phase du déconfinement. Et nous allons continuer (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) car il est indispensable pour prendre les mesures les plus adaptées. Mais ce dispositif n'a jamais signifié un recul, encore moins une défausse de l'État, puisque c'est bien le préfet, son représentant, qui décide en dernier ressort. C'est la raison pour laquelle, la semaine dernière, nous avons décidé de prendre des responsabilités supplémentaires : tel est bien le rôle de l'État quand la situation sanitaire, en l'occurrence épidémiologique, s'aggrave ! Certaines décisions, difficiles à prendre et à assumer, ont du ressort de l'État et, à ce titre, celui-ci doit prendre ses responsabilités.

Mme Émilie Bonnivard. C'est une question de cohérence !

M. Jean Castex, Premier ministre . Pour autant, il continuera de s'appuyer sur les élus et les autres acteurs locaux. Je recevrai demain l'Association des maires de France, et je continuerai – je n'ai cessé de le faire – à mener des discussions avec les présidents des principales agglomérations.

Tout le Gouvernement est mobilisé pour accompagner les secteurs professionnels les plus touchés par les mesures que nous prenons. J'ai reçu ce matin même à Matignon les représentants du secteur de l'hôtellerie, de la restauration et des bars pour trouver avec eux les mesures adaptées à la situation. Le Gouvernement prend ses responsabilités, et je demande à chacune et à chacun de faire de même. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

La situation du pays est grave ! J'en appelle au rassemblement, à l'unité, mesdames, messieurs les députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Aucun dialogue n'est rompu. Aujourd'hui, monsieur Abad, ceux qui me reprochent de prendre des mesures trop fortes pourraient être demain ceux qui me reprocheront de ne pas en avoir fait assez. (Mêmes mouvements.) Je veux redonner espoir ! Ces mesures, je l'espère avec votre soutien à tous, produiront leurs effets et nous vaincrons ensemble cette crise sanitaire ! (Mmes et MM. les députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Huées et exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. Chers collègues, la pertinence de vos questions mérite que vous en écoutiez au moins les réponses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. Raphaël Schellenberger. Bravo !

Données clés

Auteur : M. Damien Abad

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 septembre 2020

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